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« Présent ! », un rite martial et militant

« Présent ! », un rite martial et militant

par | 7 août 2025 | Médiathèque, Société

« Présent ! », un rite martial et militant

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Le 9 mai 1994, le GUD organisa, à l’occasion du 40e anniversaire du débarquement américain sur les plages de Normandie, une manifestation au titre pour le moins provocateur : « Bienvenue aux ennemis de l’Europe ». La manifestation fut interdite et le préfet de police mit en place un dispositif répressif exceptionnel : nasse autour de la place Denfert-Rochereau et tentative d’interpellation musclée des manifestants tentant d’y échapper. Poursuivi sur près de 2 km jusque sur les toits, l’un d’entre eux, Sébastien Deyzieu, fut retrouvé mort au pied d’un immeuble. Cela donne lieu chaque année à une manifestation silencieuse derrière une grande banderole : « Sébastien présent ». Dans son livre Présent — Histoire, pratique et signification d’un rite militant (Éditions du Paillon, 88 pages, 15 euros), l’essayiste italien Tony Fabrizio s’intéresse à l’histoire, à la pratique et au sens de cette « tradition martiale et militante liant la galaxie nationale-révolutionnaire au souvenir de ceux qui tombèrent dans ses propres rangs ». Notre chroniqueur Johan Hardoy a fait une lecture critique de cette page d’histoire pour nos lecteurs.
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Le sens de la mort chez les fascistes

Curzio Malaparte, dans son roman La peau, raconte l’exécution de jeunes francs-tireurs florentins par des partisans. L’écrivain « exprime de façon tout à fait claire ce que signifie “mourir en fasciste” » : « En raillant le bourreau et la mort elle-même. »

Il existe ainsi une conception fasciste de la mort, comme en témoignent le cri de ralliement « Viva la muerte ! » du général de la Légion espagnole José Millán-Astray y Terreros ou les paroles de l’hymne de la Phalange (« Si l’on te dit que je suis tombé, c’est que je m’en suis allé en ce lieu là-bas fait pour moi »).

Tony Fabrizio songe également avec émotion à la mort de Robert Brasillach, « jeune poète assassiné pour ses idées » (il y a peu encore, prononcer son nom en Italie « équivalait à se faire repérer »), ainsi qu’à des figures célèbres mortes par suicide comme Arthur Moeller van den Bruck, Pierre Drieu La Rochelle, Yukio Mishima ou Henry de Montherlant.

« Même dans le cas où la mort surviendrait de façon naturelle, cela ne changerait en rien la manière de l’appréhender : “La vivre” avec dignité, sérieux et sans aucun narcissisme est, en effet, un impératif catégorique. »

Un mort toujours présent

Dans Ainsi parlait Zarathoustra, Friedrich Nietzsche évoque « la mort qui devient pour les vivants incitation et promesse ».

En rendant hommage à l’étudiant en philosophie et militant nationaliste Carlo Falvella, assassiné par des anarchistes durant les « années de plomb » italiennes, Tony Fabrizio considère que « ce jeune Salernitain a, par sa vie — ou plutôt, par sa mort — pleinement incarné la pensée du philosophe allemand. […] Il s’est élevé jusqu’à l’Olympe des héros, entre exemple pour autrui et promesses (de réalisation) de ce en quoi il croyait ».

En 1972, une foule d’environ dix mille personnes a assisté à ses funérailles.

Cinquante ans plus tard, à Salerne, « un cortège immense de jeunes, de personnes d’âge moyen, de vieux sympathisants et de militants retraités, d’hommes et de femmes, de garçons et de filles marche au rythme d’un seul tambour » afin de l’honorer dans le silence. En tête du défilé, une banderole rouge ornée d’une roue solaire mentionne en lettres majuscules blanches « Carlo Falvella presente ».

La sacralité du cérémonial

Le rite du « Présent ! », que Tony Fabrizio décrit de façon lyrique, est effectué avec gravité par une communauté de militants soudés dans « une atmosphère sublime et parfois irréelle, quasi-épique, lorsque le chef d’escouade ou le camarade le plus ancien invite les participants à se mettre au garde-à-vous, puis appelle le disparu « qui demeure désormais dans l’Olympe des héros ». « Et tous, d’une seule voix, crient un tonitruant “Présent !”. »

« Ensuite, au moment du “Camarades, vous êtes libres”, il est même difficile de revenir à la réalité, de se plonger à nouveau dans le tourbillon du quotidien. »

L’auteur ressent ce rituel comme « une véritable broderie de l’esprit, qui part de la tête et s’en vient toucher l’âme, celle des autres en premier lieu, destinataire directe de l’exemple d’abord incarné puis transmis ».

Selon le professeur de droit Augusto Sinagra, « ce sont les voix de tous ces disparus, rebelles, révolutionnaires, camarades et héros des temps passés qui nous appellent silencieusement avec la force du “Présent !”. Pour que l’antique chaîne qui nous relie à nos ancêtres ne s’interrompe pas et que ce monde ne s’abîme pas définitivement dans celui de l’anti-tradition, sans plus aucune racine ni valeur, mais comptable seulement de données digitales et de discussions en ligne ».

Le journaliste et militant national-révolutionnaire italien Adriano Scianca précise que, durant la période fasciste, « l’appel à la présence des disparus, l’idée que les camarades morts marchassent encore aux côtés des vivants, n’était pas rhétorique. Au contraire, c’était quelque chose perçu comme étant réel et donnait même une plus grande vitalité à ceux qui étaient encore en vie ».

Ce rituel propre aux mouvements fascistes est parfois admiré par des adversaires politiques. Dans son livre Les Rouges et les Noirs, Marco Palladini, ex-membre d’Avant-Garde Ouvrière, écrit que « la religion de la mort de la droite fasciste garantissait à ses militants un sens impérissable de fidélité, de pacte sacré passé par ses camarades de lutte, un sens de l’éternité au nom de l’Honneur. Nous autres de la gauche matérialiste, nous n’avons jamais rien eu, même lointainement, d’équivalent ». De son propre aveu, cette « incapacité à savoir rendre un culte aux morts » lui a fait prendre conscience, bien des années plus tard, à la façon dont « la gauche marxiste, à la grande honte de son auto-dopage idéologique, a réellement été un horrible véhicule et un virus infectieux de pur nihilisme ».

Johan Hardoy
07/08/2025

Johan Hardoy

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