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Emmanuel Macron : l’immigration en marche forcée !

Emmanuel Macron : l’immigration en marche forcée !

par | 8 février 2019 | Politique, Société

Par Paul Tormenen, juriste ♦ La doctrine affichée du Président Macron en matière d’immigration est à l’image du programme présidentiel de 2017 : consensuelle et destinée à plaire à l’électorat modéré de droite et de gauche. Pourtant, à y regarder de près, le gouvernement mène en la matière une politique qui adhère aux orientations les plus débridées des institutions européennes.


Une doctrine faussement consensuelle

Le programme du parti En Marche lors de l’élection présidentielle de 2017 (1) était assez laconique concernant l’immigration. Dans les 17 pages du document, le parti présidentiel réussissait l’exploit de ne pas employer une seule fois le mot « immigration ».

Les engagements du candidat Macron en la matière concernaient :

  • L’initiative visant à créer une force de 5 000 garde-frontières européens,
  • L’examen des demandes d’asile en moins de 6 mois, un « accueil digne des réfugiés qui ont droit à la protection de la France ». « Les autres seront reconduits sans délai vers leur pays afin qu’ils ne deviennent pas des immigrés clandestins ».

Le 29 novembre 2017, le désormais Président de la République précisait sa vision de l’immigration à Ouagadougou (Burkina Faso) (2). Il plaidait pour une politique migratoire européenne, l’aide au développement et annonçait l’envoi d’agents de l’OFPRA en Afrique pour éviter aux demandeurs d’asile un dangereux périple.

Plus récemment, le 5 février 2019, E. Macron déclarait lors d’un débat à Évry-Courcouronnes dans l’Essonne : « Que ça nous plaise ou pas, on peut se voiler la face, mais les migrations sont là. Nous sommes dans un monde de migrations et je ne crois pas du tout aux gens qui font des murs ».

La question du nombre d’immigrés arrivant chaque année en France était une nouvelle fois éludée. A défaut de pouvoir définir plus précisément la doctrine du Président Macron en matière d’immigration au travers de ses déclarations et de ses écrits, il est possible d’essayer de la définir au travers de la politique menée et des lois adoptées en la matière.

Un nombre toujours plus important d’entrées sur le territoire

L’immigration légale et illégale a atteint ces dernières années en France un niveau très élevé (3). La démographe Michèle Tribalat estime que « l’accroissement de la population immigrée dans les années 2000 est comparable à celui observé pendant les trente glorieuses » (4). Ces flux d’entrées sur le territoire national ont encore progressé en 2018, première année pleine du gouvernement Philippe (5). La tendance à une augmentation constante des entrées d’étrangers en France se confirme donc avec le pouvoir issu des élections d’avril et juin 2017.

Ces flux sont rendus possibles par plusieurs facteurs que le gouvernement a non seulement accompagnés, mais également favorisés :

  • l’élargissement des droits à l’immigration,
  • une interprétation extensive des normes internationales ratifiées par la France,
  • une multiplication des voies d’immigration,
  • une inertie vis-à-vis des nouvelles stratégies d’immigration.

L’extension des droits à l’immigration

  • L’aide sociale à l’enfance

Initialement créée pour prendre en charge les orphelins et les enfants en danger (6), l’aide sociale à l’enfance est depuis quelques années en partie détournée de sa vocation. Des filières d’immigration se sont organisées et des passeurs orientent des jeunes étrangers vers les services sociaux des conseils départementaux (7). La raison en est simple : le seul critère de prise en charge par les départements prévu par le code de l’action sociale est le fait d’être mineur. Le phénomène a pris une ampleur, tant numérique que financière, considérable ces dernières années (8).

Plutôt que d’adapter le droit à ce nouveau phénomène, le premier ministre E. Philippe a récemment écarté toute modification juridique de l’aide sociale à l’enfance (9), en dépit d’un détournement de son objet initial par une partie non négligeable de ses bénéficiaires. La seule mesure récente, et bien timide, à ce sujet est la création d’un fichier national des évaluations de l’âge des « candidats », afin d’éviter qu’un jeune, souvent étranger, « candidate » dans différents départements, jusqu’à obtenir la reconnaissance de sa minorité. Une illustration s’il en fallait de la dérive de ce dispositif.

  • Le droit d’asile

Il est utile de rappeler que le droit d’asile n’est pas unique et intangible. Depuis la Convention de Genève de 1951, le droit d’asile s’est élargi au fil des lois adoptées et des traités internationaux signés par la France. Un juré à la Cour nationale du droit d’asile rappelle que pendant trois décennies, les demandes avoisinaient annuellement les 300. Désormais, « ce ne sont pas des individus qui nous demandent l’asile, ce sont des peuples entiers » (10). Comme pour l’aide sociale à l’enfance, des filières d’immigration se sont organisées avec la procédure de demande d’asile comme « pied dans la porte » pour s’installer en France (11). C’est ainsi que des ressortissants de pays sûrs figurent parmi les plus gros contingents de demandeurs d’asile.

La loi asile et immigration adoptée en 2018 aurait pu être l’occasion de mettre un terme à ces dérives. Au contraire, cette nouvelle loi contient des dispositions élargissant le droit à l’asile, notamment aux victimes de violence conjugale et aux femmes risquant l’excision. Les possibilités de « réunification familiale » ont également été étendues (12). Comme pour l’aide sociale à l’enfance, le législateur n’a pas voulu prendre la mesure des nouvelles stratégies à l’œuvre visant à s’installer en France.

  • Un credo : « la mise à l’abri »

Le 28 juillet 2017, le Président Macron annonçait sa volonté de mettre à l’abri tous les migrants d’ici la fin de l’année (13). Cette position, plusieurs fois répétée, s’est traduite par l’augmentation des crédits et des places disponibles pour les accueillir (3). L’effet pervers de cette annonce est l’appel d’air que cela a créé : des « hubs » (zones d’attente) regroupant des migrants se constituent dans les grandes villes, et d’incessantes « mises à l’abri » sont organisées dans des structures plus ou moins temporaires (gymnases, centres d’accueil, etc.). Des associations de défense des migrants ont saisi le Conseil d’Etat afin d’empêcher le recensement des clandestins qui y sont présents. La plus haute juridiction administrative française a estimé que les équipes chargées du recensement ne rencontreront que les migrants volontaires souhaitant s’entretenir avec eux (14)…

  • Des régularisations facilitées

Alors que notre pays fait face à l’arrivée d’un nombre croissant de clandestins (15), le gouvernement Philippe a maintenu les possibilités de régularisation mises en place par le gouvernement socialiste. Entrée en vigueur en novembre 2012, la dite « circulaire Valls », alors Ministre de l’intérieur, aurait permis d’augmenter de 30% les régularisations en 5 ans. Elle n’a pas été abrogée par le nouveau gouvernement (16). Cette circulaire a élargi les possibilités de régularisation des « sans-papiers » sur le territoire national au motif du travail, des liens familiaux, etc. Si le nombre d’éloignements du territoire a légèrement augmenté en 2018, les nombreuses possibilités de régularisation donnent un signal positif aux aspirants immigrants illégaux.

Une multiplication des voies d’immigration

Alors que l’immigration par les voies habituelles ne fait qu’augmenter, des dispositifs spécifiques plus ou moins nouveaux contribuent à alimenter les flux migratoires :

  • les arrivées au titre de l’accord européen de relocalisation des migrants conclu en 2015, dont E. Macron est un fervent défenseur,
  • la répartition des migrants arrivant en Espagne ou à Malte avec les bateaux des ONG, la France répondant présent à chaque sollicitation,
  • et enfin les réfugiés dont les services français de l’asile ont traité la demande directement en Afrique (2).

Une évolution de la France à rebours de celle d’autres pays européens

Entre les textes juridiques et leur application, une marge de manœuvre existe, que chaque pays utilise en fonction des orientations politiques et des impératifs sociaux. Il est utile de voir à ce sujet comment cette marge de manœuvre est utilisée par certains de nos voisins européens en matière de regroupement familial et de droit d’asile.

L’Allemagne, signataire de plusieurs traités internationaux, a néanmoins mis en place en 2018 un « moratoire » qui plafonne le nombre des arrivées au titre du regroupement familial (17). Cette mesure a été prise dans le cadre de la « souplesse » permise notamment par les directives européennes en la matière. Elle atteste la possibilité pour les Etats de limiter les entrées sur la base de liens familiaux (18), sans aller jusqu’à la dénonciation de la signature des traités internationaux. La France a pris une direction opposée avec la loi Asile et immigration en étendant notamment la possibilité de regroupement familial aux frères et sœurs des réfugiés mineurs.

L’application « large » du droit d’asile aboutit au fait que la France est un des seuls pays européens à voir les demandes augmenter en 2018 (19). Une tendance à rebours de plusieurs pays voisins : la Belgique plafonne le nombre des demandes d’asile, tout comme l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark et la Suède (20).

Concernant la maitrise des frontières, un rapport parlementaire soulignait en 2018 (21) que les pays européens ont réagi « de façon désordonnée à la crise migratoire ». Alors que des pays d’Europe centrale ont réussi à faire respecter leurs frontières et à contenir les arrivées illégales, un policier reconnaissait récemment qu’à la frontière franco-espagnole, « ça passe, et ça passe bien même » (22). Une illustration de l’application à géométrie variable de l’accord de Schengen selon les Etats et de volontés politiques différentes.

Une politique en ligne avec l’orthodoxie européenne

Dans beaucoup de domaines, le Président et son gouvernement s’inscrivent dans les orientations de la Commission européenne. Cela se vérifie particulièrement en matière d’immigration. Les postulats sont simples : l’Europe est en déclin démographique, elle a ou va avoir un important besoin de main d’œuvre, l’arrivée de migrants est positive pour l’économie (23). C’est ainsi que le commissaire européen D. Avramopoulos estime que l’Europe va avoir besoin de 6 millions d’immigrés. Peu importe la situation de la France, traversée par la montée du communautarisme et une déshérence sociale d’une partie importante de la société (24).

Au travers de ses différentes mesures, la politique du gouvernement en matière d’immigration se rapproche de celle du pouvoir socialiste sous la présidence de F. Mitterrand : elle étend les droits à l’immigration et permet des arrivées toujours plus nombreuses. La marge de manœuvre laissée par les traités internationaux signés par la France est utilisée non pas de façon restrictive mais extensive. C’est une évolution qui va à rebours non seulement de celle d’autres pays européens, mais également de l’opinion d’une majorité de français (25).

Paul Tormenen
08/02/2019

(1) « Le programme d’Emmanuel Macron. Elections présidentielles ». Avril 2017.

(2) « Le discours de Ouagadougou d’E. Macron».  Le Monde. 29 novembre 2017.

(3) « La France subit-elle une immigration de peuplement ? ». Paul Tormenen. Polemia. 5 janvier (2019.

(4) « Le même flux d’immigrés que pendant les trente glorieuses ». Marianne. 21 avril 2014.

(5) « Immigration, les premiers chiffres pour l’année 2018 ». Vie publique. 18 janvier 2019.

(6) « L’histoire de la protection de l’enfance ». Le Journal des psychologues. 2010.

(7) « Mineurs étrangers, une filière d’immigration en plein expansion à bas bruit médiatique ». OJIM. 21 août 2018.

(8) « Mineurs étrangers, la nouvelle filière d’immigration ». André Posokhow. Polemia. 5 juin 2018.

(9) Question d’actualité au gouvernement n° 0484G. Sénat. 12 octobre 2018.

(10) « Croire à l’incroyable ». Smaïn Laacher. Gallimard. 2018.

(11) « Droit d’asile, le rapport choc de la Cour des comptes ». Le Figaro. 12 avril 2015.

(12) « Projet de loi immigration : une fermeté en trompe l’œil ». Le Figaro. 22 janvier 2018.

(13) « Emmanuel Macron ne veut plus de migrants dans la rue d’ici la fin de l’année ». Le Monde. 27 juillet 2017.

(14) « Recensement des migrants : le Conseil d’Etat refuse de suspendre la circulaire Collomb ». Le Figaro. 2 février 2018.

(15) « Les frontières avec l’Italie et l’Espagne sous pression ». Le Figaro. 19 mars 2018.

(16) « Immigration, Macron héritier de François Hollande ? ». Le Figaro. 9 janvier 2018.

(17) « Réfugiés, l’Allemagne restreint le regroupement familial ». Europe 1. 1er février 2018.

(18) « Les défis de l’immigration zéro ». Vincent Tchen. Cahiers français. Mars 2015.

(19) « La France, deuxième pays de demande d’asile en Europe, avec une hausse de 22% ». RT France. 16 janvier 2019.

(20) « Dépenses pour l’immigration : les tabous français ». Paul Tormenen. Polemia. 17 décembre 2018.

(21) « Rapport d’information sur l’espace Schengen et la maitrise des frontières extérieures de l’Europe ». Assemblée nationale. 19 avril 2018.

(22) « Pays basque, la nouvelle route de l’exil ». L’Express. 31 octobre 2018.

(23) « L’Europe va avoir besoin de 6 millions d’immigrés ». La Tribune de Genève. 7 mars 2017.

(24) « En France, près de 3 millions de jeunes sont sans emploi, ni en enseignement ou en formation ». Localtis. 22 janvier 2019.

(25) « Les français jugent négatifs les effets de l’immigration, selon un sondage ». Le Point. 2 décembre 2018.

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Migrants marchant vers la frontière hongroise – Freedom House [Domaine public] via Flickr

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