Michel Barnier n’est pas revenu indemne de ses longues négociations du Brexit. Il a attrapé le virus de l’humour britannique.
Premier ministre français, flegme britannique
On disait Michel Barnier sans humour, il en a sans doute, mais un très particulier, et bien plus finalement que certains l’auraient souhaité. L’humour britannique, c’est un humour très spécial, proche de l’ironie et du sarcasme. Le ton n’est jamais violent, mais, sans avoir l’air d’y toucher, ça fait mal. C’est un esprit de repartie comme un uppercut en retour de boxe anglaise qui vous envoie au tapis et qui vous humilie. Cela ne vous fait pas que des amis. Ainsi le Premier ministre s’est fait certainement un ennemi mortel de Gabriel Attal. Après l’humiliation de la passation de pouvoirs et la leçon donnée par le vétéran au jeune coq, il y a eu la banderille de l’Assemblée nationale. Les députés ont malmené pendant son discours le nouveau Premier ministre sur ses mesures annoncées. Ce dernier est resté flegmatique, comme un avant-goût de sa contre-offensive. En effet, il a répliqué en introduisant presque systématiquement ses explications par un tacle appuyé. « Monsieur Attal, je serai très attentif à vos propositions d’économies […] pour faire face au déficit que j’ai trouvé en arrivant. » « Plus vous serez agressive, plus je serai respectueux », a susurré Michel Barnier, dénonçant « le ton » de la députée LFI Mathilde Panot. « Je n’ai pas envie de faire des polémiques avec vous et puis, je n’ai pas le temps », lance-t-il ensuite à Éric Ciotti (UDR)… « Vous savez, la transition écologique, j’y étais même engagé avant vous ! », a-t-il dit en souriant et provoquant des rires à la jeune écolo Cyrielle Chatelain. Finalement, seule Marine Le Pen a été épargnée par les coups de griffe de Barnier, ce que certains journalistes ont bien entendu remarqué et souligné.
Major Barnier
Tout dans le style de Barnier, sans doute le plus britannique en ce jour des politiques français, fait penser au major Thompson dont Les Carnets ont eu un immense succès jusqu’à être adaptés au cinéma. Pierre Daninos s’est servi de l’humour d’un officier britannique se demandant comme être français, comme d’autres s’étaient demandé comment être persans, pour asséner quelques vérités aussi drôles que cruelles, car c’est ça, l’humour anglais. « Les Français peuvent être considérés comme les gens les plus hospitaliers du monde, pourvu que l’on ne veuille pas entrer chez eux. […] Le Français ? Un être qui est avant tout le contraire de ce que vous croyez. En admettant toutefois que je sois obligé de déterminer la marque dominante de leur caractère, je dirais sans doute : le scepticisme. […] La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions. Ce serait l’affaire de Freud bien plus que celle d’un major britannique que de montrer pourquoi ces guillotineurs de rois, éternellement partagés, rêvent de Buckingham Palace et d’union nationale, cette chimère inaccessible, dépeinte à longueur d’année, la panacée seule propre à panser toutes les plaies des Français déchirés. »
Décidément bien actuel, ce major Thompson. C’est que l’humour anglais, comme leur monarchie, est indémodable. Au Royaume-Uni, tout est prétexte à l’utilisation du sarcasme et de l’ironie. Les Anglais sont réservés et courtois. Ils sont donc passés maîtres dans l’art de dissimuler des insultes derrière des phrases très banales. Les Anglais savent être insultants tout en restant polis.
On croirait entendre parler du major Barnier. Mais méfiance car l’humour anglais pour un Français a des limites, Trafalgar et Waterloo… et le Premier ministre français, malgré son attitude très pince-sans-rire, que rien ne touche, n’est pas à l’abri d’un Trafalgar parlementaire et d’un Waterloo politique… Le prendrait-il avec humour ?
Pierre Boisguilbert
05/10/2024
Crédit photo : Parlement européen [CC BY 2.0]
- Donald Trump et Yassine Belattar piègent BFM TV - 1 novembre 2024
- Y a-t-il eu une tentation fasciste en Corse ? - 24 octobre 2024
- Les carnets du major Barnier - 5 octobre 2024