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Annonces de Macron. Plus de questions que de réponses

Annonces de Macron. Plus de questions que de réponses

Les annonces d’Emmanuel Macron du 25 avril 2019 auront duré très longtemps. Une bonne heure pour l’allocution. C’est déjà très long, voire trop long. Derrière est venue une heure et demi de conférence de presse pour annoncer des mesures… déjà connues.
Comme beaucoup de courageux, Michel Geoffroy – contributeur régulier de Polémia – était devant cet événement politico-médiatique.
Voici ses notes prises « à chaud ». Document de travail, elles n’avaient pas vocation à être publiées. Néanmoins, l’analyse de Michel Geoffroy est précieuse et nous partageons donc avec vous ces notes « à chaud » sans modification.
Polémia


1) Le constat de la situation sociale actuelle de la France (15 minutes) = le registre de la séduction : je vous ai entendu et le grand débat m’a transformé

– L’analyse du mouvement des Gilets Jaunes – Rapide  : « Un mouvement récupéré par les violences de la société » (?)  alors qu’il a avant tout été récupéré par l’extrême-gauche. « L’ordre public doit revenir » mais « je ne veux pas que les dérives de quelques-uns occultent les justes revendications portées à l’origine de ce mouvement et profondément soutenues ».

-La valorisation du Grand Débat National : « J’ai beaucoup appris durant ces échanges », « Le Grand Débat m’a transformé », « Nous sommes les enfants des Lumières, contre l’obscurantisme et le complotisme », « On ne bâtit pas sur la haine de soi, la jalousie de l’autre ». ( ?)

– Une analyse correcte du malaise actuel : sentiment d’injustice, fiscale, sociale et territoriale, un manque de considération, un manque de confiance dans les élites, un sentiment d’abandon, le fait qu’il y a des « angles morts » dans les politiques publiques car elles ne tiennent pas compte de l’évolution de la société et du monde, la peur des grands changements (climat, immigration, numérique, vieillissement de la population).

– Une certaine forme de mea culpa : « L’impatience, l’exigence que j’ai avec moi-même, que j’ai avec les membres du gouvernement, je l’ai un peu eue avec les Français. Le sentiment que j’ai donné, c’était une forme d’injonction permanente, d’être dur, parfois injuste. Ça, je le regrette. D’abord parce que ce n’est pas ce que je suis profondément et parce que je pense que ça n’a pas aidé à la cause. »
Oui mais qu’est ce que cela change au fond puisqu’il avait déjà un premier mea culpa le 10 décembre 2018 ?
Cf. Sur l’affaire Benalla :«Est-ce que je regrette de l’avoir embauché à l’Élysée ? Non parce que je pense que c’était extrêmement cohérent avec les valeurs que je porte » = le mea culpa macronien est donc quand même de portée limitée…

2) Les conclusions qu’en tire Emmanuel Macron (45’) = on continue comme avant mais plus vite et plus loin

– On n’a pas fait fausse route ; il faut poursuivre et intensifier les fondamentaux des 2 premières années. Tout au long de son intervention revient une expression : « Beaucoup de choses ont été faites,  il faut aller plus loin ». Donc une intervention avant tout placée sous le signe de la continuité (pas de retour en arrière, pas de remise en cause). Et l’idée que si les Français sont mécontents, c’est parce qu’on ne change pas assez vite (alors que c’est peut-être parce qu’on change trop !).

Mais, « en même temps », « c’est un nouvel acte de notre république » : car il faut (mieux) placer l’homme au cœur du projet et redonner l’espérance à chacun en lui demandant le meilleur de lui-même (?). Il faut cultiver « l’art d’être Français » : enraciné mais ouvert à l’universel (!)

Annonce 4 orientations, dans un vocabulaire assez abscons  :

  • La démocratie et l’organisation de la république
  • Mettre l’humain et la justice au cœur du projet
  • Résoudre les transitions
  • Les permanences du projet français

a) Rendre la démocratie plus participative et plus représentative

« Je crois aux élus et au premier chef aux maires » ; « la démocratie représentative est aussi essentielle »

Promet une réforme constitutionnelle avant l’été (c’est le parlement qui décidera, pas le peuple), comportant :

  • Un statut digne de ce nom pour les élus
  • Une part significative de proportionnelle (grand classique des promesses politiques) : 20%
  • Limitation du nombre de mandats et de parlementaires : entre -25 et – 30% d’élus (déjà annoncé)
  • Une réforme du CESE : un « conseil de la participation citoyenne » sera créé, composé de citoyens tirés au sort (un premier tirage de 150 personnes effectué en juin sera chargé de travailler sur la transition écologique et notamment de dégager des ressources nouvelles pour la financer !)
  • Un assouplissement du Référendum d’Initiative Partagée (seuil passant à 1 millions de signatures[1])

Rejette la prise en compte du vote blanc, du vote obligatoire (?) et du RIC (ce dernier étant selon lui contraire à la démocratie participative) ; prévoit seulement de créer un « droit d’interpellation des élus locaux » (pour faire inscrire une question à l’ordre du jour d’une assemblée).

S’agissant de l’organisation de la république, annonce :

– Un nouvel acte de décentralisation, objet d’une réforme constitutionnelle au 1er trimestre 2020 : assez vague, reposant sur « un transfert de responsabilité démocratique » (?) et sur une différenciation territoriale (pour l’OM et la Corse mais pas seulement semble-t-il).

 Un nouveau projet territorial pour les services publics : Pêle-mêle un catalogue de bonnes intentions : accessibilité des services publics en 30 minutes, lutter contre les déserts médicaux, plus de fermetures d’hôpitaux et d’écoles jusqu’en 2022, maisons de services publics dans chaque canton (France service), les préfets coordonnent les services de l’Etat, diminuer le nombre de fonctionnaires à Paris pour les mettre « sur le terrain » = rien de bien nouveau sinon le moratoire des fermetures jusqu’en 2022

Se déclare prêt à revenir sur le nombre de 120 000 suppressions d’emplois : le gouvernement devra expertiser cette possibilité d’ici l’été (mais alors comment réaliser les économies prévues de dépense publique si au surplus on ne ferme pas d’implantations locales ?)

– Une réforme de la haute fonction publique, avec suppression de l’ENA « entre autres » (Lesquels ?) ; Il se déclare attaché à « l’élitisme républicain » mais affirme que la haute fonction publique « ne ressemble pas à la société ». Sans doute pour ouvrir la voie à un nouveau dispositif de « discrimination positive »  = il ne s’agit plus de former au bien commun mais de « représenter » la diversité ?

Préconise de revoir la formation pour qu’elle soit plus « ouverte », des passerelles public/privé et de « mettre fin aux grands corps et aux protections à vie » =  un discours qui ouvre la voie à la privatisation de l’Etat (cf le recours généralisé aux contractuels ) et à la fin du modèle français de la fonction publique neutre.

               B) Mettre l’humain et la justice au cœur du projet :

Pas d’annonce fiscale d’envergure :  « les vraies inégalités ne sont pas fiscales » !

– La Cour des Comptes va évaluer l’étendue de l’évasion fiscale (et ensuite ?)

– En 2020 on évaluera si la réforme de l’ISF a été judicieuse (et ensuite ?)

– Il faut baisser l’impôt des classes moyennes qui effectivement ont augmenté ces dernières années et de ceux qui travaillent ; il faut baisser l’IR grâce à la réduction des « niches fiscales » (lesquelles ?) et des économies sur la dépense publique = pas d’engagement précis sinon un chiffre de 5 Mds évoqué lors de la conférence de presse[2]

Les vraies inégalités sont liées à l’origine : donc effort sur l’éducation et la petite enfance  (« aller plus loin ») :

Dédoublement des classes de la maternelle au CE1 (24 élèves) pas uniquement dans les ZEP, aider les décrocheurs scolaires, mieux former et rémunérer les maîtres, développer les formations professionnelles courtes, la formation tout au long de la vie…

Il faut « aller plus loin » en matière d’accès au travail : dès cet été, une réforme de l’assurance chômage ,accompagner les jeunes et les mères célibataires demandeurs d’emplois (garde d’enfant) = d’ici septembre les partenaires sociaux , les associations doivent proposer des mesures concrètes  = ce qui revient à avouer que les annonces présidentielles n’ont rien de concret !

Il « faut aller plus loin » pour que « le travail paye » : réforme de la participation et de l’intéressement , reconduction de la prime exceptionnelle sans charge ni impôt, réindexation au 1er janvier des retraites inférieures à 2000€  et plus de « sous-indexation » pour les autres d’ici 2021

= globalement  peu d’annonces précises sinon celles relatives aux retraites de moins de 2 000€ et à la prime exceptionnelle d’activité  (déjà connues)

          C) Répondre à la peur des transitions

 Il y a un état d’urgence climatique et « il faut aller plus loin » !  150 Français tirés au sort en juin devront proposer des mesures qui seront soumises au parlement ou à référendum. On mettra en place un « conseil de défense écologique » !

Il faut établir un agenda 2025 des transitions pour rassurer les Français :

  • La réforme des retraites par points pour faire face au vieillissement sera présentée à l’été prochain ; durant la conférence de presse annonce d’un montant minimum de retraite de 1 000 € pour une carrière complète, supérieure à la revalorisation annoncée du minimum vieillesse. Maintien de l’âge de retraite à 62 ans mais augmentation souhaitée de la durée de cotisation « en laissant le choix » ; pas de suppression de jours férié ; Néanmoins  « travailler plus longtemps parce qu’on vit plus longtemps, c’est plutôt du bon sens » et « il faut travailler plus » car la « France travaille moins que ses voisins ».
  • Un projet pour la dépendance (une filière d’emploi sera créée) sera présenté à l’automne
  • Un plan pour viser le plein emploi en 2025 sera présenté à l’automne ; engagement de 7% de taux de chômage en 2022

= donc beaucoup de plans ….pour demain !

      D) Les permanences du projet français= le registre électoraliste

= un catalogue incantatoire de bonnes intentions , à forte connotation électorale (plutôt pour séduire à droite).
Emmanuel Macron qui niait en 2017 qu’il existe une culture française affirme aujourd’hui son  (« notre »)  attachement à la langue et la culture françaises…. Le mondialiste et l’européiste affirme maintenant qu’« une nation a besoin de frontières ».

  • Une politique familiale, mais à destination des « familles monoparentales [3]» (recouvrement des pensions alimentaires via les CAF) ; une reconnaissance des « aidants familiaux » (droits à la retraite ?)
  • Une politique de solidarité et d’engagement (?) : accompagner les petites associations et valoriser le rôle que doit jouer le Service National Universel (donc déjà annoncé) :« C’est la matrice indispensable qui va irriguer des vocations, […] pour fonder une nation de citoyens. »
  • Laïcité et « vivre ensemble » : on ne touche pas à la loi de 1905 qui doit être réaffirmée, « on sera intraitable » sur le communautarisme et l’islamisme politique « qui veut faire sécession avec [la] République ». On surveillera les financements étrangers (des lieux de culte)
  • Limites et frontières : il faut une Europe plus forte  et « un patriotisme inclusif » ( !)
    • Schengen ne marche plus : il est possible de faire un meilleur Schengen avec moins d’états
    • Refonder la politique migratoire et de développement de l’UE
    • Il faut refonder un droit d’asile européen ; il faut « poursuivre ce qui a été fait » : pour continuer de mettre en œuvre notre tradition d’asile il faut lutter contre les trafics et les détournements
    • Un débat d’orientation annuel au Parlement sur la politique migratoire

Quelques conclusions

– Après une première phase de séduction, le propos présidentiel est avant tout une mise en perspective valorisante de ce qui a été fait depuis 2 ans (et dont les résultats commenceraient à apparaître : ex 500 000 créations d’emplois ?).
Donc pas de remise en cause de la politique suivie, sinon cosmétique (« mettre l’homme au centre ») = un leitmotiv : « il faut aller plus loin », donc une autre façon de dire on continue comme avant, mais plus vite.
Les « annonces » mélangent donc ce qui était déjà engagé, ce qui est vraiment nouveau et ce qui ne constitue que de simples promesses. Il y a donc une contradiction relative entre la première partie de l’intervention (je vous ai entendu) et les annonces qui ne sont finalement qu’une inflexion de la ligne ou bien accessoires (l’ENA par exemple).
En tout état de cause il y a rejet des deux demandes phare des Gilets Jaunes : le rétablissement de l’ISF et le RIC.
La dernière partie du propos (les permanences du projet français) ne contient que des promesses et semble quelque peu électoraliste.

– Peu de véritables annonces (datées, chiffrées et dotées d’une méthodologie) et beaucoup de promesses.
Peu d’annonces nouvelles aussi par rapport à ce qui avait fuité dans la presse et de toutes façons de portée inégale ( 150 tirés au sort/indexation des petites pensions ) et beaucoup de futurs rendez-vous (des plans pour demain)
Les annonces les plus précises concernent les retraites (les électeurs de Macron ?) et les institutions . Néanmoins le propos présidentiel sur les retraites n’est pas excessivement clair (travailler plus mais en laissant le choix …) et peut inquiéter

– Le financement global des annonces n’est pas précisé et certaines annonces semblent contradictoires (ex. le moratoire des suppressions d’implantations ou l’interrogation sur le nombre de suppressions d’emplois publics) avec la réduction de la dépense publique censée gager les baisses d’impôts, sauf si la conjoncture économique se retournait favorablement.

– Fallait-il un Grand Débat et 5 mois de manifs pour en arriver là ? Est-ce que cela va vraiment changer l’image de marque présidentielle ?

Premières réponses :

  • Sondage Harris Interactive , RTL, LCI : 63% des Français n’ont pas été convaincus par les annonces d’Emmanuel Macron
  • Le Rassemblement national (24%) passe en tête des intentions de vote aux élections européennes devant La République en Marche (21%) à un mois du scrutin, selon un sondage OpinionWay-Tilder réalisé en ligne du 17 au 18 et du 22 au 23 avril 2019.

Michel Geoffroy
27/04/2019

[1] Ce référendum peut aujourd’hui être lancé sur proposition de loi signée par des députés, des sénateurs et par un cinquième des parlementaires, avant d’être signée par 10% du corps électoral, soit 4,5 millions de citoyens.

[2] De son côté le ministre de l’économie a affirmé que 15 Millions de contribuables en bénéficieraient

[3] Emmanuel Macron a évoqué plusieurs fois les familles monoparentales dans son intervention

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