« S’il veut réellement gagner, le FN ne devra pas trop charger la barque économique et réoccuper avec vigueur – y compris dans son expression médiatique – les thèmes identitaires. En y mettant du cœur. »
Sociologiquement, les électeurs du FN et ceux de l’UMP s’opposent. L’électorat FN est plus jeune, plus populaire et vient davantage de la France périphérique. L’électorat de l’UMP est plus âgé, plus aisé et appartient davantage à la France des centres-villes.
Sociologiquement, les électeurs UMP pourraient rejoindre dans les urnes les bobos qui votent socialiste. Mais ils ne partagent pas leur vue du monde.
De même, les électeurs du FN pourraient voter Mélenchon, mais comme l’observe le géographe Christophe Guilluy :
« Au cœur des catégories populaires subsiste la question fondamentale de l’identité, de l’immigration et de l’insécurité culturelle. »
Un sondage de l’IFOP pour Le Figaro Magazine du 4 avril 2015 révèle l’adhésion quasi complète des sympathisants de l’UMP à deux propositions du FN : ils sont à 90% d’accord (98% pour les électeurs du FN) pour la réduction du nombre d’entrées des immigrés en France de 200.000 à 10.000. De même, les sympathisants UMP sont à 92% (94% pour les pro-FN) favorables à l’interdiction du voile islamique dans les salles de cours à l’université. Un sondage de même nature réalisé en janvier 2012 avait révélé des convergences similaires sur les questions de société et notamment le mariage homosexuel : UMP et FN y étaient très majoritairement opposés, contrairement aux sympathisants de gauche.
En revanche, sur les questions économiques, les sympathisants UMP et FN divergent : 63% des sympathisants FN approuvent le projet de sortie de l’euro, que seulement 15% des pro-UMP approuvent.
Ceci a une grande importance sur les comportements électoraux.
Dans les faits, 60% des électeurs FN se reportent sur l’UMP et parmi les électeurs de l’UMP qui n’obéissent pas au ni-ni, il y a plus d’électeurs en faveur du FN que du PS.
Tout simplement parce qu’on vote aussi pour des idées et pas seulement pour des images ou des intérêts.
Le plus étonnant, c’est que l’UMP et le FN ne gèrent pas du tout de la même façon les proximités et les différences idéologiques de leur électorat.
En campagne électorale, en 2007, 2012 et 2015, Sarkozy n’a pas hésité à développer des thèmes clairement identitaires. Dépassant même parfois un Front national dont certains dirigeants semblent préférer le créneau économique, comme si « l’économie était le destin ».
Or, l’économie n’a pas la même importance que les questions identitaires ni du point de vue historique (ce qui donne du sens) ni du point de vue électoral (ce qui conduit à la victoire ou non).
Peu mobilisateur au premier tour (on ne vote pas FN pour sa retraite), certains aspects du discours économique FN sont même utilisés comme épouvantail à électeurs UMP au deuxième tour.
S’il veut réellement gagner, le FN ne devra pas trop charger la barque économique et réoccuper avec vigueur – y compris dans son expression médiatique – les thèmes identitaires. En y mettant du cœur.
Jean-Yves Le Gallou
Source : Boulevard voltaire
03/03/2015
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