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Cinq sanctions américaines, des milliers de censurés européens

Cinq sanctions américaines, des milliers de censurés européens

par | 28 décembre 2025 | Europe, Société

Cinq sanctions américaines, des milliers de censurés européens

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L’indignation récente de l’Union européenne et du Royaume-Uni, à la suite de sanctions américaines visant cinq individus impliqués dans des politiques de censure, mérite d’être examinée avec sang-froid. Les réactions rapportées par la presse américaine ou européenne relèvent moins d’une querelle diplomatique que d’un réflexe de défense, celui d’un système qui ne supporte plus d’être mis en cause par ceux qu’il prétend souvent donner en exemple.

 

Les autorités européennes et britanniques dénoncent une atteinte à leur souveraineté et une ingérence idéologique. Cet argument serait recevable si ces mêmes autorités n’avaient pas, depuis des années, installé une censure idéologique diffuse, parfois administrative, parfois judiciaire, dont l’objet n’est plus tant l’ordre public matériel que la protection d’un ordre symbolique. La logique est devenue préventive. On n’attend plus le trouble, on neutralise d’avance la parole qui pourrait le produire, ou simplement la parole qui pourrait déplaire.

Il faut rappeler une évidence que les communiqués officiels évitent soigneusement, les premières victimes des censeurs européens sont les Européens eux-mêmes. La preuve en est fournie par une série d’affaires désormais classiques. Le colloque de l’Institut Iliade, interdit préventivement en 2023, a illustré cette nouvelle police de l’anticipation. Jean Eudes Gannat a été poursuivi pour avoir filmé le réel, non pour l’avoir falsifié. Cassandre, une jeune femme, a été condamnée moins pour des mots que pour les intentions que les juges lui ont prêtées, ce glissement de l’acte vers l’âme qu’avait déjà diagnostiqué Foucault. Éric Zemmour a été condamné pour des propos qualifiant l’immigration musulmane en France de colonisation, c’est à dire pour une qualification politique du réel. Jean-Yves Le Gallou a été poursuivi pour avoir critiqué une décision de juge administratif, signe qu’en certaines matières la critique de l’institution tend à devenir elle-même suspecte.

Dans ce contexte, les sanctions américaines n’ont rien d’un caprice exotique. Elles répondent à un phénomène réel, la coopération, explicite ou implicite, d’acteurs européens avec des dispositifs de censure qui touchent aussi des citoyens américains et des propriétaires de plateformes. La controverse devient alors intéressante, car elle révèle une autre hypocrisie, celle des autorités européennes et britanniques s’offusquant au nom de la liberté, alors qu’elles ont multiplié, chez elles, les pratiques d’exclusion idéologique visant des étrangers, notamment américains.

Le Royaume-Uni a fourni des exemples spectaculaires. En 2013, les blogueurs américains Pamela Geller et Robert Spencer ont été interdits d’entrée, le Home Office invoquant la formule rituelle du « not conducive to the public good ». La même logique a frappé, plus récemment, l’écrivain français Renaud Camus, interdit d’entrée au Royaume-Uni au printemps 2025, au nom de ce même « public good », notion commode parce qu’elle est sans contours. Les autorités britanniques disposent d’un large pouvoir discrétionnaire en la matière, rappelé par la Chambre des communes elle-même.

L’Union européenne, et plus largement l’espace Schengen, n’est pas en reste. Jared Taylor, président d’American Renaissance, a été empêché d’entrer dans l’espace Schengen à la suite d’une décision initiée par un État membre, interdisant de fait sa présence sur l’ensemble de la zone pendant la durée du signalement. L’affaire, pour ce qu’elle signifie, importe plus que ses détails, un homme est neutralisé non pour un délit commis, mais pour un profil idéologique jugé inacceptable.

Ce catalogue d’interdictions, et il pourrait être prolongé, montre que l’Europe et le Royaume-Uni ont depuis longtemps admis un principe redoutable, certaines idées suffisent à rendre une présence indésirable. On ne sanctionne plus le trouble, on sanctionne la possibilité d’un trouble, ou la seule contrariété symbolique. Tocqueville parlait d’un despotisme doux, Mill avertissait contre le silence imposé aux opinions, Hannah Arendt voyait dans la réduction de l’espace public le signe d’un régime inquiet. Le dispositif contemporain n’a pas besoin de grands procès, il préfère les gestes administratifs, l’interdiction, l’exclusion, la fermeture, la dissuasion.

L’indignation européenne actuelle devient alors presque comique. Ceux qui ont fait profession d’interdire s’étonnent d’être sanctionnés. Ceux qui ont traité l’exclusion idéologique comme un outil normal de gouvernement découvrent soudain les méfaits de l’arbitraire lorsqu’il change de main. L’affaire révèle, au fond, une vérité simple, l’Europe s’est habituée à censurer sans en assumer le nom, en maquillant la censure en prévention morale.

Carl Schmitt rappelait que le souverain est celui qui décide de l’exception. Dans l’Europe tardive, l’exception est devenue permanente dès qu’il est question de parole dissidente. Ernst Jünger, lui, notait que les temps de décadence se reconnaissent à ce que l’on y confond la sécurité avec la vérité. Cette confusion est devenue notre climat intellectuel.

La liberté, disait Orwell, consiste à pouvoir dire aux gens ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre. L’Europe répond désormais, de plus en plus, par le registre inverse, elle prétend protéger les sociétés de certaines paroles, quitte à leur interdire de voir ce qu’elles vivent. Les sanctions américaines, qu’on les approuve ou non, ont au moins ce mérite, elles rappellent aux Européens que les censeurs qu’on dénonce aujourd’hui comme victimes sont, depuis longtemps, les artisans d’un système dont nous sommes les premiers captifs.

Balbino Katz – balbino.katz@pm.me
28/12/2025

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