En pleine crise gouvernementale, Emmanuel Macron accompagné du chancelier allemand Friedrich Merz et du président du Conseil des ministres polonais Donald Tusk s’était rendu toutes affaires cessantes le 27 août en Moldavie pour y assister à la fête nationale commémorant l’adoption en 1991 de la déclaration d’indépendance de ce pays vis-à-vis de l’Union soviétique. Et surtout afficher un plein soutien à Maia Sandu, la présidente pro-européenne de ce pays dont le pouvoir était menacé par les élections législatives du 28 septembre. Les membres du « Triangle de Weimar » peuvent se féliciter de leur initiative puisque, malgré une abstention massive (48 %), le parti présidentiel crédité de 50 % des voix aurait largement devancé le Bloc patriotique étiqueté prorusse, qui n’a recueilli que 24,26 % des suffrages au terme d’une campagne électorale riche en coups fourrés des deux côtés.
La Moldavie, un autre État voyou dans l’UE
On conçoit que, déjà amputée en 1990 par Moscou de la Transnistrie et frontalière de l’Ukraine, la Moldavie naguère ballottée entre l’Empire russe (où elle formait le gouvernement de Bessarabie) et l’Empire austro-hongrois se sente en péril et aspire à rejoindre le giron européen dont « nous faisons partie », avait affirmé le 27 août Mme Sandu en martelant : « Il n’y a pas d’alternative à l’Europe », surtout « à un moment où notre indépendance, notre souveraineté et notre paix sont mises à l’épreuve peut-être plus que jamais ».
Le chancelier Merz avait alors embrayé en déclarant que « l’Allemagne, la France et la Pologne soutenaient la Moldavie contre les attaques hybrides constantes » de la part de Moscou cependant que le Polonais Tusk enfonçait le clou en soutenant qu’il « n’y a pas d’Union européenne sûre, pas de Pologne, de France ou d’Allemagne sûres sans une Moldavie indépendante et sûre ». Quant à Emmanuel Macron, il avait repris presque mot pour mot ses propos tenus en août sur l’adhésion souhaitée par lui de la Serbie, pour vanter la formidable « opportunité en termes de prospérité, de sécurité et de modernisation » que l’intégration dans l’UE représentait pour la « Moldavie », à laquelle « la France continuera d’apporter son soutien déterminé au cours des prochaines étapes de son parcours vers l’adhésion ».
Serbie, Albanie… Macron prêt à tout pour faire échec à Moscou
Qu’apporterait en revanche à l’Union européenne ce tout jeune pays melting-pot (une cinquantaine de communautés ethniques), le plus pauvre du continent européen et dont l’économie repose entièrement sur l’agriculture ? Ce qui ferait de lui, compte tenu des salaires misérables versés sur place et d’un total mépris de l’écologie, un concurrent redoutable pour nos paysans déjà menacés de ruine par l’accord avec le Mercosur finalement validé le 3 septembre par la Commission européenne — qui a ainsi trahi toutes ses promesses.
Un État de plus profondément corrompu comme en témoigne le scandale Plahotniuc, du nom d’un oligarque opportunément extradé de Grèce (où il vivait depuis six ans comme un coq en pâte) à Chisinau, qui le réclamait pour répondre de « corruption », « escroquerie », « blanchiment d’argent » et « création d’organisation criminelle », trois jours avant les législatives — encore un coup de main européen à Maia Sandu. De 2010 jusqu’à sa fuite en 2019 à Athènes, Vladimir Plahotniuc était en effet considéré comme l’homme le plus puissant de ce petit pays de 2,6 millions d’habitants dont il avait littéralement vidangé les banques, à concurrence d’un milliard de dollars (850 millions d’euros). Un « vol du siècle », qui aurait représenté plus de 15 % du produit intérieur brut de l’époque.
Mais qui nous dit qu’il fut le seul prédateur et que d’autres requins de son espèce ne sont pas à l’œuvre, pour se gorger désormais des fonds européens ? Car l’adhésion de la Moldavie va bon train sous la houlette du commissaire européen chargé de l’élargissement de l’Union à l’Est, Serbie, Bosnie et même Kossovo inclus, la Slovène Marta Kos : à l’occasion du premier sommet Moldavie-UE tenu le 4 juillet dernier à Chisinau fut annoncé le déblocage d’un premier financement de 270 millions d’euros, destiné à « appuyer les réformes et à rapprocher la Moldavie du marché unique ».
Une Mata-Hari slovène
Qui est la sémillante sexagénaire Marta Kos, laquelle, épouse de l’Helvète Henri Gétaz, comme par hasard ancien secrétaire général de l’Association européenne de libre-échange, et vivant en Suisse, ne se rend que très épisodiquement à Bruxelles ? Ce qui ne l’empêche pas de palper le salaire rondelet de 268 012 euros par an, la présidente Ursula von der Leyen percevant quant à elle 336 308 euros, presque autant que l’Américain Donald Trump (400 000 dollars, soit 368 000 euros).
Née en 1965 dans l’ancienne Yougoslavie, elle est d’abord connue comme championne de natation avant de travailler pour plusieurs journaux allemands, puis, à partir de 1997, et de diriger le bureau d’information du gouvernement slovène. Bénéficiant visiblement de hautes protections, Marta Kos est successivement nommée en 2000 vice-présidente de la Chambre de commerce et d’industrie nationale, ambassadrice en Allemagne de 2013 à 2017 et ambassadrice en Suisse de 2017 à 2020, époque à laquelle elle doit démissionner en raison d’un désaccord avec la politique étrangère de son gouvernement, et surtout des accusations de harcèlement pesant sur elle dans le cadre du contrôle interne de son ambassade. Elle tâte alors de la politique au Mouvement pour la Liberté, sous le drapeau duquel elle tente d’être choisie comme candidate en 2022 à la présidence de la République slovène, sans succès car elle est en conflit avec d’autres dirigeants du mouvement.
Est-ce sous certaines pressions ou pour se débarrasser de cette ambitieuse que le gouvernement dirigé par l’écologiste libéral Robert Golob et composé d’une coalition de trois partis de centre gauche l’a désignée début 2024 pour représenter la Slovénie à la Commission européenne, qui a accepté sa candidature ensuite ratifiée par l’Europarlement ?
Si c’est le cas, ce fut un cadeau empoisonné pour l’UE puisque, à peine Kos nommée — mais pas encore intronisée —, le scandale éclate. Le site Demokrazia.eu révèle en effet que, « depuis 2003, il est connu que la candidate au poste de Commissaire européen Marta Kos collaborait encore en 1987 avec le Service de la Sécurité de l’État (SDV), successeur de l’Administration de la Sécurité de l’État (UDBA) », le KGB yougoslave. Aujourd’hui, souligne le site, « ce document officiel fait partie des Archives de la République de Slovénie. Marta Kos est listée sous l’entrée 452234 dans ce registre, et son numéro d’immatriculation au SDV est 0014000-05448. » Révélation confirmée par Igor Omerza, spécialiste de l’ancienne et redoutable police secrète titiste, dans son ouvrage Slovenska Udba i Počasni bleiburški vod (Zagreb, mai 2025) où il précise que l’officier traitant (et peut-être amant) de Marta Kos était un certain Stojan Celin auquel, du temps où elle était journaliste en Allemagne — à l’époque communiste, donc —, la future ambassadrice adressait clandestinement nombre d’informations destinées au SDV sur les activités de la communauté slovène dans ce pays et notamment à Cologne, refuge de nombreux exilés politiques.
D’où la question posée par le principal hebdomadaire slovène, Mladina : « Que dirait-on en Allemagne et en Europe si un ancien agent de la Stasi devenait Commissaire européen ? » Question un peu naïve puisque l’ancienne chancelière Angela Merkel, née de parents ayant délibérément choisi de s’installer en RDA après la partition de l’Allemagne, appartint elle-même aux Jeunesses communistes et fut fortement soupçonnée d’accointances avec la Stasi.
Omertà en France
Mais son appartenance au surgeon slovène de l’UDBA ne serait pas le seul fil à la patte de Marta Kos — qui rejette évidemment les accusations la visant —, dont l’ascension politique et même la nomination à Bruxelles auraient été facilitées par sa proximité avec Zoran Janković, tout-puissant maire de Ljubljana depuis près de vingt ans.
Né en Serbie de père serbe et de mère slovène, “Zoki” issu comme Kos du milieu sportif (dans son cas, le handball) est décrit par Mladina comme « un oligarque qui a choisi d’entrer en politique pour défendre ses intérêts », et conserve des liens très étroits avec sa terre natale. Raison pour laquelle il a poussé la candidature de Marta Kos comme commissaire européen à l’Élargissement, dans l’espoir de faire aboutir très vite une autre candidature : celle de Belgrade dans l’Union européenne.
Cause également défendue avec énergie par Emmanuel Macron — celui-ci avec pour objectif de « découpler la Serbie de la Russie » comme nous l’écrivions ici le 10 août dernier — mais avec des conséquences identiques : l’intégration de pays voyous et d’oligarques véreux brûlant de hausser leurs trafics à l’échelle européenne.
L’affaire Kos a défrayé la chronique outre-Manche comme outre-Rhin et bien sûr dans les Balkans mais le public français n’en a pas été informé : nos médias si acharnés à débusquer les « brebis galeuses » dans les partis de droite sont restés muets, de même que l’édition hexagonale de Wikipédia — au contraire de l’édition en langue anglaise. Il s’agit pourtant d’une affaire d’État(s) aux implications multiples quant à la crédibilité de l’Union et à ses choix géopolitiques. Sans parler des fuites possibles sur les conversations confidentielles tenues au sein de la Commission européenne elle-même.
Camille Galic
03/10/2025
Crédit photo : CC-BY-4.0: © European Union 2024– Source: EP
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