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Vers un big-bang politique ?

Vers un big-bang politique ?

par | 19 mai 2017 | Politique

Vers un big-bang politique ?

Première publication le 02/03/2016, rediffusion le 18/05/2017 – L’élection présidentielle de 2012 et les législatives qui suivront seront-elles à l’origine d’un big-bang politique ? C’est l’hypothèse – optimiste – de l’essayiste Didier Beauregard. Polémia présente ici des extraits d’une longue analyse parue sur le site de Riposte laïque : « l’élection de 2012 ou la perspective heureuse d’une nouvelle donne politique ! ». Un scénario possible qui se heurtera toutefois à deux obstacles : le mode de scrutin majoritaire et la tyrannie médiatique. Polémia


Le nouveau quadrige électoral

[On assiste à une nouvelle fragmentation du paysage politique], avec un Mélenchon qui regroupe les forces éparses de la gauche radicale et une Marine Le Pen qui maintient à un niveau élevé (probablement autour des 20%) l’héritage de la droite populiste (populaire ?) que son père lui a légué. Cette fragmentation est une première étape importante sur la voie d’une recomposition de la scène politique nationale qui devrait, en s’ajustant à la réalité socio-politique du pays, se structurer en quatre familles « naturelles » : les deux évoquées plus haut, plus une au centre droit et une au centre gauche.

On retrouverait là les équilibres de 1981 (…). Le premier tour de l’élection présidentielle de 1981 avait clairement fait émerger quatre forces significatives : derrière les deux leaders, Giscard à 28, 3% et Mitterrand (25,8%), Jacques Chirac frôlait les 20% et Georges Marchais les 15%.

Trente plus tard nous retrouvons donc peu ou prou les mêmes familles plus ou moins recomposées. Jacques Chirac portait alors les espoirs d’une droite populaire (populiste ?) néo gaulliste et Georges Marchais représentait une gauche communiste qui se retrouve aujourd’hui dans les postures idéologiques de Mélenchon. Giscard incarnait un centre largement campé à droite et Mitterrand une gauche socialiste idéologiquement majoritairement marxisée mais « antistalinienne », c’est-à-dire, dans la forme, attachée au pluralisme des démocraties bourgeoises.

Un glissement à droite

Si l’on regarde de plus près la structure de ces grands courants politiques, le plus frappant, outre la permanence de ce cadre quadripartite, est le glissement de leurs composantes respectives vers la droite. Mitterrand disait déjà que la France était « majoritairement à droite », ce qui est marquant, 30 ans après son arrivée au pouvoir, c’est bien le constant glissement vers la droite des familles politiques.

L’extrême gauche communiste et trotskyste des années 1970/80, se retrouve aujourd’hui dans le sillage de Mélenchon, composé d’un ensemble disparate qui comprend les communistes proprement dit (très minoritaires), la gauche du PS, le gros de l’électorat écolo en mal de candidat, les courants altermondialistes et une part de l’électorat traditionnellement dit « d’extrême gauche » ( soit les groupuscules trotskystes) , lui aussi orphelin de candidats emblématiques. Bref, la tendance dure de la gauche radicale s’est diluée au profit d’une gauche moins « Grand soir » et ouvriériste et plus sociétale, avec notamment une forte composante immigrationniste et anti FN.

Quant à la gauche socialiste qui s’est fédérée derrière le candidat Hollande, elle porte dans son héritage tous les ralliements du PS des années 80/90 à l’ordre économique du capitalisme mondial (elle a notamment libéré les marchés financiers et ratifié tous les traités de libre échange) et à l’idéologie libérale de l’Europe de Bruxelles. Ses surenchères dans le progressisme sociétal ne peuvent effacer le recentrage massif de ce qui lui tient encore lieu de doctrine politique. Mieux encore, si l’on oublie l’appareil politique lui-même, son électorat, comme les sondages (…) le montrent, n’est pas si éloigné dans ses prises de position de l’électorat de la droite dite « classique ».

La famille de droite a elle aussi connu ce glissement vers la droite. La droite populaire et cocardière qui formait les gros bataillons du RPR se retrouve aujourd’hui largement dans l’électorat du Front National, tandis que les candidats de la droite de gouvernement sont toujours plus obligés de pratiquer un grand écart hasardeux pour aller, à la fois, chercher les voix du centre et de « l’extrême droite » pour avoir une chance d’être élus au deuxième tour.

Le paradoxe politique : plus la France se droitise, plus la gauche gagne

(…) Notre démonstration nous conduit ainsi au cœur du paradoxe politique français, précédemment évoqué, plus la France se « droitise », plus la gauche gagne les élections et domine le pays. Paradoxe absurde qui répond à la structuration du surmoi politique national qui interdit les alliances entre la droite « classique », on pourrait presque l’appeler « droite bourgeoise », et la droite radicale ou «populaire », qui, pour l’essentiel, recycle l’héritage du gaullisme, en dépassant la fracture algérienne et celle de la collaboration qui ont longtemps déchiré la droite et ne signifient plus grand-chose aujourd’hui pour les nouvelles générations.

Autre paradoxe à relever, seul le centre, traditionnellement classé à droite, ne se déporte pas d’un cran vers la droite, car il se régénère par l’apport régulier d’un électorat de gauche modérée qui délaisse un PS incapable de trancher entre son héritage marxiste et social-démocrate et qui, à chaque élection, rejoue la comédie de l’union des gauches dans une parodie d’affrontement droite/gauche. La droite « classique », dans la supercherie de la bipolarisation, joue elle un jeu encore plus tordu en racolant les voix de « l’extrême droite », tout en préparant ses alliances au centre gauche.

Vers une remise en cause du système majoritaire ?

Jusqu’où cette construction politique à la fois figée, malsaine et dépassée peut-elle tenir ? Elle arrive probablement à terme car il est difficile d’imaginer que la défaite de l’une des deux familles dominantes (UMP et PS) n’entraine pas désormais une remise en cause du système majoritaire.

Une nouvelle défaite présidentielle de la gauche placerait le PS en situation de tension extrême face au Front de gauche et devrait provoquer la fracture depuis si longtemps repoussée entre la gauche mythologiquement révolutionnaire et la gauche réformiste ou sociale-démocrate.

De l’autre côté, si la droite perdait ces élections, les forces centrifuges devraient « naturellement » séparer les courants de la droite qui se qualifie de « populaire » de ceux qui pourraient, sans problème, rejoindre une gauche recentrée sur un projet social-démocrate et européiste.(…)

Si cet éclatement des deux forces dominantes se produit – et il suffirait à notre avis, qu’une seul d’entre elle se fractionne pour que l’autre soit dans la foulée poussée à se recomposer également face à la possibilité offerte de nouvelles alliances vers les centres – la question se pose alors de savoir si la recomposition de la vie politique nationale se fera à partir d’un bloc de droite reconstruit sur sa droite (en clair par un rapprochement avec le Front National), ou bien à partir d’un centre gauche recomposé sur la base d’un PS recentré qui recouvre l’ensemble des centres repoussé sur la gauche par la droitisation de la droite ?

Autre question subsidiaire, qui satellisera qui ? A droite, le Front National la droite « populaire », ou l’inverse, et à gauche le PS les centres, ou le contraire ?

Difficile à dire en l’état, mais quel que soit le scénario gagnant, il traduira de fait un déplacement sur la droite de la vie politique française. Le PS recentré, mené par une personnalité habile (Hollande ?), pourrait éventuellement s’imposer comme une force majoritaire dans l’hypothèse d’une recomposition par le centre gauche, en marginalisant la gauche extrême. Nous retrouvons le scénario Strauss-Kahnien [voir le texte intégral de l’article]. Mais, de fait, il enterrerait l’héritage Mitterrandien et plus de quarante ans d’une construction politique fondée sur l’union mythique de toutes les gauches. La rupture électorale entérinerait alors une fracture idéologique qui hante la famille de gauche depuis la fin de l’ère Mitterrand, qui attend en vain son Tony Blair.

De l’autre côté la droite affaiblie par son long bras de fer avec le Front National, devrait logiquement difficilement échapper à la satellisation de son aile droit par le Front National qui apparaîtrait face à la défaite et ses suites, comme l’élément vainqueur, le point de référence d’un discours de droite musclé et constant. (…)

Qui occupera la position centrale sur l’échiquier politique ?

L’axe majeur du combat politique ne se situerait plus alors dans un affrontement largement factice entre le PS et l’UMP, mais entre une gauche reconstruite à partir d’un PS recentré, ou d’un centre élargi à une gauche recentrée, et une droite radicalisée refondée à partir d’un Front National élargi.

On peut logiquement supposer que Marine Le Pen a la volonté et la capacité politique à conduire ce scénario de désenclavement du Front National. L’hypothèse inverse d’une satellisation du Front National par une droite UMP radicalisée paraît peu probable.

L’UMP apparait aujourd’hui bien fragile face à sa diversité idéologique pour mener une telle opération dans une situation de crise engendrée par une défaite, alors que dans ces temps de domination écrasante elle n’a jamais voulu, ni su, [ni pu ?] trouver son Mitterrand pour briser le tabou du cordon sanitaire et sceller des alliances ponctuelles, sur le mode de « l’Union de la droite », pour au moins gagner les batailles électorales.

Gauche recentrée contre droite radicalisée ?

(…)L’affrontement politique majoritaire devrait logiquement se polariser entre une gauche recentrée élargie jusqu’au centre droit et une droite radicalisée portée par le Front National, chacun des deux blocs pouvant regrouper entre 30 et 40% de l’électorat. Autrement dit, la recomposition se fera-t-elle par les centres sur un tropisme de gauche, avec un large bloc central qui, de part et d’autre, marginaliserait les « extrêmes » ? Ou bien se fera-telle à partir des droites, avec un bloc « droitiste » puissant (jusqu’à 40% ?), qui s’opposerait alors prioritairement à un bloc des centres poussé vers la gauche, sur la base d’une bipolarisation recomposée sur des fondements idéologiques plus conformes à la sociologie politique du pays. La gauche radicale continuant d’exister comme une force de contestation sociale et sociétale éloignée du pouvoir. (…)

La droitisation de la société française

Pour autant, si, pour conclure, nous nous replaçons dans la logique d’une droitisation de la société française que nous avons mise en exergue tout au long de notre exposé, il est logique de penser que la recomposition politique à venir (si elle se confirmait ?), devrait se faire sur la base d’un puissant bloc des droites. Plusieurs raisons pousseraient à cette conclusion.

L’enjeu économique tout d’abord. La sous-évaluation des effets de la crise et la prise en compte insuffisante de ses mécanismes dans le programme du candidat socialiste conduiront inéluctablement à une convulsion rapide et, dans la foulée, à une politique d’austérité qui frappera les couches les plus modestes et les classes moyennes. La gauche par la force des choses conduira une politique économique contraire à ses engagements et s’aliénera alors une part importante de ses soutiens populaires. L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais les échecs, puis les reniements de la gauche au début des années 80, avaient regonflé la droite et permis l’émergence du Front National. Comment s’exprimerait aujourd’hui ce sentiment latent de contestation et de radicalité que les études d’opinion font cohabiter avec la vision légaliste, apaisée et consensuelle des français ?

L’immigration : le grand déni de Mélenchon

A qui profiteront prioritairement le désamour, voire la révolte du peuple, à une droite remusclée, ou à une gauche radicale conduite par un Mélenchon euphorique ? Ce dernier ne se voit-il pas « au pouvoir avant 10 ans », comme il vient de l’affirmer [Marseille, le 19 avril 2012]. Certes, le Front de Gauche pourra rejouer la pantomime de la révolution sociale en agitant les mannes de la Révolution, de la Commune ou du Front populaire, mais elle ne rassemblera pas les Français sur un projet révolutionnaire et on l’imagine mal prendre le pouvoir par la force. Le mythe révolutionnaire est mort, et la France est, comme tous les pays développés, un pays de classes moyennes qui aspirent au bien-être et à la sécurité. Mais aussi, Mélenchon, et les dirigeants de la gauche radicale et ceux de l’ensemble des gauches avec lui, est l’apôtre d’une France ouverte à l’immigration, une France sans frontière, vouée «à la gloire du métissage et au bonheur d’être mélangés », comme il l’a emphatiquement proclamé à Marseille. Il bute là sur un déni du réel qui le coupe irrémédiablement de la majorité des classes populaires. Ce déni, plus que les finasseries de Mitterrand, ont coûté la perte de son électorat ouvrier au PC, et, coûté également cher au NPA de Besancenot, le jour où, dans une élection locale, il a exhibé une candidate voilée.

La question de l’immigration et de l’identité : nouveau clivage pour une nouvelle donne politique

Grand oubliée de la campagne électorale, la question de l’immigration et de l’identité de la France hante la conscience nationale comme un chancre qui la dévore de l’intérieur. Interdite du débat public par l’idéologie qui anime les castes dirigeantes qui dominent le pays, et au-delà l’Europe, elle agit comme une force négative. Les rapports de force actuels ne permettent pas (pas encore ?) de fédérer sur ces thèmes de vastes courants d’opinion susceptibles de bouleverser les équilibres politiques, mais le refoulement de cette question affaiblit les forces politiques qui nient sa dimension dramatique ou, comme Mélenchon, la magnifie comme une chance historique : créer enfin la République universelle des droits de l’Homme et de l’égalité sociale ! Cet ersatz d’utopie, censée remplacer celle du Grand soir, peut encore exercer une grande violence morale qui effraie, mais ne peut servir de projet politique fédérateur. Elle limite irrémédiablement la capacité de conquête politique de la gauche qui triomphe d’abord des faiblesses de la droite à assumer les problématiques sécuritaires et identitaires.

Or, la recomposition des forces politiques sur les schémas que nous avons analysés devraient permettre à une droite regonflée et plus compacte de placer enfin ces questions au centre du débat public pour affronter une gauche fragmentée. Plus exactement même, la question de l’identité nationale, c’est-à-dire celle de la nation, de sa nature et de son avenir, devrai s’imposer comme la pierre angulaire d’un nouveau clivage politique qui dépasserait le vieux clivage gauche/droite.

Qui franchira le Rubicon du politiquement correct ?

Mais encore faut-il pour que cette recomposition ait lieu, que les personnalités concernées soient à la hauteur des enjeux historiques ! La droite traditionnelle trouvera-t-elle la ou les figures qui lui feront franchir le Rubicond du politiquement correct pour réaliser, enfin, cette alliance de toutes les droites qui devraient sociologiquement gouverner le pays depuis plus de 20 ans, au risque sinon de se perdre définitivement ? Sera-t-elle capable de mener à bien une synthèse des dimensions nationales, européennes, sociales et populaires, sur le modèle gaullien ? Rien n’est encore joué, mais Nietzsche n’affirmait-il pas que « l’histoire toujours finie par accoucher de ce qu’elle porte dans ses flancs !»

Didier Beauregard
16/04/2012

Voir l’intégralité de l’article de Didier Beauregard sur Riposte laïque. Les intertitres et les crochets sont de Polémia.

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