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La droite face à l’impératif culturel

La droite face à l’impératif culturel

par | 13 juin 2022 | Politique, Société

Par Thierry De Cruzy, journaliste ♦ Comment la droite peut-elle gagner les élections quand tous les repères culturels – publicité, « valeurs » d’entreprise, éducation, médias – penchent du côté du wokisme ? Comment gagner les élections quand depuis 20 ans la fenêtre d’Overton est sans cesse déplacée du côté de la déconstruction progressiste ? Plus que jamais la question de la bataille culturelle se pose. Un chantier que la dernière élection présidentielle a remis au centre des interrogations des conservateurs et des identitaires. Voici un premier papier de Thierry De Cruzy sur ce sujet.
Polémia

 

 

Depuis son retour en 1984, la droite nationale s’est installée dans le paysage politique au point de devenir le « premier parti de France », pourtant elle a été incapable d’accéder au pouvoir ni d’empêcher les réformes sociétales ni même de ralentir le courant migratoire. Il n’y a aucune fatalité dans ces quatre décennies d’échecs politiques, puisqu’elle a déserté le terrain culturel.

L’évolution politique est celle des mentalités, elle impose de se placer dans le temps long. Dans l’affrontement organisé depuis la Révolution entre les révolutionnaires et les traditionnels (conservateurs, identitaires, populistes, réactionnaires…), les institutions ont été réglées au profit des premiers. Sous la Ve République, il faut attendre 1984 pour son retour, après l’arrivée de la Gauche. Il est aux portes du pouvoir à la fin des années 1990 sans concrétiser. A cette époque, sous prétexte de lutter contre la corruption, la République décide de financer les campagnes électorales, puis les partis politiques, transformant les élus et les permanents en fonctionnaires, particulièrement bien rémunérés. Quelle indépendance et quelle combativité peuvent avoir un parti politique financé par le gouvernement dont il est opposant ?

D’autre part, les électeurs consacrent très peu de temps à la politique. Ils ne connaissent que les personnalités médiatisées et les élus locaux qui ont une grosse présence sur le terrain. L’électeur ne s’intéresse qu’à ce que les intermédiaires lui disent des programmes. Ils n’ont qu’un emballage médiatique, une ambiance et rien de plus. Les quelques électeurs et militants concernés par la politique peuvent bien faire un travail de terrain ou d’argumentaire relationnel, ils auront toujours moins de présence et donc de poids que les médias qui répètent tous les jours les mêmes formules et entretiennent un climat politique contrôlé. Même quand les décisions politiques ou les circonstances économiques amènent des réactions populaires massives, les partis politiques comme les corps intermédiaires, tous financés par l’Etat, n’apportent jamais leur soutien. Les éventuels meneurs sont soudoyés.

 

Agir sur les repères culturels

 

Il ne faudrait pas croire que la reconquête du terrain médiatique est envisageable. Les médias papier sont en voie de disparition du fait de la concurrence des écrans, de la dégradation des services postaux et du désengagement de l’Etat envers les aides à la presse. La radio et la télévision résistent, tout en étant hors des moyens financiers de la dissidence et si le numérique règne, la censure cantonne à des audiences insuffisantes sinon marginales. Avec des votes induits par l’ambiance médiatique qu’il n’influence pas, l’opposant sert juste de faire valoir. Dans ce contexte, l’éventualité d’une alternance politique est infime. De plus en 2000, la réduction du mandat présidentiel à cinq ans a rendu plus difficile la présentation d’un projet politique et la reconnaissance de son candidat. Résultat : les campagnes électorales sont devenues des séances de marionnettes conduisant les opposants dans l’impasse. Les politiques n’agissent sur l’opinion publique que pendant les campagnes électorales et leur message est brouillé par la concurrence dans des échanges où les arguments ne sont plus que des invectives. L’électeur ne change pas d’opinion sur un débat qui sert plus à conforter ses choix antérieurs. Pour le convaincre, il faut agir en amont sur l’opinion publique, donc intervenir sur les repères culturels. Le temps d’antenne des politiques est contrôlé, celui des artistes est quasiment illimité. Ainsi l’action des politiques sur l’électorat est réduite, d’autant plus que les électeurs s’intéressent peu à la politique.

Répondre au rap ? État des lieux de la victoire culturelle d’une musique anti-française

Impératif du culturel

 

La culture a été abandonnée à la Gauche depuis des décennies. L’affaire de l’étudiante qui postulait à l’Opéra de Paris en mais 2022 et se voit écartée avec cette réflexion de la chargée du recrutement : « Le monde de la culture est de gauche, ne perdez pas votre temps à postuler ». La discrimination n’a plus besoin d’être formalisée, elle est devenue organique, passée dans les mœurs. Cette mainmise illustre l’abandon du terrain culturel par les traditionnels et l’impératif de la reconquête. Ainsi le préalable au combat politique se situe sur le terrain culturel.

Le projet n’est pas forcément démesuré. Certains domaines sont toujours des bastions traditionnels revendiqués, spécialement dans l’alimentation (viticulture et gastronomie). La culture fournit ces repères quotidiens aux populations (alimentation, habillement, musique, séries TV, cinéma, sport, enseignement…). L’objectif devrait être de démondialiser ces repères. Reporter le combat culturel après l’arrivé au pouvoir est illusoire, car ce combat est LE préalable.

 

Une technique psychique

 

Les grands rassemblements de populations sont rares et méritent d’être suivis. En dehors des funérailles d’Etat et de quelques grandes manifestations, les plus importantes sont les compétitions sportives et les concerts de musique. Inutile de se disperser, il faut intervenir sur le principal, celui qui crée l’ambiance ordinaire quotidienne. La technologie permet à chacun d’échapper à la réalité avec deux écouteurs, ou une sonorisation, et son programme musical, pour retrouver l’ambiance sonore rassurante vécue dans le liquide amniotique. Personne ne se pose la question de savoir pourquoi il a sélectionné ce qu’il écoute. En fait, la sélection s’opère généralement sans critère esthétique ni musical. En matière de musique, le psychisme est dépendant de la répétition et « les oreilles n’ont pas de paupières ». Une musique est mémorisée par son écoute à l’identique dans des circonstances propices (lieu, ambiance…). Un indicatif d’émission, un jingle publicitaire ou une chanson sont alors gravés dans le cerveau. Leur ancrage émotionnel devient un repère culturel. L’individu peut retrouver cette ambiance en réécoutant le morceau. C’est tout le secret de cette technique psychique permise par l’enregistrement. En interdisant l’accès aux médias pour les artistes dissidents, leurs compositions ne peuvent pas entrer dans le référentiel collectif. Ils sont condamnés à une marginalisation culturelle qui les empêche de toucher l’ensemble de la population.

Quand les sons et la musique permettent de contrôler les foules

 

Séduire par la musique pour gagner

 

Précurseur dès 1930 avec sa Fête de l’Huma, le Parti Communiste a utilisé la musique pour attirer du public. En ouvrant la scène à la pop culture anglo-saxonne, au début des années 1970, il vise tout spécialement la jeunesse. Suivant ce modèle, la Fête de la musique est créée en 1982, juste après l’arrivée de la Gauche au pouvoir, pour la première fois sous la Ve République. En juin 1985, l’échec économique du Programme commun est masqué par le lancement de SOS Racisme et un concert géant place de la Concorde. En France, tous les grands festivals de musique sont sous contrôle d’Etat. Tant que les chansons seront aux mains de ceux qui font l’opinion, la prise du pouvoir est illusoire, le résultat du dernier concours de l’Eurovision en est une illustration avec 200 millions de téléspectateurs pour le soutien à l’Ukraine, après la promotion de toutes les thématiques du globalisme (multi-phobes, antiracisme…).

Du temps où il organisait sa fête des BBR, le Front National n’a jamais pu ouvrir une véritable scène musicale. Son fondateur connaissait pourtant la question, lui qui avait créé une société d’édition musicale. En dehors de quelques artistes déjà marqués, aucun professionnel du showbiz ne pouvait s’y risquer, Daniel Guichard en a fait l’expérience, même un proscrit comme Jean-Pax n’osait plus. Les groupes de RIF qui ont pu s’y produire ont ensuite subi un lynchage médiatique allant jusqu’à l’attentat à la bombe, comme pour In Memoriam à Vitrolles en 1998. Vingt ans plus tard, la situation a empiré avec la censure des Brigandes sur internet et leur convocation par une commission de l’Assemblée nationale, pendant que le rap peut appeler au meurtre des bébés blancs et au viol quasi impunément.

Bilal Hassani ou les Brigandes, un choix de civilisation

La musique est un outil de communication. Toute scène, tout espace doit être investi par un programme visant à séduire n’importe quel auditeur potentiel. Les gardiens de la pensée unique le savent quand ils dénoncent les mairies de Fréjus, avec les groupes LSD et In Mémo, ou d’Hayange avec Les Forbans. Chaque occasion de faire entendre son référentiel musical doit être exploitée. Dans les manifestations de rues, il s’agit de séduire même l’adversaire. Ce devrait être d’autant plus facile que la musique ne véhicule pas d’idéologie et que l’Europe dispose des compositions les plus appréciées de la planète. Ses répertoires dépassent toutes les modes puisque, le Te Deum de Charpentier sert toujours de générique à l’Eurovision. La culture doit devenir le terrain d’action de ceux qui ont une perspective d’avenir. Les moyens mis en œuvre par la Gauche pour maintenir son emprise sur la culture devraient inciter les véritables opposants à entrer dans l’arène, faute de quoi l’alternance restera inaccessible.

Thierry De Cruzy
13/06/2022

Source : Correspondance Polémia

Crédit photo : Domaine public

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