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Aux origines de l’islam : le Muhammad historique

Aux origines de l’islam : le Muhammad historique

par | 24 juin 2021 | Société

Par Johan Hardoy ♦ Quel que soit le regard que nous autres, Européens, portons sur l’Islam, il convient, pour mieux comprendre cette religion, d’écouter ce que disent les croyants eux-mêmes sur son fondateur. Sans évidemment épuiser ce très vaste sujet, voici une brève synthèse de deux ouvrages qui apportera quelques lumières utiles aux « mécréants » : Connais-tu le Prophète Muhammad ?, ouvrage collectif (Éditions Al-Haramayn, 176 pages, 4,90 euros), et Les derniers jours de Muhammad de Hela Ouardi (Éditions Albin Michel, 364 pages, 8,90 euros).

 

Le Prophète selon « les sources les plus authentiques »

La boutique Al-Haramayn, sise à Paris 11ème, édite un ouvrage qui décrit en détail les étapes de la vie de Muhammad, « élu par le Seigneur de l’univers ».

Son arrière-grand-père, Hâchim, était un homme riche et très honorable. Son grand-père, Abdu-l-Muttalib, surpassait encore ses aïeux en dignité, bien qu’il faillit sacrifier, à l’aide d’un couteau, son fils le plus vertueux, Abdu-l-Lâh, dans le but de récompenser « Allah (qui) lui avait accordé dix fils en âge de le défendre ». Ses proches l’en dissuadèrent et ce sont finalement cent chameaux qui subirent ce sort à la place de celui qui devint le père de Muhammad après son mariage avec Âmina, une femme d’un haut rang social.

Celui qui deviendra l’homme « le meilleur et le plus noble » naît le 22 avril de l’an 571 après J.-C., dans les vallées des Banû Hâchim à La Mecque. Sa naissance est marquée par des signes divers tels que des effondrements d’églises et de balcons dans un palais, ou encore l’extinction du feu adoré par les Mages.

À l’âge de quatre ans, l’enfant joue tranquillement quand il est saisi par l’Archange Jibrîl. Cette créature céleste, qui lui ouvre la poitrine pour en sortir le cœur et en extraire un caillot de sang, lui déclare « Telle était l’emprise de Satan sur toi ! » puis lui remet l’organe en place après l’avoir lavé, dans un récipient d’or, avec de l’eau de Zamzam (provenant d’une source d’origine miraculeuse située à La Mecque). À douze ans, un moine le reconnaît comme un futur prophète quand il remarque que les arbres et les pierres se prosternent à son passage.

Muhammad se marie à l’âge de vingt-cinq ans avec une femme de quinze ans son aînée, Khadîja Bint Khuwaylid, qui restera sa seule épouse jusqu’à la mort de cette dernière vingt-cinq ans plus tard. Trois garçons issus de cette union décèdent en bas âge et seules quatre filles survivent (elles engendreront cinq garçons et trois filles). Plus tard, il épouse successivement douze autres femmes, sans avoir de descendance avec elles. Par ailleurs, une de ses deux esclaves connues, Maria la Copte, lui donne un fils qui va mourir très jeune.

Le Prophète peut être décrit : une stature un peu au-dessus de la moyenne, une peau blanche légèrement teintée de rose, une dense chevelure noire un peu bouclée, un front proéminent, des yeux noirs, un nez aquilin, de belles dents, une épaisse barbe noire, un long cou, de larges épaules, un ventre plat au même niveau que la poitrine, une démarche vigoureuse.

À partir de sa trente-huitième année, les signes de la prophétie deviennent de plus en plus fréquents. Deux ans plus tard, quand Muhammad atteint l’âge de la maturité, l’Archange Jibrîl lui révèle un verset coranique, puis un autre quelques jours plus tard. La prédication commence alors auprès de ses proches. Lorsque celle-ci devient publique, les « mécréants polythéistes » se livrent à toutes sortes d’agressions et de calomnies, tentant même de le soudoyer et de l’assassiner. Malgré tout, des convertis le rejoignent.

À l’âge de quarante-neuf ans, il décide de poursuivre sa mission en dehors de la Mecque, mais les persécutions redoublent et l’obligent à rebrousser chemin. Lors de son retour, « Allah (lui) envoie un groupe de djinns » qui viennent écouter le Coran. Ces êtres surnaturels reviennent fréquemment par la suite.

À l’issue de nombreuses batailles et pérégrinations diverses, le Prophète parvient à conclure le « pacte de l’alliance islamique » entre les tribus, ce qui constitue la première constitution islamique et fonde ainsi les bases de la société musulmane.

Une alliance est également conclue avec les Juifs, à qui sont accordés la liberté de culte et la gestion de leurs biens, mais ceux-ci violent leurs engagements. En réponse, les musulmans assiègent leurs positions et « Allah sème la terreur dans les cœurs des assiégés qui se soumettent au Prophète » avant d’être « ligotés ». Par la suite, les Juifs parviennent à réunir une armée de dix mille hommes mais sont encore vaincus.

Lors de la huitième année de l’Hégire (629), la bataille de Mu’ta, la plus importante et la plus violente livrée par les musulmans du temps du « Messager d’Allah », constitue un prélude à la conquête des pays chrétiens car elle se déroule dans l’ancienne Syrie, à deux jours de marche de Jérusalem. Trois mille musulmans affrontent deux cents mille soldats de l’armée byzantine mais parviennent cependant, avec douze tués seulement, à rentrer sains et saufs à Médine.

Après la bataille de Tabûk, gagnée sans combattre à cause de la crainte éprouvée par « les Romains et leurs alliés », des délégations de tribus se soumettent en nombre croissant.

Durant sa prophétie qui dure vingt-trois ans, Muhammad ne se détourne jamais de sa mission malgré les nombreux obstacles. Peu avant sa mort, lors de sa « retraite pieuse », l’Archange Jibrîl étudie deux fois le Coran avec lui.

Les derniers jours du Prophète

De son côté, l’universitaire tunisienne Hela Ouardi ne cache pas son scepticisme devant les biographies « apologétiques » diffusées dans le monde musulman. Son dessein vise à restituer d’un point de vue historique la vie et la mort du Prophète, en confrontant les sources sunnites et shiites les plus anciennes, car « Faute de pouvoir s’assumer comme temporalité humaine, l’Islam semble avancer à pas sûrs vers le chemin de la sortie de l’Histoire ».

Cet auteur cherche ainsi à comprendre pourquoi Muhammad, mort à Médine le 8 juin 632, n’a pas été enterré rapidement mais deux jours plus tard au moins, au milieu de la nuit. La Tradition musulmane (postérieure de plus d’un siècle aux événements) reste, en effet, muette sur les raisons d’une rupture avec la coutume qui est la cause, selon l’universitaire, d’un véritable traumatisme originel en Islam.

Pour tenter de répondre à cette question, Hela Ouardi revient en détail sur les événements postérieurs à la bataille de Tabûk, car cette dernière, loin d’être une victoire pour les musulmans, entraîne, concomitamment à l’affaiblissement physique du Prophète, un déclin de son autorité politique et morale. En outre, un large mouvement insurrectionnel mené par des « faux prophètes » se répand dans la péninsule arabique, où la conversion à l’Islam est encore loin d’être massive.

De fait, Abû Bakr, le plus intelligent des compagnons, voit venir la fin du Prophète avant les autres et prend à temps les dispositions nécessaires pour gérer la succession. Celle-ci est assortie d’un riche patrimoine provenant notamment de l’héritage de la première épouse, de butins obtenus lors des multiples expéditions et du produit de taxes diverses. La Tradition, influencée par l’hagiographie chrétienne selon l’auteur, décrit pourtant Muhammad comme extrêmement pauvre, car il se serait dépouillé de ses biens avant de rencontrer Dieu.

Durant son agonie, qui dure près de quinze jours et dont les causes réelles demeurent inexpliquées (empoisonnement, pleurésie ?), la chambre du Prophète devient un lieu d’intrigues où l’influence des femmes se révèle déterminante, surtout celle d’Aïsha, l’épouse favorite et la fille d’Abû Bakr. L’intéressée, qui règne sur ses nombreuses rivales, est considérée comme « la plus savante et la plus éloquente des femmes de la umma », raison pour laquelle les Shiites voient en elle l’instrument des machinations exercées par les deux premiers califes à l’encontre d’Ali, gendre et cousin du Prophète. Les quatre premiers califes, Abû Bakr, Umar, Othmân et Ali, ont d’ailleurs pour point commun d’être reliés à Muhammad par les femmes.

Retrouvant un instant toute sa lucidité, l’homme alité demande à consigner par écrit ses dernières volontés, mais alors qu’il s’apprête à les dicter ou à les écrire, Umar refuse d’accéder à sa demande en invoquant divers prétextes. Une dispute animée s’ensuit autour du lit du Prophète, bien qu’il soit interdit d’élever la voix en sa présence. Excédé, celui-ci renvoie tout le monde sans mettre son projet à exécution.

Les derniers commandements qui lui sont attribués sont truffés d’imprécations contre les Juifs et, dans certaines versions, contre les Chrétiens, maudits pour avoir transformé les sépulcres de leurs prophètes en lieux de prière. Par la suite, les Traditions sunnite et shiite évoqueront également un mystérieux document qui aurait été confié à Ali, le dernier dépositaire des volontés du défunt.

Les différents récits relatifs à ses derniers jours révèlent chez le Prophète sa hantise devant la division de sa communauté, qui s’ajoute à une grande douleur physique considérée comme un acte de purification précédant la récompense dans l’au-delà.

Selon la Tradition communément admise, Muhammad meurt dans le giron de sa femme Aïsha, avant d’être enterré ultérieurement dans la chambre de cette favorite. De là à penser que l’heure de la préparation des funérailles aurait été retardée pour assurer l’élection préalable de son père comme premier calife… Quoi qu’il en soit, la mort du Prophète marque un moment décisif où la fin de la prophétie inaugure l’avènement d’une religion établie à travers le califat.

Johan Hardoy
24/06/2021

Johan Hardoy

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