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Forum de la Dissidence. Pas de résistance sans courage ! – François Bousquet

Forum de la Dissidence. Pas de résistance sans courage ! – François Bousquet

par | 27 novembre 2019 | Politique, Société

Forum de la Dissidence. Pas de résistance sans courage ! – François Bousquet

Ce 23 novembre, à Paris, avait lieu le 5e Forum de la Dissidence sur le thème de la « dictature Macron ». Cet événement réussi aura réuni plus de 500 personnes. Voici l’intervention de François Bousquet, un vibrant appel au courage lancé durant cet après-midi de réflexions et d’appels à l’action.


Vidéo de l’intervention de François Bousquet

Pas de résistance sans courage ! - François Bousquet au Forum de la Dissidence 2019

Texte intégral

Pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque chose ? Pourquoi y a-t-il de la barbarie plutôt que de la civilisation ? Du vide plutôt que du plein ? Pourquoi n’y a-t-il plus aujourd’hui que des BHL et pas des Marcel Proust ?

Le courage, mon cher !

Réfléchissez bien. Regardez parmi toutes les crises auxquelles nous sommes confrontés ; et regardez parmi toutes les solutions qui s’offrent à nous. Qu’est-ce qui peut empêcher ces crises de se transformer en kraks et ces kraks en crashs ?

Le courage, mon cher !

Le courage est la clef, il n’y en a pas d’autre, lui seul est susceptible de nous ouvrir les portes de l’avenir. Le secret des portes, c’est qu’elles s’ouvrent toutes seules : il suffit d’avoir le courage de les pousser. Sans courage, elles se referment sur nous. Sans courage, pas d’avenir. Sans courage, notre sort est scellé d’avance aussi sûrement qu’une pierre tombale : « Mort de trouille, quelque part entre 1950 et 2050 », quelque part entre les tranchées et les soldes d’hiver, entre la fin de l’impôt du sang et les congés payés, entre les poilus et les hipsters.

Le courage, c’est la vertu au-dessus des vertus. C’est quoi, une vertu ? La vertu, c’est la qualité propre de l’être portée à son point d’incandescence, ce qui le définit dans sa nature essentielle, ce pour quoi il a été conçu. Le lion bondit, le cheval galope, le renard ruse, le chien obéit, le lâche rampe, le courageux se redresse. Son ardeur n’annonce pas seulement l’homme aristocratique, elle établit souverainement la noblesse de l’homme, elle est l’affirmation royale de la souveraineté de l’homme. Je ne suis pleinement homme qu’à la mesure de mon courage. À dire vrai, on n’a que faire aujourd’hui des autres vertus, cardinales ou pas. Ce ne sont plus que des vertus négatives – d’empêchement, de procrastination, de paralysie. Nous crevons de prudence, nous étouffons de sagesse empoisonnée, de charité dévoyée, nous mourrons d’espérance trahie. Toutes ces vertus fonctionnent comme des anti-vertus, elles se retournent contre nous, se transforment en toxines mortelles.

Allons plus loin. C’est le courage qui a fait de nous des hommes, qui nous a arrachés des mondes rampants, affranchi de la reptation, délié de la pure animalité, c’est lui qui nous a fait passer de la quadrupédie à la bipédie, qui nous a verticalisés. En se dressant, notre lointain ancêtre, le bien nommé Homo erectus, nous a ouvert un horizon de possibilités. Le monde s’est offert à notre curiosité. Ecce homo, voici l’homme. La station debout, qui nous a fait accéder à la parole, doit être repensée dans les termes d’une paléontologie du courage, c’est elle qui dessine avec le plus de netteté les traits de l’homme décidé, sa droiture, sa démarche altière, son port de tête guerrier. Elle l’oblige à faire face, à faire front, droit devant.

Allons, debout ! allons, allons ! debout, debout !

Assez comme cela de hontes et de trêves !

Au combat, au combat ! car notre sang qui bout

A besoin de fumer sur la pointe des glaives !

Comme disait Verlaine.

Alors pourquoi si peu de courage ? Le courage serait-il indexé à la dangerosité de la vie et inversement proportionnel à la pacification des mœurs ? De quoi avons-nous peur ? D’échanger une assurance-vie contre une vie sans assurance ? Que risquons-nous ? Il n’y a plus d’enfer glacé des camps, rien. Seule la répression pourrait nous arracher de cette torpeur mortifère, mais on n’envoie plus les gens au Goulag, on les met sous antidépresseurs. Autrement dit : mieux vaut la dépression que la répression. Toutes nos Bastilles sont mentales. Les temps ne sont plus à la Terreur, mais à la Tiédeur. Nos bourreaux, pour acharnés qu’ils soient, sont dérisoires. Ils sortent d’une chronique de Philippe Muray ou d’une fête d’Halloween. Ce n’est plus la police politique qui vient frapper à la porte au petit matin, mais l’huissier avec des convocations devant le juge et des avis à payer.

L’espace vital de l’adversaire a tout colonisé. C’est son atmosphère que nous respirons, son langage que nous utilisons, ses milices que nous subissons. Nos idées ont été expulsées de l’espace public, elles ne fonctionnent plus que comme des concepts repoussoirs, pour ne pas dire repoussants. On ne s’en approche pas sans précaution sanitaire. Pas un des qualificatifs médiatiques employés à notre encontre qui ne soit péjoratif, dépréciatif ou répulsif.

Depuis cinquante ans, nous reculons sous les prétextes les plus variés. Pour s’en faire une idée, il suffit de comparer ce qui s’écrivait dans les années 1980 – et qui ne s’écrit plus aujourd’hui. Dans les années 1980, Jacques Laurent, Michel Déon, Jean Dutourd siégeaient à l’Académie française. Jacques Robichez présidait le Conseil scientifique du Front national, après avoir dirigé les cours de civilisation française de la Sorbonne, où Claude Pollin et Claude Rousseau dispensaient des cours de philosophie, tout en siégeant eux aussi au Conseil scientifique du Front national. Un sociologue de classe mondiale, frotté de philosophie, Jules Monnerot, et un cinéaste hollywoodien en rupture de ban, Claude Autant-Lara, appelaient à voter Jean-Marie Le Pen. La Nouvelle Droite avait fait du Figaro Magazine son porte-avions idéologique. Alain de Benoist recevait le Grand Prix de l’essai de l’Académie française et Louis Pauwels attaquait le « sida mental ». Où en sommes-nous aujourd’hui ? Plus rien. Nous sommes littéralement portés disparus. C’est le paradoxe des sociétés inclusives : elles ne fonctionnent qu’au prix de notre exclusion. Et ça marche ! Oui, ça marche !

Cela s’appelle la « spirale du silence ». La spirale du silence, c’est le principal risque qui pèse sur les idées dissidentes : se rétracter sur elles-mêmes jusqu’à disparaître de l’espace public, puis de l’espace privé, puis de la conscience du sujet. Jusqu’à la mort lente, jusqu’à l’ensevelissement. La « spirale du silence » se comporte à la manière des cercles vicieux, suivant une logique infernale qui s’auto-entretient.

Tout le contraire du courage. C’est le premier des cercles vertueux. Lui aussi s’autoreproduit, lui aussi gagne en intensité, lui aussi se démultiplie, comme dans les boucles de rétroaction : l’action du courage sur lui-même produit un surcroît de courage, et ainsi de suite. Il a des effets auto-entraînants. Le courage appelle le courage, la victoire appelle la victoire.

Comment traduire en actes, et d’abord en actes politiques, ce courage retrouvé ? En nous engageant. Vivre, c’est cela. C’est choisir, prendre parti, discriminer, s’engager sans retour – et tout nous pousse plus que jamais à nous engager, à défendre pied à pied la citadelle menacée. L’heure est à la mobilisation générale, celle où on bat le rappel des troupes, où on évalue parmi la foule le nombre de braves et d’audacieux. Le temps nous est compté, comme le compte à rebours lancé par Jean Raspail, qui rythme Le Camp des saints à l’approche du million de migrants (des dizaines de millions aujourd’hui), entassés sur leurs rafiots de fortune, en provenance du delta du Gange et de toutes les bouches de fleuve du monde. Plus que 10 000 kilomètres avant la vérité ! Plus que 4 000 kilomètres avant la vérité ! Plus que 500 kilomètres. Jusqu’au point d’impact, le raz-de-marée. Voilà, ils sont là ! Qui construira les digues ? Qui sera aux avant-postes ? « I want you », comme sur les affiches de recrutement américaines. L’Europe, la France, les nôtres nous disent : « I want you » ! Engagez-vous, rengagez-vous ! Il ne nous est pas donné de rester à quai. Nous sommes embarqués, comme dit si puissamment Pascal en son pari, et embarqués dans une aventure collective. Sans cela, sans cette conscience commune, sans cette inscription dans une histoire et une généalogie, le pari est perdu d’avance, il nous condamne à n’être que les spectateurs passifs d’un naufrage collectif.

Jour J, heure H, minute de vérité. Qui est aux aguets ? Qui se tient prêt ? Qui est disposé à s’engager ? Car celui qui ne s’engage déserte de fait. Un tel homme n’a rien compris. Il n’y a pas de plan B, nulle base de repli, nulle échappatoire, pas d’ailleurs. On ne peut plus reculer – pour aller où ? L’avant-guerre civile est partout. L’Européen conséquent, le Français digne de ce nom, n’a guère le choix qu’entre investir ou s’investir, payer de sa personne ou payer de ses deniers, donner ou se donner, du temps ou de l’argent, ce qui revient finalement au même. Tout, sauf ces déplorations de vaincu, cette attente paresseuse de la fin du monde.

Connaissez-vous ce sermon de Saint-Augustin prononcé juste après le sac de Rome, en 410 :

« Les temps sont mauvais, les temps sont difficiles, voilà ce que disent les gens. Vivons bien, et les temps seront bons ! C’est nous qui sommes les temps ! Tels nous sommes, tels sont les temps. »

Tout, sauf la passivité ! Tout, sauf l’indifférence ! Tout, sauf le désengagement, l’homme démissionnaire, l’abstentionniste !

L’appel au courage s’adresse aux nôtres, d’abord aux nôtres. Comment imaginer un jour réimposer notre philosophie de la vie si nous vivons en permanence cachés dans des bunkers en papier mâché, si nous rasons des murs imaginaires, si nous ne renonçons pas à cette confortable clandestinité dans laquelle nous nous complaisons. À ce compte, nos idées ne quitteront jamais la pénombre et la confidentialité où elles s’étiolent. On peut – et même certains doivent – avancer masqué, quand la profession, militaires, gendarmes, fonctionnaires, quand les enjeux l’exigent. C’est le « Lavartus prodeo » cher à Descartes, j’avance masqué, mais à la condition « de sonder le gué », précise Descartes, autrement dit de découvrir prudemment mes positions. Hors cela, la clandestinité, la pseudonymie, l’autocensure, l’entrisme ne sont que les noms divers et variés de nos accommodements et de nos renoncements, de nos reniements et de nos ralliements. Ils encouragent le climat général de fatalisme, d’impuissance, de défaitisme, si bien qu’ils valident la stratégie de neutralisation de notre adversaire – et d’abord de neutralisation de nos idées, pour la raison que personne n’est là ni pour les incarner ni pour les défendre. Nul besoin de censeurs alors, l’autocensure s’en charge. L’autocensure, c’est le coitus interruptus de la pensée, ça n’a jamais accouché de rien. Elle fonctionne à la manière des inhibiteurs chimiques. Il y a même des inhibiteurs de conformation, les plus pratiques : ils ne requièrent aucun réglage. On s’adapte spontanément, sans période d’essai, à la lâcheté.

On perd tout à tout cacher. Cela revient à avouer que nos idées sont pareilles à des maladies honteuses ou à ces malformations physiques qu’on soustrait au regard comme des infirmités inavouables. C’est comme l’obligation faite aux employeurs d’embaucher des personnes handicapées – et c’est ainsi que nous sommes perçus, comme le quota dérisoire des handicapés idéologiques du Système.

Le rapport de force idéologique, totalement en notre défaveur, nous place dans l’obligation de sortir de l’ambiguïté. L’ambiguïté ne s’exerce qu’à notre détriment. Elle nous condamne à ne jamais être explicite, à ne jamais quitter les registres de l’implicite. Or, les discours implicites ne s’adressent qu’au petit cercle de ceux qui sont en mesure de les comprendre. Ainsi on reste « en famille », dans l’entre soi – quand précisément il faudrait en sortir.

C’est toute la différence entre l’implicite et l’explicite, l’ésotérique et l’exotérique. Les gens ont besoin de clarté, qu’on appelle un chat un chat, et Macron un fripon. Le sous-texte ne suffit pas, ni les discours allusifs. Surtout lorsque on évolue dans des univers sémantiques hostiles où le langage et les codes de l’adversaire prédominent. Ici, on ne peut pas signifier plus en suggérant moins. On aura beau manier la litote telle qu’André Gide rêvait qu’on la maniât, être le prince des clins d’œil et des euphémismes, notre message n’en restera pas moins sibyllin à qui n’a pas les outils pour les déchiffrer.

Tout cela est voué à rester inintelligible tant qu’il n’y a pas d’énoncé de référence. Or, cet énoncé de référence, c’est le discours dominant qui le fournit. Faute de le maîtriser, faute de maîtriser le contexte, le sous-texte ne peut pas s’éclairer. À nous de l’éclairer par un discours véritaire, sans filtre, brut, sinon brutal. Car il nous faut penser les stratégies d’influence, de contre-influence, dans des univers totalement inamicaux, au sens de Carl Schmitt. Partout, dans les médias, les institutions culturelles, la publicité, l’entreprise, etc., nous sommes en territoire ennemi. Tout cela constitue le Système. Le Système est l’expression plurivoque de la pensée unique. Il est l’Ennemi. Une seule règle avec lui, celle de Lagardère : Si tu ne viens pas à nous, nous irons à toi !

Il est temps de sortir du bois, d’autant qu’il prend feu de partout. S’afficher, c’est s’affirmer. Inversement, se cacher, c’est se renier – pire : se nier. Redevenons visibles, cherchons la lumière, quittons les catacombes, fuyons les arrière-salles. Nos vies ne sont pas menacées, la protection de leur intégrité physique ne nécessite pas une clandestinité qui conforterait le zèle prophylactique de notre adversaire. Notre passivité revient à lui conférer un pouvoir illimité de police.

Sans courir le risque d’avancer à découvert, il est vain d’espérer quoi que ce soit ; nous ne sortirons pas de cette condition spectrale qui nous condamne à mener des existences souterraines, parallèles, fuyantes, exilés en notre propre pays, ombres parmi les ombres. Il y a un modèle pour nous, aussi surprenant soit-il, ce sont les homosexuels. Qui niera les extraordinaires profits qu’ils ont tirés de la pratique du coming out ? Or, qu’est-ce d’autre que le courage d’être soi ?

Le coming out a été théorisé il y a plus d’un siècle. C’est une profession de foi publique, un défi aux mœurs, une affirmation identitaire, quand bien même il n’est plus aujourd’hui qu’une posture. Dès l’instant où les homosexuels sortent de leur clandestinité, ils ont gagné. Faut-il être fou pour s’imaginer gagner quoi que ce soit en se cachant ? C’est à notre tour de sortir du placard et on a autrement plus de légitimité à le faire que les homosexuels, lesquels ont introduit la sphère privée dans la sphère publique, alors qu’il s’agit pour nous de cesser de rabattre sur le privé des engagements qui ne prennent tout leur sens que dans l’espace public.

On n’a pas la capacité des schizophrènes à se dédoubler indéfiniment. Notre main gauche ne peut pas ignorer ce que fait notre main droite. Aucun d’entre nous ne peut durablement résister à cet état de dissonance cognitive. Les actes doivent être conséquents, refléter la personnalité de l’âme humaine. Dit autrement, nous devons vivre en cohérence avec nous-mêmes, c’est le début de la philosophie morale. Nous avons tout à y gagner. La prudence ne paie pas, elle fait des épargnants. Or, nous n’avons rien à conserver, tout à reconquérir. Assumons ce que nous sommes, soyons radicaux, ne cédons rien, ne lâchons rien.

Allons, debout ! allons, allons ! debout, debout !

Assez comme cela de hontes et de trêves !

Au combat, au combat ! car notre sang qui bout

A besoin de fumer sur la pointe des glaives !

François Bousquet

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