Pauvre Albert Camus. Le voilà récupéré et instrumentalisé dans une série du service public autour de La Peste.
« La Peste », un feuilleton politiquement correct
Alors, bien sûr, l’action se déroule en 2030. Elle se déroule dans une ville balnéaire imaginaire du Midi. Elle se déroule donc, précise la présentation, en France. En effet, le vrai roman, lui, se passe à 0ran en 1947. En France aussi donc, dans cette Algérie alors française dont le drame a été celui, majeur, de la vie d’Albert Camus.
La peste est donc délocalisée pour être politiquement correcte. Car c’est le but de ce feuilleton, le politiquement correct.
Plus précisément, le combat obsessionnel contre le Rassemblement national avant les européennes. Les héros sont un médecin et un journaliste, ceux-là mêmes qui ont si bien traité le Covid, cette pesticule qui nous a privés de nos libertés sans régime fasciste.
Cette peste de 2030, elle, naît dans une ville sécuritaire du Midi survolée par des drones. Une mairie forcément d’extrême droite, pour ceux qui n’auraient pas compris donc, et dont la gestion antisociale, ne tenant pas compte d’un mouvement des éboueurs, va provoquer un déferlement de rats et une peste. Toute comparaison avec Paris et Mme Hidalgo serait, bien sûr, une odieuse récupération d’extrême droite. Pas question de transposer la peste dans le Paris bobo des surmulots.
« La Peste, c’est une métaphore, une parabole, qui permet d’aborder de multiples sujets, comme le totalitarisme, le racisme, la télésurveillance, le contrôle de plus en plus présent », expliquait à Cannes l’acteur Hugo Becker. On a tout compris.
Une adaptation très libre
La série est créée et écrite par Gilles Taurand et Georges-Marc Benamou, et réalisée par Antoine Garceau. Ils reconnaissent que c’est une adaptation libre. C’est le moins qu’on puisse dire. On a ajouté pour être plus moderne des personnages féminins et donc forcément formidables.
Benamou précise encore, repris par Wikipédia : « Nous avons fait le choix d’une dystopie pour nous éloigner de l’œuvre. Celui de créer des personnages importants qui n’existaient pas, notamment des femmes, rares dans La Peste. On ne voulait pas que ça ressemble au Covid. L’idée, c’est donc d’installer la série après l’épidémie de Covid. Il fallait garder l’authenticité du message de ce livre qui est l’un des cinq plus lus au monde, et en même temps croiser des préoccupations contemporaines comme les épidémies, le fascisme contemporain, le totalitarisme, la télésurveillance. Le symbole de La Peste de Camus, c’est l’intolérance, la haine, la dispute plutôt que la parole. C’était les années noires et un certain fascisme. »
La fille de Camus a trouvé l’idée formidable, on lui en laissera la responsabilité. La série s’est trompée de titre, le feuilleton de la 2 aurait dû s’intituler : « La peste brune ». C’est indiscutablement la seule peste qui fait frémir le service public.
On évitera donc cette peste mais certainement pas le choléra médiatique qui poursuit son confinement des idées. On sait bien, pour les médecins cathodiques, qui sont les pestiférés. Ceux qui ne pensent pas comme eux et qu’il faudrait signaler en marquant leur domicile.
Quant à la peste, la vraie, faut-il rappeler qu’elle a détruit la moitié de la population européenne au Moyen Âge et a été amenée en Europe par des marins génois de la première mondialisation. On connaît maintenant l’origine de la peste, comme le rappelle le journal Les Échos : « C’est en étudiant un site funéraire médiéval situé près du lac d’Issyk-Kul au Kirghizistan, que les chercheurs ont résolu l’énigme. Des inscriptions tombales en syriaque indiquaient qu’une communauté locale, pratiquant le commerce au long cours le long des routes de la soie, avait été victime d’une mystérieuse “pestilence” en 1338-1339. L’analyse de la pulpe dentaire de ces morts y a révélé la présence de la bactérie Yersinia pestis. Mieux : l’ADN de cette dernière a pu, malgré son ancienneté, être séquencé, et ce décryptage a montré sans aucun doute possible que cette souche de la bactérie était bien celle qui allait se répandre comme un fléau sur l’Europe (mais aussi le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord) quelques années plus tard. »
La mondialisation à l’origine de la peste, voilà qui serait moderne comme scénario après le Covid… Mais cela ne permettrait pas de dénoncer le danger fasciste et ce serait beaucoup moins intéressant pour les récupérateurs médiatiques de l’histoire.
Pierre Boisguilbert
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