Accueil | Europe | Brexit : c’est l’immigration qui a fait la différence

Brexit : c’est l’immigration qui a fait la différence

Brexit : c’est l’immigration qui a fait la différence

par | 5 juillet 2016 | Europe, Politique

Jean-Baptiste Giraud, journaliste, écrivain, directeur de la rédaction d’Economie Matin

♦ Inutile de se voiler la face : c’est l’immigration, et rien d’autre, qui a fait pencher la balance en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Dans les derniers jours qui ont précédé le vote des Britanniques, certains commentateurs français s’étaient émus de la dernière campagne d’affichage de l’UKIP (United Kingdom Independence Party). Sur ses affiches, l’UKIP affirmait que les écoles britanniques étaient submergées, avec 25% d’élèves d’origine étrangère. Et nos commentateurs d’affirmer que même le Front national n’aurait jamais osé sortir de telles affiches en France !

La précédente campagne d’affichage de l’UKIP, plus sobre mais tout aussi explicite, montrait une colonne de migrants barrée des mots « Breaking Point » [point de rupture].


Bien entendu, l’UKIP n’a pas emporté le morceau seul, en faisant campagne sur le danger de l’immigration. Les tabloïds anglais, largement critiqués et conspués de ce côté-ci de la Manche, bien qu’ils dépassent largement le million d’exemplaires vendus tous les jours, n’ont eu de cesse, au cours de ces derniers mois, de traiter sans complexe les conséquences de l’afflux de migrants en Europe et en Grande-Bretagne. Les images des migrants massés à Calais, et tentant l’impossible pour rejoindre la Grande-Bretagne au péril de leur vie, images largement diffusées sur les chaînes d’inforrmation continue anglaises, ont fait le reste.

Ceux qui n’ont pas vu que le Brexit pouvait arriver, et que le problème de l’immigration en Europe pouvait faire pencher la balance en sa faveur, avaient pourtant été prévenus ! Les élections présidentielles autrichiennes, en mai, avaient largement annoncé la couleur. Comment ? Le chef d’un parti ouvertement xénophobe, eurosceptique, arrivait très largement en tête de l’élection présidentielle d’un petit pays européen, avec 15 points d’avance sur son improbable challenger, un candidat écologiste sans panache ?

Oui, c’était le coup de semonce, et le score serré du second tour, installant finalement le candidat soutenu par l’ensemble de la classe politique autrichienne, unie contre le candidat du FPÖ, a créé un précédent en Europe. Car en effet, si le candidat du FPÖ a fait un tel score au premier (et au second) tour de la présidentielle, c’est parce que… lui aussi a largement fait campagne sur le thème de l’immigration et, plus précisément, sur le problème posé par l’accueil de millions de migrants en quelques mois.

Si les Anglais (contrairement aux Irlandais du Nord et aux Ecossais qui, eux, ont voté en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne) ont voté massivement en faveur du Brexit, c’est parce qu’ils ont eu peur. Sachant que l’Allemagne, qui, de par sa position centrale en Europe, n’a pas eu d’autre solution que d’accueillir 1,2 million de migrants l’an passé et pourrait en accueillir un million de plus cette année, se retrouvait seule face au problème, abandonnée par ses partenaires européens, les Anglais ont eu peur. Car ils savent que la Grande-Bretagne est la véritable destination préférée des migrants ! La langue, l’anglais, beaucoup la pratiquent déjà un peu, et elle est bien plus facile à apprendre que l’allemand. Mais surtout, en Grande-Bretagne, existent déjà des communautés installées de Syriens, Libyens, Irakiens… Pas en Allemagne. Mais grâce à sa place particulière en Europe, seul Etat européen avec l’Irlande, protégé par une frontière naturelle quasiment inviolable, à savoir, une mer, la Grande-Bretagne a pu gagner du temps. Sans Calais, sans la Manche, l’Angleterre aurait été submergée, comme l’Allemagne.

Pour reprendre l’attaque de cet éditorial, ne nous voilons pas la face une seconde fois : demain, d’autres pays européens vont demander à sortir de l’Union européenne, pour ne pas être contraints d’accepter que Bruxelles décide à leur place en matière d’immigration et d’accueil. Vous voulez la liste ?

D’abord, l’Autriche. Le 6 juillet prochain, la Cour constitutionnelle va dire si le second tour de l’élection présidentielle est valide ou non, sachant que le candidat du FPÖ a formé un recours, arguant d’irrégularités dans le dépouillement de nature à avoir modifié le résultat du scrutin. Dans un pays où tricher et mentir est culturellement inconcevable, le fait qu’un tel recours ait été déposé démontre ab absurdo qu’il y a effectivement probablement eu des choses pas très catholiques dans certaines circonscriptions, comme, par exemple, des bureaux de vote avec 100% de taux de participation… Si la Cour constitutionnelle autrichienne invalide les élections, le résultat de la prochaine élection présidentielle est connu d’avance. A défaut, le FPÖ fera monter la pression, pour que les élections législatives de 2018 soient avancées.

Ensuite, les Pays-Bas. Dans ce pays, les questions d’immigration ne sont pas taboues et la classe politique néerlandaise est majoritairement opposée à l’accueil des migrants. Si Bruxelles n’infléchit pas sa position, la perspective d’un référendum sur la sortie de l’UE y est plus que probable. Enfin… enfin, la liste pourrait être longue. Car le fait qu’un pays, un grand pays, démocratique, ait accepté de poser la question à ses citoyens de son maintien dans l’Europe, et que la réponse « non » l’ait largement emporté, va créer un précédent ! Quel homme politique, quel chef d’Etat normalement constitué (si c’est possible) peut oser considérer comme illégitime les demandes de référendum sur la sortie de l’UE dans son pays ?

Désormais, l’avenir de l’Union européenne dépend de la réponse à une seule question : l’Europe peut-elle continuer à se construire contre les peuples qui la constituent, contre les pays membres qui désapprouvent la politique menée par la Commission européenne, gouvernement technocratique mais si peu démocratique ? Si l’Union ne remet pas très rapidement à plat ses institutions par l’élaboration d’un nouveau traité européen, elle risque tout bonnement de disparaître, soit en se disloquant (on parle d’effet domino), soit en explosant, plus personne n’obéissant du jour au lendemain à Bruxelles.

Paru sur www.economiematin.fr – 24 juin 2016

Jean-Baptiste Giraud
27/06/2016

Source : Magistro.fr

Correspondance Polémia – 5/07/2016

Image : “Nigel Farage rendra sa voix à la Grande Bretagne”. Affiche de propagande, datant de mai 2016, antérieurement au référendum. Depuis, la Grande Bretagne sort de l’Europe et aujourd’hui même Nigel Farage démissionne de toutes ses fonctions politiques, mis à part son mandat de député européen (Il faut bien vivre !!!).

 

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Soutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en ! Pour les dons par chèque ou par virement, cliquez ici.

Voir aussi