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Manifeste pour le post-humanisme

Manifeste pour le post-humanisme

Jean-Paul Baquiast, ENA, ancien haut fonctionnaire avec une carrière administrative au ministère de l’Economie et des Finances.

♦ Le hasard ou les coïncidences sont parfois troublants.

Au moment même où nous mettions en ligne l’article précédent  Prise de Palmyre par l’Etat islamique : pourquoi une telle inaction de la coalition , nous recevions de Jean-Paul Baquiast le texte que nous présentons ci-après. Les événements actuels du Moyen-Orient lui suggèrent quelques réflexions d’ordre philosophique sur le devenir de notre société qui devrait se fondre dans un post-humanisme qu’il faut dès maintenant préparer. Il y aura à redéfinir ses valeurs destinées à remplacer l’actuel humanisme dévoyé et surtout à créer des associations ou clubs permettant d’en débattre.

« Si en vertu d’une philosophie humaniste qui par ailleurs nous fait honneur, nous refusons de considérer que tous ces tueurs n’appartiennent pas à l’humanité, nous devons pour notre part nous résoudre à considérer que nous ne voulons plus appartenir à cette même humanité. »


Lorsque l’on voit comment certains humains se comportent, d’une façon se situant en deçà de la bestialité, car même les espèces animales réputées les plus cruelles se l’interdisent, on est conduit à s’interroger sur les motifs par lesquels notre société européenne continue à voir en eux des humains, plutôt que des sous-humains déshonorant l’humanité toute entière.

Les exemples de comportements que nous ne dirons pas bestiaux, mais inhumains, n’ont pas manqué au cours de l’histoire. Mais aujourd’hui ils se multiplient à nos portes, entrainant des vocations chez certains de ceux qui chez nous abritent leur fanatisme derrière les libertés permises par notre civilisation. Ces comportements inhumains sont partout. Citons aujourd’hui les conflits entre chiites et sunnites au Moyen-Orient, conduisant des bandes de tueurs à s’entretuer, tout en égorgeant les populations civiles qui veulent rester en paix. Citons aussi le cas, évoqué dans un article précédent, des monarques du Golfe, riches à milliards du fait que nous continuons à leur acheter un pétrole qu’ils ne seraient même pas capables d’extraire par eux-mêmes, et qui exécutent dans des conditions atroces des personnes condamnées pour des « crimes » parfaitement anodins. Ces rois et princes n’ont même pas l’excuse de la pauvreté qui pour certains militants des droits de l’homme justifierait les massacres tribaux dans le monde.

Si en vertu d’une philosophie humaniste qui par ailleurs nous fait honneur, nous refusons de considérer que tous ces tueurs n’appartiennent pas à l’humanité, nous devons pour notre part nous résoudre à considérer que nous ne voulons plus appartenir à cette même humanité. Autrement dit qu’il n’est que temps pour nous de mettre en pratique un post-humanisme dont les futurologues parlent beaucoup mais dont personne n’a encore accepté à ce jour de jeter les bases.

Autrement dit, comme cela a été fait pour les grandes réformes qui ont ennobli l’Europe depuis l’époque des Lumières, droits de la femme, droits politiques et sociaux, droits du travail, nous devons sans attendre mettre en place des actions syndicales et politiques proposant aux citoyens les valeurs d’un post-humanisme destiné à remplacer un humanisme dévoyé, et mener les luttes sociales et scientifiques permettant de les préciser et les faire reconnaître. Je sais bien que l’Europe a été à la source des pires crimes de l’humanité. Mais aujourd’hui elle en semble guérie. A nous de faire en sorte que cela demeure.

Valeurs post-humanistes

Il n’est pas nécessaire ici de proposer une liste de telles valeurs. Nous venons d’en jeter les bases. Il faudra par contre, dans le cadre d’investissements coûteux et de discussions nombreuses, préciser comment les citoyens ralliés à un tel post-humanisme pourront décider collectivement du contenu de ces valeurs, comment aussi ils pourront entreprendre les démarches, non exclusives de sacrifices, permettant d’y accéder.

Mais la question clef posée aux futurs post-humains sera de savoir comment se comporter vis-à-vis des humains et sous-humains, qui continueront à combattre les armes à la main de telles valeurs post-humaines, et les militants qui s’y investissent. On retrouve la vieille question consistant à savoir comment combattre dans le cadre d’institutions démocratiques ceux qui refusent de telles institutions.

Que l’on ne nous fasse pas non plus valoir que les défenseurs européens des valeurs humanistes se satisfont fort bien d’une exploitation capitaliste jetant des milliards d’humains dans la misère et souvent le crime. L’argument est exact, mais parmi les valeurs du post-humanisme devra figurer en premier lieu la lutte contre des intérêts économiques et financiers prenant le monde en otage. Ceci dit, il ne faut pas se faire d’illusions. Le post-humanisme tel que défini ici suscitera de telles oppositions violentes qu’il sera bien obligé de se défendre, en partie, avec les armes de ses adversaires.

A plus long terme cependant, on peut admettre que les valeurs post-humaines auront suffisamment de forces pour s’étendre au monde entier, à condition d’être diffusées aussi largement que possible. C’est bien ce qui s’est passé en Europe, laquelle a exclu la peine de mort et où les femmes ont pu non sans combats obtenir des droits se rapprochant de ceux des hommes. C’est également en Europe que la science naturaliste (matérialiste) a pu s’imposer dans la description de l’univers tel que nous le percevons, plutôt que le recours à des explications religieuses auxquelles se réfèrent encore les neuf dixièmes de l’humanité.

Concrètement, ici, nous ne pouvons pas ici entreprendre une défense et une illustration convenablement argumentées de ce que pourrait être le post-humanisme. Nous pouvons par contre proposer que se créent en France et dans l’Union européenne des associations et clubs permettant d’en débattre.

A toute grande œuvre il faut un début.

Jean-Paul Baquiast
21/05/2015

Correspondance Polémia – 21/05/2015

Image : Théâtre de Palmyre

 

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