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Le grand bobard de la défense des « valeurs »

Le grand bobard de la défense des « valeurs »

Michel Geoffroy, essayiste, contributeur régulier de Polémia…

♦ Depuis les marches du 11 janvier, suite aux attentats terroristes qui ont touché la France, il paraît que soufflerait un grand esprit sur notre pays : celui « du 11 janvier », comme dit le président de la République. Et ce grand esprit nous inviterait à défendre « nos valeurs » menacées par les extrémistes fachos-islamistes notamment.

On ne reviendra pas évidemment sur la manœuvre politicienne qui se cache maladroitement derrière cette mobilisation dite « républicaine ».
L’escroquerie est plus profonde encore.

Car nous faire croire que la promotion de ces « valeurs » ferait reculer l’islamisme procède d’une grave erreur d’analyse.

En réalité, il n’y a plus aucun consensus sur ces « valeurs » : ni au plan mondial, ni même en Europe. Ces valeurs n’apportent donc pas la paix, au contraire : elles provoquent la dissension et la guerre partout, comme la nuée porte l’orage.

A bas ces « valeurs » !


D’abord ces « valeurs » ne sont pas universelles : elles sont désormais marginalisées à l’échelle du monde.

L’oligarchie cosmopolite fait toujours référence à l’humanité ou à la planète pour faire croire qu’elle domine tout. Encore un bobard !

En réalité, seuls les pays occidentaux – c’est-à-dire ceux soumis au diktat idéologique, culturel, économique et militaire américain – sont tenus de croire à ces prétendues « valeurs ».

Il n’y a qu’en Occident qu’on nous oblige à croire, par exemple, que les femmes sont des hommes comme les autres, que les homosexuels doivent se marier devant Monsieur le Maire, que l’avortement est un droit, que les étrangers sont chez nous chez eux, qu’une famille peut être « monoparentale », que la religion n’est qu’une affaire privée, que la drogue doit être en vente libre, que les enfants turbulents ne doivent pas recevoir de fessée ou qu’on doit abandonner ses vieux parents à la « sédation profonde ».

Et il faut croire « correctement » à ces valeurs : sinon gare ! Gare aux juges, aux ligues de vertu, aux procureurs médiatiques et bientôt aux « actions de groupe » !

Mais on ne doit pas oublier pour autant que l’Occident constitue désormais une part déclinante de la population mondiale.

En d’autres termes ces « valeurs » bizarres sont condamnées par la démographie mondiale.

Le reste du monde ne veut pas de nos « valeurs » décadentes.

On continue de nous faire croire, pour nous flatter, que nous serions toujours l’avant-garde du genre humain et que, bien sûr, bientôt, le monde entier adhérera à ces sympathiques « valeurs », de gré ou de (l’US AIR)force.

Mais on nous trompe car nous ne sommes plus au XIXe siècle : les papys et les mamies occidentaux n’incarnent plus l’avenir du genre humain : ils représentent seulement désormais une impasse civilisationnelle.

Partout dans le monde les peuples et les civilisations résistent à la prétention occidentale de leur imposer sa définition du Bien.

Les médias de propagande nous mentent encore en mettant l’accent périodiquement sur les révoltes sporadiques que l’on nous présente comme une adhésion croissante aux valeurs occidentales : qu’il s’agisse de manifestations de dissidence politique ou culturelle en Chine, à Hong Kong ou en Iran, ou bien encore des « printemps » arabes.

Mais ces mouvements – en admettant qu’ils ne soient pas téléguidés par ces mêmes Occidentaux – ne changent pas la réalité des rapports entre les civilisations. Ils ne restent qu’à la surface des choses.

Le jeans ou le tchador ?

Certains Occidentaux affirmaient dans les années 1980, pour se rassurer, que le jeans allait supplanter le tchador. Il n’en a rien été car on peut très bien porter les deux ensemble.

Il ne faut pas confondre, en effet, la diffusion mondiale des techniques et des modes de vie occidentaux – qui caractérise la mondialisation au XXIe siècle – avec l’adhésion mondiale aux valeurs occidentales. Il s’agit d’une illusion typiquement anglo-saxonne et une idée de marchand que de croire que la vente des produits permettrait toujours de convertir les autres à ses idées. Le monde ne fonctionne heureusement pas comme cela.

Hier les Européens ont adopté la poudre et la boussole chinoises, sans pour autant devenir mandarins. Aujourd’hui la civilisation chinoise et l’Islam (*) apportent la preuve que l’on peut très bien utiliser la technique occidentale sans pour autant adhérer à son idéologie. Et si l’Inde est la plus grande démocratie du monde par la démographie, il n’en reste pas moins que cette civilisation diffère profondément de la nôtre.

Même les armes occidentales sont impuissantes.

Mais il y a encore plus grave. On nous cache en effet que même les armes occidentales (les fameuses « frappes » plus ou moins « chirurgicales » dont se régalent les médias) sont désormais impuissantes à imposer la pax occidentalis de par le monde. Car elles ont été conçues pour une confrontation Est-Ouest qui ne correspond plus aux rapports de force du XXIe siècle.

Les médias occidentaux font tous leurs efforts pour nous cacher que les échecs se multiplient : Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, Mali, etc.

Car toutes ces « opérations de maintien de la paix » ou de « lutte contre le terrorisme » débouchent sur un scénario invariable : guerres de moins en moins asymétriques à mesure que les « rebelles » ou « terroristes » contre lesquels on lutte s’arment de plus en plus efficacement et n’ont pas peur de mourir, à la différence des armées de métier des coalitions occidentales :

  • Rebelles qui vivent comme des poissons dans l’eau dans la population locale, à la différence des mercenaires occidentaux terrés dans leurs blindés ou leurs camps retranchés ;
  • Gouvernements fantoches maintenus sous perfusion par les Occidentaux et les organisations occidentales, qui s’effondrent dès le départ des troupes d’occupation.
  • Développement du chaos et des guerres civiles ensuite.
  • Situation critique des chrétiens dans ces pays après le passage des « libérateurs » occidentaux.

Nous sommes bien loin du temps où une simple canonnière ou un régiment de la Légion étrangère ou de Highlanders suffisaient à pacifier de vastes territoires !

Le choc des civilisations, mais en direct chez nous.

En d’autres termes, la prétention occidentale à imposer ses lubies idéologiques se heurte de plus en plus durement à ceux qui défendent d’autres valeurs.

Ce heurt – qui correspond parfaitement au choc des civilisations qu’évoquait Samuel Huntington – est tout à fait nouveau, puisque depuis le XVIIIe siècle l’Occident vivait dans l’habitude confortable de dominer sans partage, même si ce n’était pas sans effort. Les Occidentaux se sont ainsi habitués à un monde unipolaire – le leur – et à tenir pour quantité négligeable les autres civilisations. Fatale erreur de perspective puisqu’au XXIe siècle, précisément, ces autres civilisations redeviennent des acteurs de premier plan ! Et le djihadisme ajoute une dimension nouvelle dans la mesure où il importe le choc des civilisations sur le territoire des pays occidentaux eux-mêmes.

C’est notamment un très dur réveil pour les Anglo-Saxons qui n’ont pas connu de guerre autre que civile sur leur sol, à la différence des Européens continentaux – et aussi une belle « ruse de l’histoire », comme aurait pu écrire Hegel, puisque l’islamisme en Occident prospère grâce à l’abolition des frontières, que l’oligarchie n’a cessé d’encourager.

Sur ce plan, et contrairement à la doxa officielle, le djihadisme n’est pas qu’une réaction contre des caricatures parues dans des journaux danois ou français et « une attaque contre la liberté d’expression », ou bien la conséquence d’un mauvais « vivre ensemble », fruit d’une « intégration » déficiente ou de l’Internet.

Il focalise une nouvelle étape du choc des civilisations et de la contestation grandissante de la prétention occidentale à imposer partout son idéologie : c’est-à-dire de vouloir injecter à la terre entière sa propre corruption.

Des « valeurs » contestées en Europe même.

On ne saurait oublier, en outre, que les « valeurs » occidentales sont de plus en plus contestées par les Européens eux-mêmes. Pour la raison qu’elles apparaissent pour ce qu’elles sont : les symptômes d’une maladie de la civilisation, de notre civilisation en l’occurrence.

C’est notamment ce qu’a révélé en France la loi Taubira sur le « mariage pour tous », ou bien encore la tentative d’introduction de la théorie du genre à l’école, qui ont mis brusquement en perspective les attaques permanentes conduites contre l’institution familiale par l’oligarchie : attaques que les familles d’origine immigrée supportent encore plus mal que les autres, d’ailleurs.

L’oligarchie dépeint cette contestation sous le nom de « populisme ». On ne saurait mieux dire que cette contestation monte des profondeurs des peuples européens.

Les « valeurs » de l’oligarchie n’ont plus rien à voir avec la République.

Les valeurs pour lesquelles on nous somme de « résister » (cf Marianne de la semaine 8) n’ont plus rien à voir avec celles de nos pères, ni avec celle des républicains du XVIIIe. Telle est l’autre escroquerie de ceux qui invoquent la République à tout bout de champ.

Les républicains du XVIIIe, beaucoup plus imprégnés d’histoire romaine que d’idéologie des Lumières, croyaient à la citoyenneté, à la souveraineté de la nation et à la patrie. Les oligarques cyniques qui nous parlent aujourd’hui de « valeurs républicaines » conchient la nation, méprisent le peuple français et se rêvent anglais ou citoyens du monde.

Les républicains du XVIIIe croyaient à la vertu des citoyens et non pas à l’idée saugrenue (c’est-à-dire libérale) que l’on pourrait fonder une société durable sur le vice et l’égoïsme individuel. Il est pour le moins curieux, en effet, de voir l’oligarchie nous parler en toute occasion de « valeurs » alors qu’au quotidien elle n’en reconnaît qu’une : la suprématie de son intérêt personnel et de son intérêt de classe.

On ne défend pas les « valeurs » ni la République, mais seulement le pouvoir et les prébendes de l’oligarchie.

Derrière l’écran des « valeurs de la République » on nous requiert en réalité de nous mobiliser une nouvelle fois :

  • pour la défense du pouvoir et des prébendes de l’oligarchie, c’est-à-dire pour l’individualisme destructeur de toute société… mais producteur de grands profits pour le marché ;
  • pour la défense du droit de caricaturer toutes les religions… mais à la condition qu’elle soit surtout catholique ;
  • pour la défense de la liberté d’expression… mais à la condition qu’elle soit conforme à ce qu’autorise l’oligarchie ;
  • pour la défense de la création artistique… mais à la condition qu’elle soit moderne et non figurative ;
  • pour la défense du droit des minorités… mais à la condition de piétiner celui de la majorité de la population.

En d’autres termes, on nous demande de nous mobiliser en faveur de ce qui nourrit notre déclin. Non merci !

Bienvenue dans le XXIe siècle, les marcheurs !

Les braves gens se sont crus obligés de descendre dans la rue le 11 janvier, à l’appel des médias de propagande, pour manifester leur sympathie avec les victimes des attentats. Dont acte.

Mais ils croyaient sans doute aussi que, ce faisant, tout allait pouvoir continuer comme avant – et qu’ils pourraient paisiblement laisser leur civilisation sombrer, en regardant Michel Drucker à la télé et en votant pour l’UMPS.

Les djihadistes viennent pourtant de leur démontrer que leur décadence, comme la mondialisation, ne serait pas heureuse.

Bienvenue dans le XXIe siècle , les marcheurs !

 Michel Geoffroy
5/03/2015

Note :
(*) Donc quand même la majorité de la population mondiale !

Correspondance Polémia – 7/03/2015

Image : Un conseil des ministres à Matignon : « Esprit du 11 janvier es-tu là ? »

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