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Front national : le marketing du vide ?

Front national : le marketing du vide ?

Le Front national porte beaucoup d’espoirs pour l’élection présidentielle de 2017. Face à l’immigration-invasion et l’islamisation, il continue d’apparaître comme la meilleure offre électorale. Et le 11 septembre, lors de l’émission Vie politique, Marine Le Pen a déclaré :

« Cette élection présidentielle n’est pas comme les autres. Elle met en cause des grands choix de civilisation. »

Des propos que Polémia ne peut qu’approuver. Reste que la « ligne Philippot » omniprésente sur les chaînes en continu suscite des interrogations. Ainsi pour Jean Henri d’Avirac, essayiste, expert en marketing, le FN semble commettre les unes après les autres toutes les erreurs stratégiques des partis anti-Système désireux de ratisser large. Un risque, qui avait été clairement identifié lors du colloque sur la désinformation publicitaire de la Fondation Polémia ; dans Polémia, il y a « polémique ». Sans forcément partager tous les attendus de Jean Henri d’Avirac, il nous a donc paru utile de publier ce texte. Polémia

Défenseur anonyme de l’identité

Exit la flamme, exit le nom du parti, exit le nom de Le Pen… Une bien étrange stratégie du vide est à l’œuvre au sein du Front ou plutôt celle, équivalente, du « ratisser large ». Voilà donc une armée historiquement mobilisée sur l’essentiel, qui part au combat sans étendard, avec pour seul talisman l’image pieuse de Marine. Voilà donc un parti qui aura, en l’espace de quelques années, renié un père fondateur, lyophilisé le combat ethnoculturel et civilisationnel, remisé valeurs viriles et dissidences sur le fond. Un Front qui semble avoir peur de se montrer tel qu’il est (mais au fait, qui est-il ?) à un électeur spectateur mature, dénicheur d’impostures et demandeur de parler vrai.

Si le virage social insufflé par Philippot était salutaire car en cohérence avec une vision nationale-identitaire en opposition de fait avec le libéralisme libre-échangiste du trop Reaganien Jean-Marie, d’autres virages furent beaucoup plus mal négociés. Il s’est créé de fait un malaise en terme de positionnement sur la marque Front national devenue UMPisée sur l’essentiel (il y a du Front national années 1980 chez Nadine Morano citant De Gaulle sur « le peuple européen de race blanche » et du « Républicains » années 2000 chez Philippot écartant, un rien embarrassé, cette même citation).

Il nous faudra chercher désespérément ces points de divergence (picométriques) avec la droite des Républicains, notamment sur le cocktail immigration/islamisme/terrorisme. Le discours FN, hormis quelques saillies médiatiques, est peu audible et non différencié.

On flaire par ailleurs une normalisation de ses positions sur l’euro et l’Europe. On a regretté enfin les attitudes ambiguës dans la Manif’ pour Tous… Que nous réserve-t-on à présent ? Le témoignage poignant d’un Français musulman pro Front dans la campagne électorale ? Une kermesse bleu-blanc-beur pour célébrer la laïcité sous la bannière tricolore ? Ou un plaidoyer à destination des classes moyennes pour la sécurisation des retraites et la stabilité monétaire européenne ?

Un Front, défenseur de notre identité, en pleine crise identitaire ?

Voilà donc un Front, défenseur de notre identité, en pleine crise identitaire. Des chevaliers dignes de respect car précurseurs et patriotes, mais privés d’étendard et contraints à errer dans les circonvolutions du Système pour en retirer un bénéfice politique pour le moins hypothétique, en quête d’une respectabilité toujours à la main de la médiasphère.

Qui trop embrasse mal étreint

Et pourtant le boulevard est bien là !… La thématique migratoire s’invite comme clé de voûte de la prochaine présidentielle. Elle fut le fonds de commerce du Front, qui, aujourd’hui, une fois de plus, fait figure de bout en train au sens équin du terme et réserve à d’autres le bénéfice de ses efforts. Qui trop embrasse mal étreint… Les politiques ont décidément du mal à tirer des enseignements du passé. Ce que vit le Front, l’extrême gauche le vécut peu de temps après la crise de 2008 : un boulevard anticapitaliste s’ouvrait à elle sur fond de subprimes et de chaos financier, légitimant bon nombre des diagnostics marxistes à bien des égards prémonitoires ; mais, au lieu d’en tirer profit, dans la tentation du « ratisser large », en créant des listes composites où coexistaient staliniens et trotskos historiques, écolo-décroissants et femmes voilées, le NPA s’effondra faute de lisibilité, faute de cohérence. La volonté d’additionner artificiellement des socio-types de consommateurs/électeurs contraires (c’est une règle du marché !) ne conduit pas à une agrégation de ces familles, mais à un ensemble ciblé de taille ridicule car réduit en réalité à l’intersection de ces groupes. Elle entraîne par ailleurs inévitablement, et c’est plus grave encore, l’implosion des repères, des lignes idéologiques et du sens.

Piégeuse et cruelle démocrature, qui aspire dans son trou noir les courtisans du suffrage universel, normalise la dissidence, stérilise les discours, corrige attitudes et postures jusqu’à faire oublier ancrages, convictions et flammes de la première heure.

Contre le système, tout contre

Le Front sera au deuxième tour et basta… Tout ça pour ça : 2002 en bis repetita et un Front devenu gazeux pour échapper au fameux plafond de verre.

Il ne faut pourtant pas désespérer, de jeunes et nouvelles têtes émergent et préparent le coup d’après. Il leur faudra de nouveaux mots, une nouvelle marque car, martelons-le, dans ce monde marchandisé jusqu’au tréfonds, pas plus qu’un produit ne vit sans sa marque on ne peut partir au combat sans drapeau. Cultiver coûte que coûte un marketing de l’offre assumant sa différence et son appartenance, explorer de nouveaux concepts ; revendiquer le dissensus, adopter le discours du clan, tout cela est clivant mais émergeant, donc interpellant. Ne pas être l’idiot utile du Système par la posture du « contre le Système, tout contre », mais bien penser en rebelle un nouveau système. Juxtaposer à la position protestataire de l’ « anti » une vision du monde…

Anti-Système, soit ! Mais quel est votre rapport à la consommation ? à la croissance ?

Anti-salafiste, soit ! Mais quelle place doit-on concrètement réserver en Europe aux 300 versets ultra-violents du Coran et à la charia ? et plus généralement, à la religion ?

Anti-euro, anti-Bruxelles, soit ! Mais quelle est votre Europe ? (J’ai vainement cherché dans le programme du Front des dernières élections européennes un mot explicitant « l’Europe des patries » ou une saillie insolite du type « pour un nouveau souverainisme euro continental »…). Par facilité, on donne l’impression de jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire l’Europe avec l’Europe de Bruxelles.

Les antidotes au marketing du vide existent. Recruter de nouveaux électeurs, c’est d’abord recruter de nouveaux sympathisants, et susciter la sympathie passe aujourd’hui par des stratégies affinitaires, insolites au cœur du Système pour mieux le détruire. Un artiste ou un écrivain identitaire peut injecter efficacement des idées dans ses créations sans pour autant révéler au porte-voix une appartenance, une croyance ou une idéologie. Là et là seulement, avancer sans étendard fait sens.

La performance 2017 du Front pourrait masquer un échec, celui d’un positionnement national-populiste qui, bien entendu sous forme d’étiquette, fût-elle très discrète, plaquée sur n’importe quel candidat en Europe, permet aujourd’hui d’engranger beaucoup, beaucoup de voix, mais se heurte non seulement au politiquement correct, mais surtout à l’absence de stratégie, au défaut de discours structuré et à la rareté des cadres et intellectuels pouvant transformer une légitime crispation en combat, et un combat en victoire.

Jean Henri d’Avirac

Jean-Henri d'Avirac

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