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Financement de la campagne de Macron : des millions et des puissants soutiens

Financement de la campagne de Macron : des millions et des puissants soutiens

Par Camille Galic, journaliste, essayiste ♦ On sait comment l’ex-banquier Macron a « optimisé » le mouvement des Gilets jaunes en lançant juste avant la campagne des élections européennes un grand débat itinérant qui lui a permis des semaines durant de parcourir la France à nos frais, d’occuper les unes de toute la presse, aussi bien nationale que régionale, et de s’offrir 90 heures d’antenne télévisée… non prises en cause par le CSA. Ce qui est tout bénéfice pour son parti La République en marche et sa liste Renaissance, conduite (plutôt mal que bien) par Nathalie Loiseau. L’optimisation est décidément une idée fixe chez cet ex-associé gérant de cher Rothschild puisqu’il usa de la même technique pour financer sa si coûteuse campagne de 2017.


2017 : un budget de 16 millions d’euros

Le second tour de l’élection présidentielle, d’où fut exclu pour la première fois depuis l’avènement de la Ve République tout représentant de la droite institutionnelle, fut une surprise pour tout le monde. Y compris pour François Hollande qui persista si longtemps à voir un « très gentil garçon » en Emmanuel que tant de ses proches lui présentaient comme un arriviste forcené, voire comme un parricide activant ses réseaux et préparant ses (mauvais) coups très à l’avance.

Ce qui explique les fonds considérables dont il disposa pour sa campagne : près de 16 millions d’euros, le budget de très loin le plus élevé de la campagne ! 16 millions récoltés auprès des particuliers puisque, faute de parti ayant déjà fait électoralement ses preuves, Macron ne pouvait faire appel au financement public et qu’il n’était pas davantage dans la situation d’un François Fillon dont le budget (15 millions d’euros) provint en majeure partie de l’UMP.

800 généreux parrains… et des tours de passe-passe

Comment ce miracle fut-il possible ? « Grâce à des données obtenues récemment auprès de la Commission des comptes de campagne », deux journalistes de France Inter ont pu retracer l’origine des fonds, rendue publique dans l’émission « Secrets d’info » le 4 mai dernier, donc deux ans presque jour après l’élection du nouvel Elyséen. Presque totalement occulté par les autres médias,ce cadeau d’anniversaire futsans doute peu apprécié de son destinataire tant il confirme son étiquette de « président des riches » et justifie les préventions que les « sans-dents » reconvertis Gilets jaunes peuvent nourrir à son encontre.

Les données fournies par la Commission des comptes de campagne révèlent en effet que 800 grands donateurs ont apporté 48% des fonds, dont on « a minimisé l’importance », puisque la légende veut que le candidature du jeune Macron, dont le pécule initial ne s’élevait qu’à 80 000 euros, ait suscité une formidable mobilisation populaire suscitant environ 99 361 contributions à partir de mars 2016.

Certes, il y a eu des contributions de 20 ou 50 euros, mais l’essentiel du trésor de guerre provenait des gros donateurs. « La réglementation, rappelle en effet France Inter, autorise un particulier à donner 7 500 euros par an à un parti politique. Ce même particulier peut également donner jusqu’à 4 600 euros au candidat de son choix par élection. Grâce aux MacronLeaks et aux données obtenues auprès de la CNCCFP, nous avons pu retrouver des donateurs qui ont ainsi donné 7 500 euros à En Marche dès 2016, puis renouvelé leur don en 2017, et fait un troisième chèque de 4 600 euros à l’association de campagne du candidat. Certains ont également multiplié cette somme par deux au nom de leur conjoint-e, le chèque ou le virement partant du même compte commun. L’immense majorité des dons (environ 15 millions d’euros) ont été collectés par En Marche. Seul un million d’euros a atterri directement sur le compte du candidat sous la forme de 251 dons, quasiment tous au plafond de 4 600 euros.»

Preuve de cette stratégie d’orientation des dons prioritairement — et astucieusement — vers le parti, puis vers l’association de campagne, ce courriel envoyé le 23 janvier 2017 par Julien Denormandie : «On en a déjà discuté avec CO [Cédric O, le trésorier] mais je voudrais double checker [sic] le fait que notre politique visant à solliciter les dons sans faire la distinction entre mouvement et campagne ne pose pas de problème. Je dis cela car l’esprit de la loi est bien de limiter le montant des contributions au titre de la campagne. »

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Selon France Inter, cette stratégie d’En Marche a d’ailleurs fait sourciller la Commission des comptes de campagne qui s’est opposée à ce que le parti règle directement la majorité des dépenses si bien que « l’équipe a réglé le problème en effectuant des virements vers l’association de campagne qui réglait alors les factures. » Mais, ajoutent nos confrères, « le fait d’orienter les dons vers En Marche présentait l’avantage de pouvoir recevoir des dons plus importants (plafond à 7 500 euros au lieu de 4 600 pour l’association de campagne), et pour certains de donner en 2016 puis en 2017, alors qu’on ne peut donner qu’une seule fois à un candidat. »

Et voilà comment celui qui nous avait promis « un nouveau monde » tout de pureté, de transparence et d’intégrité a réussi son coup en contournant la législation — pardon : en l’« optimisant », comme on dit en Macronésie.

La démocratie subvertie

A la manœuvre dans ce que de mauvais esprits qualifieraient volontiers d’escroquerie, quelques amis banquiers dont Christian Dargnat, l’ancien patron de la branche gestion d’actifs de la BNP, banque qui refusa tout prêt à Marine Le Pen, laquelle dut se contenter d’un budget de 2 millions d’euros.Dès le 10 septembre 2016, Dargnat estime qu’« il nous reste à “trouver” 13 millions ». Rabatteur en chef des (gros) donateurs du mouvement selon la radio d’Etat,il met en place en France comme à l’étranger, particulièrement au Royaume-Uni où son candidat multipliera conférences et dîners de gala, « une stratégie fundraising (levée de fonds) » clairement orientée en direction des grossiums, tel un couple de Zurich qui allongera 24 000 euros.

Mais la capitale française est tout aussi généreuse : 6,3 millions d’euros ont été donnés au candidat par un peu plus de 15 000 habitants de la capitale, en priorité installés dans les Vème, VIème, VIIème et XVIème arrondissements » alors que Paris intra-muros ne représente qu’un peu plus de 3 % de la population française ». Mais c’est aussi Paris, qui votera à près de 90 % pour Macron contre Marine Le Pen le 7 mai 2017 qui détiendra le record de donateurs lambda, sous l’influence de médias chantant presque unanimement le los du juvénile magicien. Comme l’a constaté Francis Bergeron dans le quotidien Présent, « 800 personnes ont permis à Macron d’être élu. Quand on réalise en parallèle qu’une dizaine de personnes possèdent 90 % des grands médias français, qui tous avaient été mis au service de Macron, il y a matière à se poser des questions sur le mot même de démocratie ».

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Rothschild et Harment, deux (vieilles) fées sur le berceau du macronisme

Seul cité par France Inter, Christian Dargnat ne fut pas l’unique bonne fée à se pencher sur le berceau du macronisme. Dans Le tueur et le poète (éd. Albin Michel, janvier 2019), portrait complaisant et même laudatif du chef de l’Etat, NicolasDomenach et Maurice Szafran consacrent un chapitre édifiant aux « vieux » qui, après avoir des années durant couvert l’enchanteur Eliacin, se mobilisèrent en 2016 pour ses beaux yeux en tirant toutes les sonnettes : Gérard Collomb (qui a bien déchanté depuis, au point de claquer la porte du ministère de l’Intérieur en octobre 2018, peut-être parce qu’il sentait monter la grogne de la France d’en bas contre un Jupiter « qui n’écoute rien »), Michel Rocard, François Bayrou, Alain Minc, Pierre Bergé, l’avocat Jean-Michel Darrois et l’homme d’affaires Serge Weinberg, « l’un et l’autre proches de Laurent Fabius », « l’indispensable Alain Minc et l’inévitable, l’incontournable, Jacques Attali ».

« Chacun d’eux, précisent les auteurs, est intervenu à des moments (cruciaux) différents. Chacun d’eux, influent dans son univers professionnel, l’a accompagné dans son ascension. Univers en boucle aussi : membres de la commission Attali, Darrois et Weinberg y ont rencontré Macron ; accompagnés d’Alain Minc, ils l’ont ensuite présenté à David de Rothschild qui l’a aussitôt engagé dans sa banque. Attali a sans conteste joué un rôle dans la construction idéologique, le “et en même temps” ne lui était pas tout à fait étranger ; et le rôle de Minc n’a pas été négligeable, par exemple dans le rapprochement avec Alain Juppé et les juppéistes… [Macron] est certes intelligent, cultivé, charmeur, brillant aussi, et même plus. Mais il en est d’autres, disposant d’atouts identiques, qui n’ont pas réussi à fasciner à ce point les puissants, ensuite, plus tard, les électeurs. Car voilà le mot adéquat : Emmanuel Macron les fascine. Il […] est le fils spirituel idéal qui finit par exercer une emprise incontestable sur les aînés qu’il s’est choisis, qui l’ont choisi. »

Mais, dans le domaine électoralo-financier qui nous occupe aujourd’hui, deux « vieux » ont joué un rôle déterminant en faveur de Macron : David de Rothschild, dont Minc assure qu’il « avait une passion pour ce jeune homme », et surtout le milliardaire Henry Hermand, disparu en novembre 2016, donc avant le triomphe de son poulain, à l’âge de 92 ans. « Parrain » du supercapitalisme français après avoir fait fortune notamment dans la grande distribution mais néanmoins de gauche (membre du comité directeur du PSU, dissidence gauchiste de la défunte SFIO, administrateur de la Fondation Saint-Simon et de Terra Nova, etc.) Hermand était « à la fois conseiller, confident et grand argentier » de l’énarque, connu dans l’Oise alors qu’il y accomplissait son stage dans la préfectorale.

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Témoin de son protégé au mariage de celui-ci avec Brigitte Trogneux ex-Auzières, c’est lui qui prêta 500 000 euros au couple lorsque celui-ci voulut acheter un appartement. Lui aussi qui logera gracieusement les premiers « marcheurs » dans ses bureaux parisiens car, comme David de Rothschild, ce vieillard « s’était pris de passion pour Emmanuel Macron ».

Renvoi d’ascenseur

Était-ce également le cas des généreux donateurs qui, de la misérable Tirana, envoyèrent le 25 janvier 2017 un don de 4 600 euros au candidat et un autre don de 7 500 euros à En Marche ? Ou bien ces largesses expliquent-elles les amabilités de l’actuel chef de l’Etat à l’endroit du président albanais, admis sur la tribune présidentielle aux côtés d’Angela Merkel et de Donald Trump lors de la commémoration de l’armistice de 1918 alors que le président serbe, dont le pays avait, lui, participé au premier chef à la Grande Guerre, était relégué dans une tribune secondaire ? De même le ministre de l’Intérieur Castaner a-t-il reçu le 26 mars dernier avec tous les égards Sandër Lleshaj, son homologue de la République d’Albanie, « dans le contexte du processus de rapprochement de l’Albanie avec l’Union européenne », l’ouverture officielle des négociations étant prévue fin 2019 avec cet Etat, l’un des plus mafieux du monde.

Mais ce point de détail n’est sans doute pas pour gêner le rigoureux Macron, ancien disciple et collaborateur (selon ses dires du moins) du philosophe protestant Paul Ricœur. Le problème pour la France est qu’il a sans doute bien d’autres mécènes à remercier.

Camille Galic
14/05/2019

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Remi Jouan [CC BY 4.0], via Wikimedia Commons

Camille Galic

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