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Marine Le Pen et la bataille de la crédibilité

Marine Le Pen et la bataille de la crédibilité

par | 2 décembre 2014 | Politique

Marine Le Pen et la bataille de la crédibilité

Seule candidate, Marine Le Pen, bien entendu, a été réélue à la tête du Front national. Et même si ses orientations ne font pas l’unanimité, on ne voit pas aujourd’hui qui pourrait la remplacer à moins de deux ans et demi de l’élection présidentielle.

Il semble bien qu’elle ait réussi son pari de la « dédiabolisation », non seulement parce qu’on lui court après pour qu’elle intervienne sur les plateaux de télévision mais aussi parce qu’elle mord chaque jour davantage sur un électorat qui lui est d’ordinaire hostile. C’est ainsi que, selon la dernière enquête de l’Ifop, 12% des électeurs ayant choisi Sarkozy en 2012 voteraient pour elle si elle devait l’affronter ; si c’était Juppé, ils seraient 21% à lui préférer Marine. En outre, 12% des électeurs de Hollande et 10% de ceux de Mélenchon quitteraient ces derniers en 2017 au profit de la présidente du Front national.

Il existe encore des « rustres » qui continuent à maintenir ce qu’ils appellent un « cordon sanitaire » autour du Front et de ses élus, comme s’ils étaient contagieux : ce sont généralement des hommes politiques sectaires. C’est ainsi, par exemple, que seul Manuel Valls serre la main de Marion Maréchal-Le Pen, tous les autres membres du gouvernement méprisant cette élue du peuple et, avec elle, ses électeurs.

La prochaine étape, ce sera l’élection présidentielle « la mère de toutes les batailles », disait son père. Auparavant, il y aura les élections départementales (il s’agit des cantonales rebaptisées ainsi) et les régionales. Il ne fait pas de doute que les nationaux continueront d’avoir le vent en poupe et que les mairies conquises seront autant de têtes de pont pour aller à la conquête de l’électeur. Mais il n’y aurait de changement véritable que si Marine Le Pen était portée à l’Élysée par les Français.

Est-ce possible ? Même ses adversaires, de droite comme de gauche, qui, hier encore, souriaient à l’évocation de cette hypothèse, disent maintenant que ce n’est pas impossible. Et cette possibilité, les candidats l’intègrent dans leur stratégie. Hollande espère que le « danger » Le Pen contraindra ses partenaires à s’unir sinon la gauche sera éliminée dès le premier tour. Duflot réfute cette argumentation et entend bien être candidate en expliquant que si les gens votent Marine, même à gauche, c’est que les socialistes ont terriblement déçu. Il faut donc leur proposer un programme et un(e) candidat(e) qui susciteront l’espoir d’un vrai changement.

A droite aussi, le président du Front est dans toutes les têtes. Juppé explique que, si les libéraux veulent être présents au second tour, il faut un champion unique de la droite et du centre et lui seul peut l’être, pas Sarkozy. Evidemment ce dernier réplique que l’élection se gagnera à droite et que lui seul peut prendre des voix à Mme Le Pen, comme il l’a déjà fait en 2007 ; les électeurs centristes, au second tour, n’hésiteraient pas entre lui et la candidate du Front.

Cela étant dit, au-delà de ces calculs, la question est bien de savoir si nos compatriotes sont prêts à donner le pouvoir à Marine Le Pen. Or, si ses propositions sont approuvées par 43% des Français, selon un sondage Odoxa d’octobre dernier, ils sont 67% à ne pas lui faire confiance comme présidente de la République. Pire : selon le même institut en novembre et, cette fois, par rapport à Hollande, 45% des sondés estiment que Marine Le Pen ferait « plutôt moins bien » que lui, 29% qu’elle ferait « plutôt mieux » et 26% « ni mieux, ni moins bien. » Au fond, si les électeurs l’approuvent en détail, ils ne lui accordent pas leur confiance « en gros », si l’on ose dire. Ils n’y croient pas.

Pourquoi ? Elle a gagné la bataille de la dédiabolisation mais pas celle de la crédibilité. Elle a un peu plus de deux ans pour y parvenir. Ce n’est pas gagné.

Les Français ont compris que nous n’avons plus les moyens de notre politique sociale. Marine Le Pen a répété, dans sa longue interview au Figaro du 28 novembre, qu’elle ne supprimerait pas l’ISF et entendait rétablir la retraite à 60 ans, ce que même les socialistes ne proposent plus ; seuls la CGT et le Parti communiste l’ont inscrite à leur programme. Tout le monde sait que ce n’est ni possible, ni souhaitable. Elle pense qu’elle pourrait financer cette mesure par des économies, le rétablissement du franc et une diminution des charges sociales générées par l’immigration. Mais pas un chiffre pour l’attester. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’irréalisme d’un projet qui emprunte plus à Mélenchon qu’à son père, Jean-Marie. Et que dire du soutien de son vice-président Florian Philippot aux intermittents du spectacle, aux grévistes de la SNCF et à ceux de Florange ? Et cela tout en refusant que le Front, en tant que tel, participe aux manifestations contre « le mariage pour tous » ? Pour gagner la bataille de la crédibilité, il lui faudrait d’abord opérer une clarification et chiffrer de façon indubitable le financement de ses projets.

Elle veut dépasser le clivage droite/gauche puisque l’intérêt national transcende cette distinction. Soit ! Mais il semble que, au moins en économie, il y ait, chez Marine, plus de gauche que de droite et ce sont précisément ses propositions dites « sociales » qui lui valent ce déficit de crédibilité qui empêche nombre d’électeurs de croire qu’elle peut diriger le pays.

Car les Français, s’ils souffrent évidemment de la crise, ne croient plus que l’on peut raser gratis… demain. On voit dans quelle situation est Hollande aujourd’hui pour l’avoir laissé croire pendant sa campagne électorale. Certes, la sortie de l’euro et de l’Union européenne, à la suite d’un référendum, comme elle le propose, pourrait résoudre un certain nombre de problèmes insolubles dans le cadre de l’Union mais cela ne serait pas suffisant. Euro ou non, Union européenne ou pas, il n’est pas possible durablement de dépenser l’argent que l’on n’a pas, ni de vivre d’emprunts, de continuer à creuser les déficits de la maison France et d’être ainsi à la merci des financiers internationaux qui, eux aussi, menacent notre indépendance.

André Noël
Source : Bulletin d’André Noël – n° 2401
Semaine du 1er au 7 décembre 2014

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