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Les hommes politiques devraient contester les questions des journalistes !

Les hommes politiques devraient contester les questions des journalistes !

par | 26 avril 2017 | Politique

Les hommes politiques devraient contester les questions des journalistes !

Par Ivan Blot, énarque, haut fonctionnaire, spécialiste de la Russie contemporaine, conférencier, essayiste, écrivain.
L’énarchie, l’histoire et la culture, le référendum d’initiative populaire, les médias et les hommes politiques, Yvan Blot répond aux questions de l’abbé de Tanoüarn pour Monde et Vie d’avril 2017.
Polémia.

Ivan Blot, vous êtes vous-même énarque. Que pensez-vous de ceux qui s’en prennent à l’énarchie française ? Les énarques ne sont-ils pas les conseillers dont tout Prince a besoin, même le prince républicain ?

Je suis énarque et personne n’est parfait. Mais je me définis comme un énarque défroqué. Qu’est-ce à dire ? L’ENA m’a appris beaucoup de choses en matière d’administration mais pas en matière politique. Les énarques qui sont formés pour être fonctionnaires et non politiciens ou hommes d’État ont des connaissances de droit public de bon niveau et savent un peu d’économie (ils ignorent l’économie au niveau de l’entreprise). Mais, surtout, leurs connaissances en matière d’histoire, de philosophie et même de culture générale présentent des lacunes très graves, dirimantes pour des hommes d’État. Enfin, et surtout, l’éthique qui règne à l’ENA n’est pas celle de l’intérêt général ni même celle du patriotisme mais celle de la pure carrière personnelle. Voyez Macron ! Après la Deuxième Guerre mondiale, quand l’ENA fut créée, ce fut dans l’esprit du patriotisme et de la résistance. La première promotion porta le beau nom de « France combattante ». Aujourd’hui, il faudrait remplacer ce nom par « carrière méritante » ! Je ne méprise pas les gens qui ont des soucis de carrière, mais si ces soucis l’emportent sur le patriotisme et le service d’autrui, je trouve cela éminemment critiquable ! C’est le cas aujourd’hui. Il est déplorable, de plus, que les énarques monopolisent le conseil du Prince : il faut des gens variés ; ce n’est pas le cas aujourd’hui où tous les conseillers sont issus d’une même classe dirigeante cosmopolite. J’espère ne pas être qu’un énarque au sens moderne et dégénéré du terme.

Quels conseils auriez-vous donnés à votre candidat à l’élection présidentielle, pour qu’il ou elle ait pu traverser le « mur du çon » (comme dirait Le Canard) de la plus folle des campagnes présidentielles ?

C’est une question difficile. Mais je pense qu’il aurait fallu lui conseiller de contester les questions posées par les journalistes. Ils sélectionnent les sujets qui leur conviennent sans réfléchir pour savoir si ce sont les sujets qui intéressent l’électorat. Par exemple, ils auront tendance à occulter les sujets qui ne leur conviennent pas comme l’immigration. Les débats prennent alors une tournure qui n’a rien à voir avec l’intérêt réel des citoyens, notamment de savoir si tel député a bien utilisé tel assistant parlementaire ou si tel autre paye ses propres costumes ou non. Les sujets importants sont alors marginalisés, notamment tous ceux de politique étrangère : Que pensez-vous de la domination américaine sur l’Europe ? Faut-il se réconcilier avec la Russie ? Comment faire cesser la guerre en Ukraine ? A quoi sert l’OTAN ? C’est tout de même plus important que de savoir comment tel candidat salarie ou non ses enfants. Les journalistes n’ont pas la culture voulue pour poser ces questions importantes et ils se réfugient dans les affaires de chiens écrasés. Or, les hommes politiques se laissent ballotter au gré des caprices des journalistes. Ce retournement des rôles et du rapport de forces souhaitable abaisse le niveau du débat politique de façon indigne. Il paraît que les Français sont déçus par la campagne présidentielle de 2017 : les responsables sont les journalistes qui rabaissent le niveau des questions à traiter et les politiques complices qui se soumettent de façon indigne.

Faites-vous partie de ceux qui se sentent à l’étroit dans les institutions que nous a léguées le général De Gaulle ?

Le général De Gaulle a eu le mérite de nous sortir des institutions grotesques de la 4e République issues du tripartisme : MRP, socialistes et communisme. Il a réhabilité le référendum détesté des parlementaires. Il a donné le droit de vote aux femmes, rejeté pendant des années sous l’influence des francs-maçons qui soupçonnaient les femmes d’être influencées par les curés et d’être de droite par manque de culture.

Mais il n’est pas allé assez loin, et c’est pourquoi les mœurs détestables de la 4e République reviennent aujourd’hui. De Gaulle avait vu le vice du régime républicain de l’époque : c’était une oligarchie et non une démocratie. Il pensait que le référendum permettait de court-circuiter les groupes de pression et les partis politiques afin que le peuple puisse s’exprimer dans son authenticité. Je suis d’accord avec cette idée mais, pour qu’elle soit appliquée, il faut introduire dans nos institutions le référendum d’initiative populaire. En France, les référendums qui ont eu lieu étaient d’initiative présidentielle. On ne savait alors plus si le peuple répondait à la question posée ou pour défendre ou condamner le président de la république. Avec l’initiative populaire (une pétition de citoyens demandant un référendum sur un sujet précis), cette ambiguïté disparaît. La Suisse pratique ce régime et c’est pourquoi les impôts sont plus faibles chez elle, l’immigration mieux contrôlée ou la souveraineté maintenue (le peuple suisse ne veut pas adhérer à l’UE, contrairement à ce que veulent ses élites).

Etes-vous dans la perspective « Economique d’abord » qui semble être souvent celle de François Fillon sans que ça lui ait réussi ?

Il y a des sujets plus importants que l’économie, comme la démographie : la France ne survivra que si la natalité française remonte et que l’on arrête l’invasion migratoire.

Un autre sujet est plus important que l’économie : la santé spirituelle et culturelle de la nation. Là, le modèle serait plutôt la Russie. L’économie est importante mais elle est soumise à des nécessités supérieures. Une société qui a dévalorisé l’armée a beau être riche, cela ne lui sera pas utile si elle est envahie par une puissance étrangère. Notre incapacité à défendre nos frontières, face à l’immigration clandestine aujourd’hui, face à une armée islamiste demain, est en partie due à l’incapacité d’utiliser l’armée par dégénérescence affective : on n’ose plus nommer le mal réel et le combattre. On cherche refuge dans le mal fictif, du style discrimination, racisme, pour éviter de combattre le mal réel : le terrorisme islamiste, la montée du crime et de la délinquance (quatre fois plus de délits qu’en 1970 : 4,5 millions contre 1 million), l’invasion migratoire qui détruit la fraternité. Le sociologue américain Robert Putnam a montré que plus un quartier de ville est hétérogène ethniquement, plus le degré de confiance envers ses voisins s’effondre. On a la loi de Putnam : plus il y a de diversité, moins il y aura de fraternité. Dans les sociétés homogènes comme l’Islande, on peut laisser sa voiture ouverte et on ne ferme pas sa porte à clé. Dans notre société aux frontières ouvertes, il faut des codes aux portes et boucler sa voiture ; il faut des vigiles partout. Cela me paraît plus important que la seule économie.

Croyez-vous plutôt que le problème n’est pas français d’abord mais essentiellement européen ? Faut-il rediscuter les traités ? Faut-il quitter l’euro ? Quitter l’UE ?

J’ai été dix ans député européen et je peux vous dire que l’Union européenne est une organisation oligarchique et non démocratique. Elle a été voulue comme telle par les prétendus « pères » de l’Europe, Jean Monnet et Robert Schumann. Ces deux hommes se sont arrangés pour ne pas combattre lors de la dernière guerre mondiale. Monnet trafiquait l’alcool aux États-Unis pendant la Prohibition. Avec l’argent acquis de façon douteuse, il a créé la « Bank of America » à San Francisco. Les USA l’ont chargé de réfléchir à l’organisation d’États unis d’Europe à mettre en place dans l’après-guerre sous contrôle américain. Il a pensé que les peuples étaient des obstacles au progrès et qu’il fallait donner le pouvoir réel à des hauts fonctionnaires sans racines nationales et non responsables devant les électeurs : ce fut la Haute Autorité de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) de 1951 qui a servi de modèle à la Communauté économique européenne en 1957. Robert Schumann, quant à lui, n’a jamais combattu contre Hitler. Mieux : il était en faveur des Accords de Munich puis a appelé à baisser les armes en 1939 avant de rejoindre le gouvernement de Vichy. Résultat : il fut frappé d’indignité nationale à la Libération avant de voir son dossier classé par De Gaulle en raison des pressions anglo-saxonnes.

Beaux modèles que Monnet et Schumann !

Quand on a créé la Communauté européenne en 1957, on trouva que le mot « Haute Autorité » était trop « autoritaire » et on l’appela la « Commission », c’est-à-dire une sorte de soviet, nom qu’elle porte encore aujourd’hui. Cette commission de hauts fonctionnaires dirige plusieurs milliers de bureaucrates, prépare les textes et les exécute. Officiellement, le Conseil des ministres (où tous les pays sont représentés) et le Parlement européen sont co-décideurs mais c’est formel. Le vrai pouvoir est à la Commission en liaison avec les gouvernements français et allemand (depuis que les Anglais sont partis). Cette Commission est une grave atteinte à la démocratie et n’existe nulle part ailleurs. Il faut la supprimer d’urgence si l’on veut réconcilier les peuples et l’Union européenne.

Quant à l’euro, c’est vrai qu’il ralentit notre croissance et crée donc du chômage. Là aussi, il y a matière à réforme ou suppression. Je serai plus sévère pour l’OTAN, organisation militaire antisoviétique qui a eu son utilité mais qui n’a plus de raison d’être sinon nous mettre sous la botte des généraux américains.

Une institution particulièrement perverse est la Cour européenne des droits de l’homme composée de juges sans expérience professionnelle authentique, qui viennent là pour doubler leur traitement en fin de carrière. Je citerai deux exemples de sa perversité :

-Dans son arrêt Lautsi (2009), la Cour estime que les crucifix dans les écoles publiques en Italie sont une violation des droits de l’homme. Il faut les supprimer. Devant la révolte des Italiens et l’appel du gouvernement italien soutenu exclusivement par des pays de l’Est (les pays catholiques de l’Ouest n’ont pas bougé), la Cour a inversé son jugement en 2011, estimant que le crucifix était une tradition culturelle italienne sans volonté de discriminer les autres religions. Cela prouve deux choses : l’a priori antichrétien des juges en première instance, et l’arbitraire de ces juges qui ont voté en sens contraire quand ils ont vu la réaction hostile du peuple italien ;

-Le deuxième exemple est celui des pirates somaliens qui attaquent les navires de commerce. La marine nationale française en a capturé, les a mis à fond de cale pour les faire juger dans un port. La cour a estimé qu’il y avait violation des droits de l’homme car les pirates n’ont pas été soumis au juge dans un court délai. On était en pleine mer ! Résultat : la France est condamnée à payer une indemnité à chaque pirate pour « dommage moral » (sic), soit 2000 à 5000 euros payés par le contribuable !

Il est évident qu’il faut rejeter la compétence de cette Cour et en revenir à l’idée de bon sens que les tribunaux jugent au nom du peuple français et ne sont pas « hors sol ».

Toutes ces réformes devraient se faire par référendum. Il est intéressant de voir que les pays qui ont refusé d’adhérer à l’Union européenne, comme la Norvège et la Suisse, ont un revenu par tête du double du nôtre. Donc, affirmer que l’UE est la condition de notre prospérité économique est un mensonge éhonté.

Quels sont les conseils vraiment originaux que vous donneriez à un Prince républicain dont vous seriez le conseiller ?

Je voudrais lui faire passer le message que le pays se divise de plus en plus en deux classes sociales comme au XIXe siècle. L’opposition n’est plus entre patrons et ouvriers mais entre bénéficiaires de la mondialisation et les perdants qui souffrent. Les classes souffrantes subissent trois formes d’insécurité qui gâchent leur vie de tous les jours : l’insécurité culturelle due à l’invasion migratoire, l’insécurité physique due à la montée de la criminalité et l’insécurité sociale (chômage de masse chez les jeunes et faillites chez les petits producteurs). La politique est au seul service des bénéficiaires de la mondialisation ou de ceux qui en sont protégés comme les fonctionnaires. Il faut une politique qui bénéficie à tout le monde, sinon la lutte des classes entre bénéficiaires du mondialisme et classes souffrantes se développera jusqu’à des violences pouvant déboucher sur une guerre civile, notamment avec les immigrés. Or, une guerre civile est toujours un drame et les mondialistes en seront directement responsables par leur naïveté, leur inculture historique et leur mépris du peuple (traité de xénophobe, inculte et replié sur soi).

Pour cela, il ne faut pas faire confiance aux seuls fonctionnaires, parlementaires, journalistes et syndicalistes mais il faut que le peuple tout entier se prononce sur les grands choix. Pour cela, il faut réformer la constitution afin d’instituer le référendum d’initiative populaire comme le demande avec raison Marine Le Pen principalement (Dupont-Aignan, Hamon et Mélenchon ont repris en partie cette idée). C’est la mise en œuvre de la démocratie directe comme en Suisse. Cette démocratie directe pourrait être instituée au niveau local puis national.

La troisième idée serait de réarmer la France militairement mais aussi moralement, les deux allant de pair, en prenant modèle sur la Russie de Vladimir Poutine. Ce dernier a rétabli l’enseignement militaire et patriotique à l’école. Tout en conservant l’État laïc, il a admis une coopération assez étroite entre les religions historiques de la Russie, avant tout l’église orthodoxe et l’État.

Le système actuel est oligarchique, refuse à nos citoyens les libertés de la démocratie directe, accepte avec une hypocrisie inouïe l’inégalité des Français devant l’immigration (les riches évitant la promiscuité ethnique par la cherté du logement et les écoles privées), et créé les conditions du déchirement social au lieu de la fraternité. Liberté, égalité, fraternité, c’est le langage des hypocrites privilégiés. C’est la raison de la déception des Français face à la politique actuelle. Il faut bien reconnaître objectivement que ceux qui comprennent cela sont à la droite de l’échiquier politique, les centristes étant ceux qui méprisent le plus les sentiments du peuple.

Yvan Blot
18/04/ 2017

Correspondance Polémia – 26/04/2017

Ivan Blot
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