Alors que les dirigeants européens rivalisent de déclarations martiales et de promesses budgétaires spectaculaires, un rapport récent du MCC Bruxelles vient brutalement rappeler une vérité dérangeante : l’Europe n’est pas prête à la guerre — ni matériellement, ni politiquement, ni moralement. Présentée comme une réponse historique aux menaces géopolitiques actuelles, la feuille de route européenne pour la préparation de la défense à l’horizon 2030, dotée de 800 milliards d’euros, pourrait bien n’être qu’une illusion stratégique de plus. Selon les auteurs du rapport, elle ressemble moins à un sursaut de puissance qu’à une nouvelle ligne Maginot : coûteuse, rassurante sur le plan politique, mais fondamentalement inefficace.
Lucas Chancerelle
Une Europe qui prépare la guerre… d’hier
Rédigé par le professeur Bill Durodié, le rapport dresse un constat sévère : les élites européennes « mènent encore la dernière guerre ». À l’image des fortifications françaises des années 1930, pensées pour un conflit statique et contournées en quelques semaines en 1940, l’UE s’enferme dans une logique technocratique et procédurale, incapable de produire une véritable puissance militaire.
L’Union européenne excelle dans les plans, les rapports, les feuilles de route et les sommets. Mais elle confond organisation administrative et capacité stratégique réelle. Parler de mise en œuvre « rapide et à grande échelle » relève davantage de l’incantation que de la décision politique.
Une faiblesse stratégique structurelle
Malgré les discours alarmistes — notamment ceux du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, évoquant une possible confrontation avec la Russie dans les cinq prochaines années — la réalité militaire européenne est accablante.
Aujourd’hui, l’Europe serait incapable de déployer plus de 19 000 soldats simultanément, alors qu’un minimum de 100 000 hommes serait nécessaire pour sécuriser une ligne de front comparable à celle de l’Ukraine.
À cela s’ajoute un retard technologique croissant face aux États-Unis et à l’Asie. Le rapport pointe une aversion chronique au risque, une culture réglementaire étouffante et une obsession de la conformité qui paralysent l’innovation militaire. L’Europe réglemente quand les autres expérimentent ; elle normalise quand les autres inventent.
L’absence de volonté politique commune
Comme lors de chaque crise majeure, les États membres privilégient leurs intérêts nationaux tout en laissant Bruxelles produire des déclarations grandiloquentes à destination des opinions publiques.
La dissuasion réelle a laissé place à la communication politique.
Cette absence de cohésion stratégique rend illusoire toute ambition de défense européenne intégrée. Derrière l’unité affichée, les réflexes nationaux dominent, et l’UE apparaît une fois encore comme un géant bureaucratique aux pieds d’argile.
La crise morale : le talon d’Achille européen
Mais l’aspect le plus inquiétant du rapport dépasse largement les questions budgétaires ou capacitaires. Il touche au cœur même du projet européen : la perte de légitimité et de sens.
Après des décennies de politiques ayant marginalisé leurs propres peuples — qu’il s’agisse de souveraineté, d’identité ou de démocratie — les dirigeants européens découvrent qu’ils ont sapé les fondements mêmes de l’engagement collectif : loyauté, devoir, esprit de sacrifice.
Les chiffres sont sans appel : seuls 11 % des jeunes de la génération Z au Royaume-Uni se disent prêts à se battre pour leur pays, un taux à peine plus élevé en Allemagne. Comment prétendre bâtir une puissance militaire sans peuple prêt à la défendre ?
Comme le résume Bill Durodié :
« La guerre est autant une question de mentalité que d’équipement. Quadrupler les dépenses de défense n’a aucune conséquence si personne n’est prêt à se battre. »
Une Union européenne inapte à la guerre
La conclusion du rapport est sans concession : dans sa configuration actuelle, l’Union européenne est structurellement incapable d’assumer les responsabilités militaires qu’elle revendique.
Loin d’être un tournant historique, le plan de défense à 800 milliards d’euros pourrait bien devenir le symbole ultime d’une Europe qui se rassure à coups de chiffres, mais refuse d’affronter ses propres faiblesses.
Comme en 1940, la fortification n’est pas seulement matérielle : elle est mentale. Et l’Histoire a déjà montré ce qu’il advient des puissances qui préfèrent l’illusion de la sécurité à la réalité de la force.
Lucas Chancerelle
19/12/2025


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