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De la légitime défense à la justification de l’agression

De la légitime défense à la justification de l’agression

par | 17 septembre 2013 | Société

« Un accessit de la honte pour la famille de l’agresseur qui ose se produire devant les médias pour protester contre la non-incarcération de la seule vraie victime. »

L’affaire du bijoutier de Nice mis en examen pour meurtre est typique de la dérive de l’esprit public sous l’égide des droits de l’homme. J’ai écrit ailleurs (*) que ceux-ci conduisaient à considérer de façon captieuse à égalité l’agresseur et l’agressé, le voleur et le volé. Aussi, dans cet esprit, les magistrats contemporains se révèlent-ils non comme les premiers adversaires du crime en soi, mais à tout bout de champ comme les ennemis tatillons des gens braves qui ne se laissent pas faire.

Compte tenu de ce qui précède, on comprend que la famille du bijoutier ait été soulagée que leur parent n’ait pas été mis en détention provisoire. Mais, en pratique, l’assignation à résidence, humiliante, loin de sa boutique, doit gâcher la vie de cet homme et compromettre son commerce, sa tenue, voire sa revente. S’il est condamné – ce qui n’est pas absolument certain, les jurés d’assises n’ayant pas été formatés par l’École nationale de la magistrature –, le bijoutier malchanceux devra payer des dommages et intérêts à la famille du voyou abattu. Aucun doute : la justice fera tout pour rendre moralement et matériellement le plus pénible possible la retraite de cet homme de 67 ans… Un accessit de la honte pour la famille de l’agresseur qui ose se produire devant les médias pour protester contre la non-incarcération de la seule vraie victime. Qui gagnera, le syndicat des bijoutiers ou le syndicat du crime ?

Comment ruiner un honnête homme…

Il est clair que, derrière le procureur Bedos, la justice fera tout pour casser et ruiner le courageux petit commerçant de Nice. Il y a belle lurette que, sous l’influence d’une certaine vision du christianisme – celle récupérée par les droits de l’homme –, la légitime défense s’est fermée, en France, à la protection des biens au nom de la sauvegarde de la vie. Jadis, les juges français avaient une vision plus virile et discriminatoire de la légitime défense, comme l’illustre ce texte du XIXe siècle :

« Qu’on suppose un voleur, dérobant, dans le coffre-fort d’un négociant, les titres qui constituent la majeure partie de sa fortune … le mal sera irréparable, si le propriétaire ne parvient pas à blesser ou à tuer le voleur : il tire et tue ; n’en a-t-il pas le droit ? (…) aucun tribunal n’hésitera à déclarer que cet acte n’est pas imputable à son auteur, soit qu’il le considère comme justifié par la légitime défense, soit qu’on le considère plutôt comme imposé par une contrainte morale à laquelle l’agent n’a pu résister » (Précis de droit criminel, par R. Garraud, éditions L. Larose et Forcel, Paris, 1885 § 157).

D’ailleurs, dans les grands désordres historiques, ne trouve-t-on pas normal de faire tirer sur les pillards ? Les biens matériels ne sont donc pas si méprisables : tout le monde n’a pas une vocation de franciscain spirituel.

Ce que vaut une vie humaine : essence et action

Pour les droits de l’homme, toute vie vaut en soi toute autre vie. Cette conception est pernicieuse :  en saine philosophie virile, la vie de l’agresseur et voleur dans le feu de l’action ne vaut pas tripette. Aussi doit-on espérer que les jurés de Nice sauront résister aux pressions morales des magistrats et admettront que le droit de suite exercé, dans le feu de l’action, par le bijoutier était justifié.

Rappelons que si les incriminations doivent être soumises à l’interprétation stricte des textes, tel n’est pas le cas pour les faits justificatifs exonératoires. N’est-il pas choquant, en effet, de permettre au voleur violent et brandissant une arme létale d’être considéré, dès qu’il tourne les talons avec son butin, comme immunisé contre sa victime ? Comme si les deux protagonistes jouaient à chat perché : « Menacé, volé, battu, tu ne peux plus rien me faire maintenant, je suis perché ! Bisque-bisque rage ! » Absurde et odieux.

Éric Delcroix
17/09/2013

 (*) Le Théâtre de Satan, éditions de l’Æncre, 2002 et 2010.

Éric Delcroix

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