Entre menace de guerre et alerte météo, le discours médiatique oscille sans cohérence. En quelques jours, la Russie est passée au second plan derrière la neige et le froid. Le principe de précaution devient à géométrie variable. Ce texte de Pierre Boisguilbert analyse cette volte-face.
Polémia
Du bellicisme militaire à la panique climatique
La semaine passée aura été médiatiquement divertissante. On est passé, en deux jours, du bellicisme fou au principe de précaution ridicule. Tout d’abord, il y a eu les propos du chef d’État-major des armées. Selon le général Fabien Mandon, le pays doit se préparer à perdre des soldats dans de futures guerres — il regarde du côté de la Russie bien sûr — comme il l’a répété mardi 18 novembre devant le Congrès des maires de France. Lorsqu’il a dit « perdre nos enfants » plutôt que « perdre des soldats de métier », cette maladresse verbale a entraîné inquiétudes et réactions négatives.
Mais sur le fond, sur presque tous les plateaux, les ex-généraux devenus commentateurs sont venus à son secours et ont renchéri dans un discours belliciste, alors même que les USA, eux, proposaient un plan de paix. Celui qui a pris la tête des armées début septembre dernier avait assuré le 22 octobre, devant les députés de la commission de la Défense, que la France devait être « prête à un choc dans trois, quatre ans » face à la Russie. Pour le militaire, il ne fait aucun doute que l’armée russe pourrait « être tentée de poursuivre la guerre sur notre continent ».
Une rhétorique guerrière en roue libre
Le même jour, RTL recevait le général Pierre Schill, chef d’État-major de l’armée de terre, lui aussi alarmiste sur la possibilité d’un conflit entre la France, ses alliés et la Russie. On a bien compris : l’Ukraine serait les Sudètes avant la Pologne, et Poutine un Hitler slave. Mais l’histoire ne se répète pas, elle bafouille — et heureusement, des bafouilleurs, ce n’est pas ce qui manque dans les médias démocratiques et résistants. Quand on voit ces militaires et leurs propos péremptoires, on comprend mieux que la route du fer n’ait jamais été coupée et que le repli sur les positions préparées à l’avance se soit transformé en débâcle totale.
Le principe de précaution à géométrie variable
Mais on a été un peu rassurés deux jours plus tard, quand tous les médias se sont mobilisés pour nous expliquer que, par neige et froid, il ne fallait pas sortir de chez soi. En ce novembre 2025, le réchauffement climatique est en pause. Il a fait froid comme il y a quinze ans. Plus de guerre sur les plateaux, mais des conseils : restez chez vous, ne conduisez pas, ne prenez pas froid. N’allons pas en Russie, donc, quand on ne peut déjà pas aller au supermarché du coin.
On en tire donc la conclusion que l’on fera la guerre à la Russie, certes, mais uniquement par beau temps. Comme la Russie est un pays où il ne fait pas chaud et où il y a de la neige — en Ukraine aussi d’ailleurs — on attendra donc la confirmation du réchauffement climatique pour aller donner une petite leçon bien méritée au tyran de Moscou.
Comment se fait-il que le principe de précaution soit le moteur quasi permanent des journalistes du bien et des commentateurs idéologiquement sélectionnés, sauf pour la guerre avec la Russie ? Le seul qui doit s’exprimer sur le sujet, c’est bien sûr le chef de l’État, ou ce qu’il en reste, et non un chef d’État-major. Mais ce dernier a été le chef d’État-major particulier du président de la République avant de devenir celui des armées.
Un prétorien prêt à sacrifier les centurions…
Rome est toujours dans Rome, surtout dans celle de la décadence.
Pierre Boisguilbert
25/11/2025
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