Quand on est un personnage public, il n’est jamais neutre d’écrire et surtout de publier ses Mémoires. Signe d’une nouvelle maturité ? Message politique envoyé aux nouvelles générations ? Mémoire du passé ou mémoire d’avenir ? Les Mémoires identitaires que Jean-Yves Le Gallou vient de publier aux éditions Via Romana[1] expriment tout cela à la fois et c’est pourquoi, une fois que l’on a commencé de les lire, on ne peut plus s’en séparer. Car Jean-Yves Le Gallou n’est pas n’importe qui, on le sait, et en près de 300 pages, denses, il a vraiment beaucoup de souvenirs, de noms, de lieux et d’anecdotes à nous livrer. Beaucoup de choses à nous dire aussi.
Le témoin du Grand Basculement
Mémoires identitaires se lit d’abord en effet comme le témoignage du Grand Basculement que notre pays a connu depuis 1968, comme le sous-titre l’ouvrage : basculement démographique avec le grand remplacement migratoire, basculement civilisationnel avec le mémoricide programmé par l’Éducation nationale et l’Université, basculement politique avec la mise en place du gouvernement des juges – le prétendu État de droit – et les transferts de souveraineté au « machin » mondialiste bruxellois, basculement économique avec la désindustrialisation, l’endettement et la paupérisation nationale.
Les Mémoires identitaires correspondent donc en réalité à ceux de toute une génération : celle des Trente Glorieuses finissantes qui vont bientôt laisser la place aux années pitoyables que nous connaissons. 1968-2025, soit plus de cinquante années de vie politique française !
Les boomers les plus conscients, qu’ils aient connu ou non l’auteur, ne pourront pas lire cette rétrospective sans nostalgie ni sans un serrement de cœur : tant d’occasions perdues, tant d’avertissements que l’on n’a pas voulu entendre, tant d’espoirs déçus, tant de victoires sans lendemain…
Mémoires de guerre
Jean-Yves Le Gallou témoigne de ces bouleversements comme haut fonctionnaire dans un grand corps de contrôle de l’État, comme élu, comme militant, comme penseur et écrivain politique prolixe, comme lanceur d’idées et d’alertes. Cela fait beaucoup de points de vue et explique l’incontestable richesse de ses Mémoires identitaires. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir la table des matières : un vrai dictionnaire politique français !
Mais l’auteur reste un témoin engagé et l’on comprend vite qu’il n’a pas ménagé ses efforts pour contrer les bouleversements qu’il voyait naître. Que ce soit à Sciences Po, au GRECE, au Club de l’Horloge, à Antony, au FN, à Strasbourg, à la région Île-de-France, au MNR, à Radio Courtoisie, à Polémia, à TV Libertés, à l’Institut Iliade : pas de place pour le désespoir dans un tel parcours ! Toujours créer, toujours avancer, toujours lutter et parfois gagner.
Les Mémoires identitaires se déroulent donc selon le rythme soutenu, sinon haletant, d’un combat métapolitique et politique incessant contre le déclin annoncé et pour le renouveau de notre civilisation. Ce sont aussi, sur ce plan, des Mémoires de guerre.
Des Mémoires olympiennes
Dans les Mémoires identitaires, l’amertume, le ressentiment ou la repentance ne sont pas de mise, cependant.
C’est aussi là que réside leur grand intérêt. Les amateurs d’anecdotes assassines ou de règlements de comptes en seront pour leur frais !
Car ces Mémoires expriment au fil des pages une attitude positive – on dirait olympienne – de tous les instants : dans l’adversité comme dans le succès, sur le plan personnel ou politique, et elles constituent aussi en cela une leçon de morale européenne. Une belle leçon vivante de fidélité à notre identité, précisément.
D’autant que Jean-Yves Le Gallou peut se targuer d’avoir été un précurseur, « à l’avant-garde dans l’analyse des grandes questions »[2], et d’avoir bien souvent vu juste.
Il le reconnaît mais avec la retenue – la tenue – romaine d’un Cincinnatus.
Mémoires d’espoir
Breton et montagnard émérite, Jean-Yves Le Gallou a toujours un sommet ou un horizon à conquérir. Que ce soit le sommet de la Meije ou celui de l’Olympe.
Les Mémoires identitaires se terminent d’ailleurs sur une invite ironique, sinon inactuelle pour un auteur né en 1948 : « Rendez-vous en 2100 ! »
Pourquoi ? « … pour voir la suite… Dans l’espoir qu’il y aura encore des hommes et des femmes de sang et d’esprit européen pour poursuivre la grande aventure de nos peuples et qu’un nouvel empire de l’esprit pourra ressurgir[3]. »
Les Mémoires identitaires s’achèvent donc sur l’avenir : c’est plus qu’un clin d’œil. L’homme de l’avenir n’aurait-il pas « la mémoire la plus longue » ?
Jean-Yves Le Gallou nous livre dans ses Mémoires identitaires, on le voit, une mémoire vivante et non pas morte. Un message d’espoir pour une époque qui en a grand besoin.
Michel Geoffroy
07/05/2025
[1] Le Gallou (Jean-Yves), Mémoires identitaires – 1968-2025, les dessous du Grand Basculement, Via Romana, 2025, 25 euros.
[2] Le Gallou (J.-Y.), op.cit., p. 282.
[3] Ibid., p. 283.