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De la guerre psychologique

De la guerre psychologique

par | 15 novembre 2016 | Politique

De la guerre psychologique

Général (ER) Jean du Verdier

♦ Sans trop savoir contre qui elles se battent, nos élites ont déclaré la guerre au terrorisme, une entière abstraction qui se manifeste cependant par des attentats d’une très grande gravité. Si l’on en croit Manuel Valls qui a donné à la BBC dimanche dernier une interview, l’état d’urgence devrait être prolongé en janvier 2017, au moins jusqu’à l’élection présidentielle. Rappelons que cet état d’urgence a été jugé par une commission d’enquête parlementaire comme « utile » mais « limité ». En effet, on sait peu de choses sur ce dispositif, mis à part quelques chiffres, 4000 perquisitions et 95 assignations à résidence depuis un an. Difficile pour autant de déterminer avec précision qu’elle est l’ampleur de la menace terroriste en France.

Nous publions, ci-après, un essai que nous a fait parvenir son auteur, le général d’aviation Jean du Verdier, qui, dans une rhétorique élégante, expose, à partir d’une expérience personnelle vécue lors du conflit algérien, comment et avec quels moyens a réussi l’arme psychologique, créée dans les années 1950 pour disparaître prématurément en 1960. Nos penseurs qui hantent les ministères ne pourraient-ils pas s’en inspirer ?
Polémia


Pendant deux ans en Algérie, sur la base aérienne de Colomb Béchar, j’ai exercé les fonctions d’officier d’action psychologique. Je ne devais pas l’exercice de cette responsabilité à une compétence particulière mais à ma seule qualité d’officier le plus jeune dans le grade le moins élevé et au désintérêt de mes chefs pour cette nouveauté. Mon action peu encouragée a été limitée. Mon chef de corps ne m’a même pas autorisé à faire le stage de formation à Arzew. Mais je recevais la documentation diffusée par le Ve bureau de la région ; j’étais en contact avec les spécialistes et je me passionnais pour le sujet.

A la relecture de « L’Instruction provisoire sur l’emploi de l’arme psychologique » du 29 juillet 1957 (TTA 117) que je retrouve dans mes archives, je me demande si elle ne pourrait pas inspirer le combat à mener aujourd’hui contre l’islamisme.

Rappel historique

La guerre psychologique, sous l’appellation de propagande de guerre, a toujours existé. Les Philippiques de Démosthène en sont l’un des plus anciens exemples. Sous le terme de propagande se retrouvaient l’ensemble des techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager des idées, des opinions et stimuler l’adoption de comportements favorables à une cause.

Le terme de propagande a pris une connotation négative en France après la Première Guerre mondiale. Les Etats engagés dans le conflit contrôlèrent l’information et furent accusés de pratiquer le « bourrage de crâne ». Il fut définitivement discrédité par l’usage qu’en firent les Etats totalitaires, Allemagne nazie et URSS. Propangandastaffel de Goebbels.

En 1939, devant la montée des périls, Edouard Daladier avait cependant créé le Commissariat général à l’Information. Il y plaça Jean Giraudoux. L’action de cet écrivain fut discrète. Malgré sa bonne volonté il se heurta aux réticences de ministères qui entendaient conserver leurs prérogatives en la matière, Intérieur, Affaires étrangères, Guerre.

L’idée d’une action psychologique systématique réapparut dans les années 1950, lors du conflit algérien. Le concept en fut développé par des officiers qui, comme le colonel Charles Lacheroy, avaient été confrontés à la guerre révolutionnaire en Indochine. Dans son P.C. de Bien Hoâ, Charles Lacheroy avait compris que la stratégie des guerres classiques enseignée dans les écoles militaires n’avait plus cours dans le combat qu’il menait.

Lors d’une magistrale conférence à la Sorbonne en 1957 et des entretiens qui suivirent, il convertit à son point de vue les ministres Bourgès-Maunoury et André Morice, les généraux Ely, Guillaume, Salan et Challe. Il fut salué comme le grand stratège de son époque. Furent alors créés les Ves bureaux chargés dans chaque état-major de mener la Guerre psychologique. Ils s’ajoutaient aux quatre bureaux traditionnels à tous les échelons de la hiérarchie. Les spécialistes de la guerre révolutionnaire qui y furent affectés obtinrent ainsi des postes clés au sein des chaînes de commandement. S’y distinguèrent des officiers comme les colonels Trinquier, Gardes, les commandants Faulques et Cogniet. Ce sont eux qui convainquirent les Français musulmans, hommes et femmes, de la casbah et des villages voisins, de manifester sur le forum le 13 mai 1958. Ce sont eux qui nous donnèrent alors l’espoir d’une fin heureuse de la guerre d’Algérie.

En obtenant la mise en place de cette organisation l’ambition de Lacheroy et de ses pairs était d’inciter les responsables, civils et militaires, à prendre en compte, à tous les niveaux, de la dimension psychologique des conflits.

La création des Ves bureaux engendra des bouleversements au sein de l’armée. Ce Bureau psychologique était placé sur le même plan que les autres composantes de l’état-major telles que le renseignement, les opérations ou le soutien logistique. Certains militaires voyaient d’un mauvais œil le penchant des Cinquièmes Bureaux à se comporter en hiérarchies parallèles et à marcher sur les plates-bandes des Deuxièmes et Troisièmes Bureaux. Cette dérive était, à vrai dire, inscrite dans leur nature. Toute décision opérationnelle, comme toute action sur le terrain, étant susceptible d’entraîner des effets psychologiques, les Cinquièmes Bureaux se mêlaient de tout. Tirant leur existence d’une doctrine politico-stratégique, ils s’arrogeaient parfois des prérogatives qu’entendent se réserver des responsables politiques souvent mal préparés à les assumer. Ils ont ainsi fait campagne pour l’Algérie française, et se sont trouvés en porte-à-faux lors du virage pris par le général De Gaulle.

L’expérience des Ves Bureaux a été brève puisque, en février 1960, ils furent supprimés. L’action psychologique fut tenue pour responsable des actions factieuses ayant marqué la fin de la guerre d’Algérie, putsch d’avril 1961 et OAS. Certaines figures marquantes du Système s’étant engagées dans la voie de la révolte, l’instrument a été discrédité. Depuis lors, le sujet est tabou. Seuls les historiens s’y intéressent.

Face à la menace idéologique et culturelle qui pèse sur nos sociétés européennes nous ne pouvons pas nous contenter des réponses traditionnelles ; nous devons faire preuve d’imagination, trouver autre chose pour nous adapter. La viscosité mentale dans ce domaine serait la pire des fautes. La situation actuelle présente des analogies avec celle de l’Algérie des années 1950. Ne pourrions-nous pas nous inspirer de méthodes mises au point il y a soixante ans ? Une stratégie qui fit alors ses preuves ne pourrait-elle inspirer la nôtre aujourd’hui ? Les militaires, qui avaient alors été les plus lucides, qui avaient prouvé leur capacité à mener le combat psychologique, ne seraient-ils pas encore, mieux que quiconque, aptes à reprendre le flambeau ?

S’adapter à l’ennemi et à ses modes d’action

Après avoir vaincu le général byzantin Héraclius et son armée, plus nombreuse et mieux armée que la sienne, le chef arabe Mo’âwya déclara : « Allah et Mahomet sont les artisans véritables de notre victoire. Nos armes à elles seules n’auraient pas vaincu l’empire byzantin. La victoire, ô mes frères, nous la devons à la force de notre foi. Maintenant, le vaste monde est ouvert pour nous. Plus rien n’arrêtera la marche triomphante de l’islam. »

Notre ennemi n’est ni un Etat ni une nation. Le Maroc, et l’Egypte, pays musulmans, ne sont pas pour autant des pays ennemis. Le musulman installé en France et respectant ses lois n’est pas non plus un ennemi. L’ennemi est une idéologie, l’islamisme dans sa version salafiste, comme l’était pendant la Guerre froide le communisme marxiste. Cette idéologie, un peu partout dans le monde, anime certains musulmans d’une foi hystérique. Ils sont courageux mais disposent de peu de moyens matériels de combat. Ils sont forts de leur moral et de la faiblesse du nôtre. Les Rafales ou le RAID peuvent les contenir localement, ils n’en viendront pas à bout.

Le but ultime de l’islam salafiste, comme celui du communisme jadis, son Zweck pour parler comme Clausewitz, est la conquête du monde, par tous les moyens. L’Etat Islamique est en ce moment son bras armé comme jadis le Kominterm fut le bras armé du marxisme. Quand il exploite le mal-être des populations, Daech s’inspire d’ailleurs des méthodes élaborées par les théoriciens marxistes léninistes.

La stratégie de l’entreprise de conquête islamique, pour ce qui nous concerne, s’organise en deux modes d’action :

  • Nous affoler par le terrorisme, désorganiser nos sociétés en leur imposant des mesures de sécurité coûteuses et contraignantes ; chaque manifestation populaire annulée par crainte d’attentat est une victoire de l’ennemi ;
  • Conquérir peu à peu l’Europe en y installant des musulmans refusant l’assimilation ; cette résistance à l’assimilation s’affiche chaque jour dans des comportements qui, pris individuellement, semblent anodins mais dont l’ensemble participe de la prise de possession de notre espace : halal, refus de la mixité, voile, burkini.

Ces deux volets de la stratégie de conquête islamique marquent notre actualité qui navigue entre les attentats terroristes et les provocations conquérantes des musulmans installés sur notre sol.

Le terrorisme, si présent dans nos préoccupations, est pourtant un épiphénomène. Il est dramatique pour ceux qui en sont victimes mais il n’affecte pas nos sociétés en profondeur. Il a même un effet favorable. Depuis Héraclite nous savons que d’un mal peut naître un bien : le terrorisme va, en effet, réveiller l’esprit de défense des Français et nous donner l’occasion de remilitariser la France. Les stratèges islamiques le savent et, pour cela, ils en usent avec modération : juste ce qu’il faut pour alimenter leurs chantages et désorganiser nos sociétés ; pas trop pour ne pas réveiller chez nos compatriotes le lion qui sommeille sous le mouton.

A terme, le grand danger pour nous est la conquête feutrée de la France et de l’Europe par l’islamisme civilisationnel. Les femmes qui portent des vêtements de bain islamiques sont des militantes de la conquête de notre pays par un groupe humain porteur d’une civilisation antagoniste. L’opinion publique ne s’y trompe pas qui, dans la plupart des pays d’Europe, place désormais l’islamisation comme premier sujet de préoccupation, avant le terrorisme. L’immigration massive est une vague de fond qui anéantira nos civilisations. La lutte contre elle est un combat métapolitique prioritaire dont l’issue met en jeu notre existence.

Les Européens traitent le terrorisme au jour le jour, avec des moyens policiers et militaires ; ils veulent ignorer la menace migratoire. Ils ne veulent pas voir que ces deux phénomènes participent de la même guerre totale que mène contre nous l’islamisme. S’ils persistent dans cette attitude la guerre est perdue d’avance.

Nous avons des moyens matériels pour nous défendre mais des considérations humanitaires dévoyées nous empêchent de les utiliser. L’exemple le plus caricatural de cette faiblesse est celui de la force Frontex en Méditerranée. Censée nous défendre contre l’invasion, elle la favorise. Au lieu de reconduire les migrants sur les côtes africaines, elle les aide à atteindre l’Europe. Sauver des gens de la noyade, les nourrir s’ils ont faim, les couvrir s’ils ont froid est un comportement charitable et humain. Contribuer à renforcer sur notre sol des enclaves étrangères ressortit de la connivence avec l’ennemi.

La force des armes fournit une puissance potentielle ; elle ne devient une puissance réelle dans l’espace et dans le temps que sous-tendue par une volonté. C’est le rapport de forces entre les volontés, plus que le rapport de forces des armes, qui décide de l’issue d’une guerre, voir le Viet Nam. C’est sur lui que doit peser l’effort de guerre psychologique.

Les décisions, les actions sur le terrain ont toutes des répercussions psychologiques qu’il faut exploiter avec méthode. Mais ni en France, ni en aucun pays européen il n’existe d’organisme chargé de coordonner les actions psychologiques. Tout serait à créer dans ce domaine.

L’islamisme salafiste est une pensée qui s’installe dans l’esprit des musulmans à l’extérieur et à l’intérieur de nos frontières ; il entretient une hostilité envers l’Occident. Il n’est pas acceptable que des musulmans, dont certains sont nos concitoyens, soient intoxiqués en permanence par des arguments fallacieux. Il faut opposer à cet endoctrinement un discours capable de le neutraliser.

Fanatisme religieux des musulmans, pusillanimité des Européens chrétiens sont les atouts de l’ennemi. Nous devons les réduire en menant le combat d’idées qui seul nous permettra de gagner ; donc mener une guerre psychologique comme celle qu’avait décrite et organisée le colonel Lacheroy.

Raffermir notre détermination, c’est l’aspect défensif de la guerre psychologique. Détruire le moral de l’ennemi, lui faire perdre confiance en sa cause, c’est l’aspect offensif de la guerre psychologique.
Dans un cas comme dans l’autre l’homme, dans son cœur et dans son esprit, est toujours l’objectif de la Guerre et de l’Action Psychologique.

L’action psychologique sur nous-mêmes

Le premier volet de la guerre psychologique est l’action sur nous-mêmes. Elle est délicate car elle ne doit pas virer à l’endoctrinement totalitaire. Elle doit respecter les populations cibles auxquelles elle doit d’abord la vérité. Conçue dans le seul intérêt supérieur de la nation elle doit rester à l’écart des chicanes politiciennes. Elle a pour seul objectif de renforcer notre esprit de défense par la promotion du courage et du patriotisme ainsi que par la contestation des idées susceptibles d’affaiblir notre volonté d’exister.

Dans le combat qu’il mène contre nous le premier atout de l’islamisme est notre lâcheté. Soljenitsyne a tout dit à ce sujet.

« Le déclin du courage est sans doute ce qui frappe le plus un regard étranger dans l’Occident d’aujourd’hui. Le courage a déserté non seulement le monde occidental dans son ensemble, mais même chacun des pays qui le composent, chacun de ses gouvernements, chacun de ses partis. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la classe dirigeante et dans les milieux intellectuels dominants, d’où l’impression que le courage a déserté la société tout entière. Bien sûr, il existe encore beaucoup de gens courageux mais ce ne sont pas eux qui donnent la direction à la vie de la société. Les fonctionnaires, les politiques, les intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, dans leurs discours, et plus encore dans les considérations qu’ils fournissent pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée par la morale. »

Parce qu’il manifeste l’intensité de l’instinct vital le courage doit être reconnu comme la vertu première. Il donne l’impulsion qui permet aux autres qualités de s’exprimer. Indispensable à la survie collective il doit fixer les hiérarchies sociales. Nous ne gagnerons pas la guerre contre l’islamisme si notre société ne lui accorde pas la place qu’il mérite, la première. Les militaires le savent, ils doivent l’expliquer à leurs concitoyens.

L’amour de la patrie est le sentiment le plus noble et le plus généreux. Il nous porte à l’aimer plus que nous-mêmes. Il est la condition première de la survie d’une nation. Pour se battre et parfois risquer sa vie il faut plus qu’une raison : il faut une pulsion. Le patriotisme n’est pas une idéologie. Il n’a pas de ressort intellectuel. Il repose sur un socle affectif, et c’est pourquoi il est la source d’énergie primordiale.

Les hommes ont maintes fois montré qu’ils étaient prêts à mourir pour leur patrie. Staline lui-même fit appel à l’amour de la mère patrie, la Sainte Russie, lors de la Grande Guerre patriotique. A l’heure d’un péril mortel il n’a pas appelé à combattre pour sauver le socialisme ou les valeurs de la République. Avait-il lu Dostoïevski ?

« Aucun peuple au monde ne s’est encore forgé sur une base de science ou de raison (le droit) (…) La raison et la science dans la vie des peuples, toujours, maintenant et depuis le début des siècles, n’ont assumé qu’une fonction secondaire, une fonction de service, et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. Les peuples sont créés et animés par une force tout autre, une force qui les domine et les subjugue, mais dont l’origine nous est inconnue et inexplicable… C’est la force de l’affirmation continuelle, infatigable, de sa propre existence (Dialogue entre Chatov et le prince Stavroguine dans Les Possédés).

Vouloir opposer la République, de la Liberté-Egalité-Fraternité, ou de la sécurité sociale, au fanatisme des djihadistes animés par la foi en leur Dieu est dérisoire. Nous ne retrouverons la force de nous défendre qu’avec l’amour sacré de notre patrie charnelle, l’amour de cette mère à qui nous devons notre terre, notre langue, notre civilisation, notre religion. Au cours des siècles ce patriotisme a fait bon ménage avec le christianisme car il se fonde plus sur l’amour des siens que sur la haine des autres. Jeanne d’Arc…

Le vocable patrie doit retrouver sa place dans le langage politique en lieu et place de la République et ses valeurs abstraites. L’amour sacré de la patrie soude et renforce une collectivité comme ne le fera jamais l’égoïsme ratiocineur des politiciens qui occupent la scène politique. La force morale d’une nation prend naissance dans des sentiments, non dans des slogans.

Il appartient à l’action psychologique d’entretenir le patriotisme et d’anathématiser le cosmopolitisme.

Le patriotisme à entretenir se situe à l’amont des idéologies politiques ; il naît de l’instinct vital. Conscient de sa faiblesse, l’homme réclame dès sa naissance et tout au long de son existence le secours et le concours de ses semblables. Son instinct lui impose d’appartenir à un groupe qui le protège, le rassure et l’aide à former sa personnalité. Il s’attache à ce groupe comme à sa mère. Quand un tel sentiment n’existe plus au sein d’une société elle perd la volonté d’exister.

Les peuples patriotes survivent quand ceux qui ne le sont pas disparaissent. Les idéologies passent et le patriotisme demeure. Les régimes bâtis sur des idéologies sont éphémères. Le nazisme a duré 15 ans, le communisme a duré 100 ans. Les empires qu’ils avaient constitués se sont désagrégés. La France, en dépit des changements de régime qu’elle a connus, est restée unie dans son Hexagone pendant quinze siècles. Tout n’est pas encore perdu : 93% de nos compatriotes sont attachés à leur drapeau, 30% accepteraient le risque de mourir pour leur patrie (ils sont 60% en Russie).

L’action psychologique devrait s’attacher à combattre les idées qui nous empêchent de mener le combat : la négation du danger, le dénigrement de nous-mêmes, une conception perverse des « Droits de l’Homme ».

Il faut expliquer que nous ne faisons pas la guerre au terrorisme, pas plus qu’aux kalachnikovs, mais à l’islamisme. Il faut désigner l’ennemi et le faire reconnaître comme tel. Les utopistes qui nous gouvernent et ceux qui font l’opinion se refusent à cet acte fondateur d’une politique de défense.

Il faut faire admettre aux élites cosmopolites que les conflits entre peuples sont le produit des forces de la vie ; qu’il est souhaitable de les réguler mais utopique de les nier. La guerre n’est pas seulement un mauvais souvenir à reléguer dans la préhistoire de l’humanité : elle est présente sur notre sol, aujourd’hui. Chaque jour le déni du réel amplifie, aggrave les risques d’une conflagration généralisée.

Responsables politiques et médiatiques endorment le peuple ; ils s’efforcent de masquer le caractère islamique de l’agression ; ils cherchent chez les auteurs d’attentats des motifs psychiatriques ou sociaux. L’Eglise catholique elle-même s’englue dans cette impasse. Mgr Vingt-Trois, dans son homélie à la messe d’hommage aux victimes de Saint-Etienne-du-Rouvray, n’a pas prononcé le mot islamisme ; l’essentiel de son discours a été une critique de la société française.

L’action psychologique devrait s’attaquer à ce déni du réel qui démobilise.

Au premier rang des idées à combattre s’inscrit une interprétation perverse des droits de l’homme :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Qui ne peut adhérer à ce premier article de la Déclaration ? Mais, inventés pour défendre les citoyens contre l’arbitraire du pouvoir, les Droits de l’Homme sont devenus une religion séculière intolérante protégeant les ennemis de la nation. Le dogmatisme a transformé une déclaration philosophique en une règle juridique qui paralyse nos gouvernants face à l’agression islamique. Leur désarroi est pathétique car, conscients du danger, ils sont empêchés d’y répondre par le carcan d’une morale vertueusement suicidaire.

Il n’existe pas de textes multilatéraux interdisant de fermer ses frontières, d’accueillir ou de refouler ceux qui s’y présentent. Les Etats européens font comme si les Droits de l’Homme étaient un impératif autant politique que moral, et ils se condamnent ainsi à l’impuissance. La religion des Droits de l’Homme conduit à la négation d’un droit encore plus fondamental, celui pour un peuple de défendre son existence. Il appartiendrait à l’Action Psychologique de l’expliquer.

Il est possible, bien sûr, d’assimiler des musulmans en France, mais ils respecteront la France si nous la respectons nous-mêmes. Or ils constatent que la plupart des Français qui détiennent le pouvoir ont rejeté leur passé, leur foi, leurs traditions. Le désamour de nos politiciens et de nos intellectuels pour l’être même de la France entraîne en retour un mépris des musulmans à son égard. Comment ne pas les comprendre ? Comment faire aimer aux autres ce que l’on n’aime pas ?

L’offensive psychologique

Jusqu’à la première Guerre du golfe les islamistes avaient peur des Occidentaux. Depuis le 11 septembre 2001, nous sommes terrorisés par eux. L’offensive psychologique est la seule qui puisse nous redonner l’avantage. Mais, avant de l’entreprendre il est indispensable que soit défini notre objectif politique, notre Zweck. Il doit l’être au plus haut niveau de l’Etat afin de garantir une unité d’action. Que voulons-nous :

-Détruire les islamistes là où ils sont physiquement dangereux par leurs actions terroristes ?
-Empêcher l’islamisation de l’Europe ?
-Participer à une transformation du message coranique et éradiquer sa version salafiste partout dans le monde ?

L’examen de la mission mettra en route le raisonnement qui permettra de définir une doctrine d’emploi de l’arme psychologique selon le même processus que pour n’importe quelle action militaire. Il sera dès lors possible de coordonner les actions des différents acteurs.

Avant toute entreprise psychologique contre l’islamisme il faut faire sauter les verrous qui taxent d’islamophobie et condamnent les critiques de l’islam. Les musulmans réclament le privilège exorbitant de ne pas être critiqués : il ne faut à aucun prix le leur accorder.

Il ne s’agit pas, dans une campagne psychologique, d’attaquer l’islam religion mais seulement les conséquences sociales et politiques de ses dérives actuelles. Nous devons marquer le plus grand respect de l’islam religieux ; nous pouvons même nous appuyer sur lui. Nous pouvons nous incliner devant la grandeur de la Fâtiha, mais nous n’avons pas à reconnaître comme religieuses les diatribes belliqueuses de certains versets, ni les prescriptions vestimentaires ou alimentaires de la Charia. Nées dans un contexte, en Arabie, à une époque reculée, elles ne sauraient avoir une valeur universelle. Nous pouvons faire remarquer que Dieu ne s’abaisse pas à régler de tels détails. Mais nous n’avons pas à imposer la conception trinitaire de la nature divine. La confrontation théologique reviendrait aux églises chrétiennes. Elles n’ont malheureusement, semble-t-il, ni le courage ni la volonté de s’y engager. Elles oublient la dernière injonction du Christ : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit… » (Mt 28, 19-20). Combien de missionnaires en Seine-Saint-Denis ?

Amener l’adversaire à douter de sa cause, à penser qu’il est en situation de faiblesse, est sans doute la seule façon de venir à bout de l’islamisme conquérant. Il convient donc de s’attaquer aux facteurs psychologiques entretenant sa volonté et sa capacité émotionnelle à agir. Depuis des décennies l’endoctrinement salafiste-wahhabite travaille le monde musulman sans rencontrer aucune opposition doctrinale. Il légitime un islam primitif, inculte et meurtrier et ne rencontre aucun contre-feu idéologique. C’est lui qui doit être combattu, en Europe d’abord et ensuite dans les pays sources. La propagande salafiste est diffusée partout dans le monde, y compris au niveau de l’ONU. Un guide des auteurs des manuels scolaires d’histoire, conçu par l’ISESCO (Organisation islamique pour l’éducation), monument de contre-vérités, a reçu l’aval d’Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, sans provoquer aucune réaction en Occident.

Cet islamisme salafiste agressif devrait être contredit avec méthode par tous les moyens de diffusion d’idées : les écrits, la radio, la télévision et les sites Internet ; ce qui implique une guerre électronique. Il devrait être combattu aussi sans relâche dans les écoles, dans les églises, dans les mosquées et sur la place publique.

A long terme l’arme psychologique serait la seule qui permettrait un affaiblissement réel et durable de Daech, d’al-Qaïda et des mouvements de même nature. Dans le combat à mener elle donnerait une justification morale à nos nations dans le combat qui leur est imposé.

Les modes d’actions dans la guerre psychologique sont des arguments développés et répétés à satiété. Ce pourrait être :

Argument 1
La Sourate IX-29 prescrit : « Faites la guerre à ceux qui ne croient pas en Dieu ni au jour dernier, qui ne regardent point comme défendu ce que Dieu et son prophète ont défendu (…). Faites-leur la guerre jusqu’à ce qu’ils soient, tous sans exception, soumis et humiliés… » Ce verset est une déclaration de guerre au monde entier, Dar el Harb. Le maréchal Sissi, chef de l’Etat égyptien, a expliqué aux islamistes qu’ils n’avaient aucune chance de la gagner. A nous d’enfoncer le clou.

Argument 2
Insister sur la perversité de cette sourate qui condamne le monde à une guerre perpétuelle – qui rend impossible des accords comme celui conclu jadis entre Saladin et Richard Cœur de Lion.

Argument 3
Montrer que la conception salafiste d’un Coran qui contient une vérité indépassable, dans tous les domaines y compris celui de la science, conduit à une impasse car elle interdit le progrès. Cette conviction que le Coran contient tout ce qu’il est nécessaire et suffisant à l’homme de connaître, entraîne un désintérêt et un dédain suspicieux à l’égard de ce qui ne s’y trouve pas. L’étiquette halam (mauvais), accrochée à de nombreuses recherches modernes, explique le retard pris par les pays musulmans par rapport au reste du monde et la rancœur qui en résulte.

Argument 4
Montrer les incertitudes d’une doctrine s’appuyant sur un texte obscur. Les contradictions abondent dans le Coran. Certains docteurs de l’islam, pour les pallier, ont introduit la notion de versets abrogés et de versets abrogeants. Ils s’appuient sur l’ordre chronologique de la révélation des sourates ; certains versets viennent abroger des versets antérieurs. L’interprétation dépend de l’école de droit musulman considérée.
Dieu veut-il même être compris ? On peut en douter : « Nul autre que Dieu ne connaît l’interprétation du Livre. » (III-7)
La notion de versets abrogeables est cependant intéressante car elle pourrait ouvrir la porte à une réforme de l’islam qui le rendrait compatible avec nos lois et nos mœurs européennes. Il faut le dire. En particulier aux musulmans résidant en Europe.

Argument 5
Détruire l’image que les djihadistes cherchent à donner d’eux. Montrer que leurs chefs ne sont pas les modèles de vertu qu’ils prétendent être.

Argument 6
Surfer sur certaines croyances. Ils pensent ne pas atteindre le paradis s’ils sont tués par des femmes : faisons-leur savoir qu’ils risquent d’être abattus par des femmes policiers. Faisons-les douter des vierges aux grands yeux noirs qui les attendent dans l’au-delà. Expliquons-leur que, à « tuer injustement » par un acte terroriste, ils enfreignent la sourate V-32 : « Quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre ou d’une corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes » et préparent leur place dans cet enfer souvent décrit dans le Coran. Expliquons-leur qu’à vivre au milieu des impies ils deviendront impies eux-mêmes, qu’ils doivent donc quitter l’Europe et aller vivre dans un pays appliquant la Charia.

Argument 7
Rappeler aux musulmanes la sourate IV-38 : « Les hommes sont supérieurs aux femmes (…). Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises… » Leur suggérer de se révolter ? Susciter chez elles des Lysistratas ?
A cet égard, il est dommage et étonnant que les mouvements féministes, si prompts à s’émouvoir pour des causes mineures, ne manifestent aucun empressement à engager le fer avec un islamisme misogyne.

En reprenant sans relâche ces thèmes, en les adaptant aux cibles visées, en inondant les médias, les réseaux sociaux, les écoles, nous finirions peut-être par gagner la guerre psychologique et la guerre tout court. En tout cas, face à l’agression islamique, seule l’arme psychologique nous donnera l’initiative stratégique, et ce pour un coût infime par rapport à nos dépenses d’armements. Nos gouvernants auront-ils un jour assez de lucidité et de courage pour l’utiliser ? Quand aurons-nous au Département de la Défense un bureau de l’action psychologique ? Un Cinquième Bureau pour lancer et coordonner les actions psychologiques ! Si nous ne gagnons pas cette guerre psychologique nous devrons préparer la guerre civile.

Général (ER) Jean du Verdier
7/11/2016

A servi dans les Forces aériennes stratégiques et le Transport aérien militaire.
A été cadre à l’Ecole de l’air et professeur à l’Ecole supérieure de guerre aérienne.
A été affecté 3 ans en Algérie saharienne, à Colomb Béchar, et 2 ans à Djibouti, avant l’indépendance de ces pays

Voir aussi : « Le Défi démographique » du général Jean du Verdier

Correspondance Polémia – 15/11/2016

Image : En 1957, l’Etat-Major de l’Armée rédige une Instruction sur l’emploi de l’arme psychologique.
Source : http://www.infoguerre.fr/fichiers/tta117.pdf

 

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