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Des « fractures françaises » à la guerre civile ?

Des « fractures françaises » à la guerre civile ?

Étudiant les Fractures françaises  et leurs conséquences, le géographe Christophe Guilluy écrit dans son dernier livre : « La “guerre civile” n’est pas l’horizon le plus probable, en revanche le retour du “conflit” paraît, lui, assuré. » Une thèse qui a suscité une levée de boucliers.

C’est un réflexe pavlovien : chaque fois qu’un chercheur aborde sans œillères la question de l’immigration, les bons esprits l’accusent de « faire le lit du Front national ». Ce fut hier le cas avec le sociologue Sébastien Roché, puis la démographe Michèle Tribalat coupable d’avoir fustigé dans un livre paru en mars dernier chez Denoël ceux qui veulent garder Les yeux grands fermés devant la substitution de population (la France abriterait 15 millions d’allogènes selon l’ancien ministre chiraquien Azouz Begag) et ses conséquences. C’est donc aujourd’hui Christophe Guilluy qui se trouve sous les feux du lobby antiraciste.

La mondialisation, matrice de l’insécurité sociale et … du populisme

Il est vrai que dans son nouveau livre, Fractures françaises (1), ce géographe né en 1964 et déjà coauteur avec Christophe Noyé d’un édifiant Atlas des nouvelles fractures sociales françaises en France / Les classes moyennes oubliées et précarisées, ne mâche pas ses mots. Appuyé sur une solide documentation, il accuse de manipulation ceux qu’il nomme les « prescripteurs d’opinion », et de « gâtisme » les prétendues élites qui « chaussent les lunettes des années 1970 » pour analyser la situation des banlieues. Lesquelles ne relèvent plus de la question sociale comme ce fut longtemps le cas pour la « ceinture rouge ». Leur « fonction principale » est au contraire d’être devenues « des sas entre le Nord et le Sud », un « constat que les politiques répugnent à assumer ».

Sans doute parce qu’ils acceptent tous peu ou prou l’inévitabilité, voire la nécessité, de la mondialisation libérale alors que, loin de la traditionnelle opposition gauche-droite, pour Christophe Guilluy — qui adresse ses conseils aux dirigeants socialistes mais, il est vrai, monte sur ce point un vieux cheval de bataille du Front national — « les questions de la mondialisation et du multiculturalisme sont les plus socialement clivantes ».

La mode est à la dénonciation du populisme. Mais qui ne voit que celui-ci prospère en Europe au rythme de la mondialisation ? Or celle-ci, en détruisant les emplois industriels, ce qui ruine les autochtones, et en encourageant l’immigration — y compris sauvage car elle fournit à très court terme une masse corvéable — favorise « les fractures sociales et culturelles » et multiplie donc les sources de « conflits ». « L’accentuation de l’insécurité sociale et plus généralement la dégradation des conditions de vie des couches populaires des pays développés », écrit-il, « aboutit inexorablement à une critique majoritaire d’un modèle de développement mondialisé et sous influence du capitalisme financier. La mise en concurrence des couches populaires “d’ici” avec les travailleurs de “là-bas” et le dumping social exercé par l’immigration sont en train d’atteindre leurs limites ». D’autant que « les évolutions démographiques vont également aider à cette prise de conscience ».

Substitution de population : finie la douceur angevine

Ces évolutions sont en effet vertigineuses. Toujours pour citer notre géographe, « entre 1968 et 2005, la part des jeunes d’origine étrangère est passée de 22 à 76% à Clichy-sous-Bois, de 23 à 75% à Aubervilliers, de 22 à 74 % à La Courneuve » etc., mais la trop célèbre Seine-Saint-Denis n’est pas la seule concernée. Le phénomène est également sensible dans le Rhône (« à Vaulx-en-Velin, la part des jeunes d’origine étrangère est passée de 41 à 61% ») mais aussi dans la France profonde, nullement épargnée par ce que Valery Giscard appelait « l’immigration-invasion ». Ainsi la progression de la part des jeunes allogènes « dépasse en moyenne les 40 % dans les régions du Grand Ouest ». Mieux, ou pis, qu’en aurait pensé le poète Joachim du Bellay qui, de Rome, disait aimer « Plus mon Loire Gaulois que le Tibre Latin/Plus mon petit Liré que le mont Palatin/Et plus que l’air marin la douceur Angevine » ? Près de cinq cents ans plus tard, « plus de 7 % des jeunes Angevins sont d’origine maghrébine et un peu plus de 4% d’origine subsaharienne (soit à peu près comme à Lyon) ». De même, « très présents en Alsace, Lorraine, Franche-Comté, Rhône-Alpes et dans le sud de l’Ile-de-France, les jeunes d’origine turque voient leur part sensiblement augmenter dans le Limousin et en Bretagne».

Comment naît la conscience ethnique

Ce mitage du territoire, et les nuisances qu’il engendre (délinquance, baisse du niveau scolaire, discrimination étatique des indigènes dans la course à l’emploi toujours soumis à la « discrimination positive ») finissent, déplore Ch. Guilluy dans un chapitre drôlement intitulé « Comment je suis devenu blanc », par donner « une existence ethnique à une “minorité invisible”, celle qui tend à disparaître des quartiers les plus sensibles ». Non par racisme comme le répètent les chantres de l’immigrationnisme, mais par simple attachement à des valeurs séculaires, bien antérieures aux tant serinées « valeurs de la République » et aussi parce qu’appartenir à une minorité est très inconfortable. Or, cette « ethnicisation de l’autre », dont les « Blancs » — ou « Gaulois », voire « Colons » comme les nomment les « lascars » — ne sont en rien responsables, se produit très précisément au « moment où le sentiment d’appartenance à la Nation recule ».

Les petits Blancs, orphelins de la république

Ce recul du sentiment national s’explique évidemment par l’afflux croissant de « primo-arrivants » exotiques qui ne voient dans la France qu’une pompe à phynances et à aides sociales mais aussi par la doxa martelée depuis des décennies par l’Ecole et l’Eglise aux nouvelles générations — « le nationalisme et même le patriotisme, c’est la guerre et d’ailleurs c’est ringard ». On y verrait volontiers une autre cause : la conviction de plus en plus de nos compatriotes que la mère patrie n’est en fait qu’une marâtre, préférant toujours l’Autre à ses enfants. On arrose de pleurs — et de subventions — les « quartiers » paraît-il délaissés, mais que dire des communes de province ? Ch. Guilluy se réfère à une étude comparative du sociologue Dominique Morin entre une banlieue de Verdun et la cité ultra-sensible de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne, théâtre d’émeutes endémiques), les Hautes-Noues. Alors même que le revenu par habitant y est « de 20 % supérieur à celui de Verdun », « le programme de réhabilitation dont bénéficie le quartier des Hautes-Noues prévoit une dotation de 12 450 euros par habitant tandis que le contrat de ville mis en place dans les quartiers de Verdun n’alloue que 11,80 euros par habitant ».

Devant cet « ordre social inégalitaire et communautariste », comment les « Gaulois » ne se sentiraient-ils pas orphelins, et petits Blancs avant que d’être français ?

La grande misère des classes moyennes

Ajoutée à la prolétarisation croissante des classes dites moyennes dans une régression telle que la France n’en avait jamais connu, à l’obligation qui leur est faite par un marché immobilier surtendu de s’exiler toujours plus loin des villes (et donc des réservoirs d’emplois), l’ethnicisation découlant du multiculturalisme imposé par ceux-là mêmes qui, tels Nicolas Sarkozy et ses ministres, feignent de condamner et de combattre le communautarisme, « contribue mécaniquement à la résurgence d’une France populaire que tout oppose aux choix des élites », conclut Ch. Guilluy. « Ce retour ne sera pas le fruit d’un messianisme révolutionnaire mais d’abord d’une instabilité sociale et culturelle que le système ne peut plus occulter sous peine d’un ébranlement de la société tout entière » et donc d’un conflit.

Celui-ci sera-t-il seulement social, ou également racial ? Au terme d’un état des lieux foncièrement pessimiste puisqu’il rejoint et confirme celui établi depuis des décennies déjà par les plus lucides de nos compatriotes (systématiquement décrédibilisés comme réactionnaires et xénophobes), l’auteur ne se prononce pas, estimant de manière assez sibylline que « qu’on le veuille ou non, le peuple détient les clefs de l’avenir ».

Reste à savoir si, atomisé, réduit à une minorité sur des pans entiers du territoire, lobotomisé dès la crèche par les « prescripteurs d’opinion », privé de relais médiatiques sauf lorsqu’il s’agit de revendications sur les retraites ou autres questions subalternes, « le peuple » a encore conscience de la puissance. Et comprendra-t-il enfin que les « clefs de l’avenir » sont tout bonnement celles de la survie de la nation française, au sens originel du terme ?

Claude Lorne
18/12/2010

(1) Ch. Guilluy, Fractures françaises, Bourin Editeur coll. Politique, octobre 2010, 206 pages, 19 €.

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