Polémia
Cinquième Journée d’étude de la réinformation
Face à la tyrannie médiatique : vers un grand bond offensif ?
« Nouvelles donnes, nouvelles cibles, nouveaux outils »
Samedi 13 octobre 2012
Intervention de Michel Geoffroy
(Troisième partie)
Polémia publie le texte intégral de l’intervention de Michel Geoffroy, à la cinquième Journée d’étude de la réinformation, organisée par la Fondation Polémia. Etant donné sa longueur, le texte est présenté en quatre parties. En voici la troisième, les liens des trois autres sont indiqués en fin de la présente publication, comme l’est le Pdf regroupant l’ensemble.
Polémia
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Une image qui change et se dégrade
L’image du journalisme dans l’opinion décline inexorablement
1/
Les études critiques de la presse et de la classe médiatique ont été jusqu’alors plutôt rares au XXe siècle, comme s’il y avait en la matière une sorte d’omerta dans notre pays. La classe politique évite plutôt d’affronter les médias en effet ! Mais aujourd’hui ces prises de position critiques se multiplient, ce qui est révélateur d’un malaise certain.
Les analyses critiques portaient en général, à droite, sur les techniques de désinformation utilisées dans les médias, sur l’usage du franglais, sur l’appauvrissement culturel ou sur le gâchis financier de la télévision (ex. : Le Système EPM, de François de Closets paru en 1980 ou L’Argent de la télévision, d’A. Griotteray, 1996). A gauche, on insistait plutôt sur le fait que les médias exerceraient une « domination symbolique » au service de l’ordre capitaliste dominant (ex. : Sur la télévision, de P. Bourdieu, 1996).
Mais le nombre d’ouvrages critiques de la classe et du Système médiatiques s’est multiplié de nos jours : Les nouveaux chiens de garde, de Serge Halimi (1997), L’Emprise, de Régis Debray (2000), Le Roman de Canal plus, de Valérie Lecasble (2001), La Face cachée du Monde, de P. Péan (2003), Bien entendu c’est off, de Daniel Carton (2003), Le Cauchemar médiatique, de Daniel Schneidermann (2003), L’Audimat à mort, d’Hélène Risser (2004), La Mal info, de Denis Muzet (2006), Les médias sont-ils sous influence ?, de Patrick Eveno (2008), Les éditocrates, d’Olivier Cyran et Mona Chollet (2009), L’Inquisition médiatique, de F. Puyalte (2011), Un si petit Monde, d’Odile Benyahia-Kouider (2011), Les médias en servitude, de Claude Lorne (2011), TV Lobotomie, de Michel Desmurget (2012), Ils ont acheté la presse, de Benjamin Dormann (2012), etc., et, bien sûr, les publications de Polémia.
Bref, la critique des médias et des journalistes (les titres sont révélateurs…) devient un succès de librairie !
2/
Les analyses critiques ont en outre été assez profondément renouvelées à partir de la fin des années 1990 dans les directions suivantes :
• une analyse critique plus générale du contenu des messages diffusés par la télévision et par la publicité qui dépasse le cadre strict de l’information. Néanmoins les deux sont très liés en fait :
- la publicité utilise les mêmes ressorts que « l’info » (vocabulaire pauvre, volonté de faire appel à la sensibilité des récepteurs et non à leur réflexion, préférence pour la nouveauté : cf. le double sens du terme news/nouvelles qui remplace l’ancien terme « actualités ») ;
- la publicité finance les médias.
Mais les « publiphobes » seraient aujourd’hui 3 fois plus nombreux (37%) que les « publiphiles », selon un sondage TNS Sofres/Australie (Le Monde du 28/9/2011) ; ce résultat n’est pas très différent de celui des média-sceptiques.
• la mise en lumière du politiquement correct et de la censure qu’il provoque : il est clair que ce phénomène est à mettre en regard de la constatation d’un décalage grandissant entre le discours lénifiant ou compassionnel des médias et la réalité quotidienne vécue par le plus grand nombre. Les bobards de guerre (charniers de Timisoara, guerre du Golfe, guerre contre l’Irak) ont également contribué à une prise de conscience. Cet angle d’attaque renouvelle la critique habituelle de la partialité des journalistes : les journalistes ne sont pas seulement partiaux, ils mentent aussi, tout simplement (cf. les Bobards d’Or) ;
• la mise en lumière des préférences partisanes des journalistes : En 2001 Marianne affirmait dans son numéro d’avril que les journalistes se déclaraient, à une écrasante majorité, de gauche.
Différentes études ont été diffusées qui montrent que les journalistes ayant pris part à l’élection présidentielle de 2012 ont déclaré un vote beaucoup plus marqué à gauche que le corps électoral français, aussi bien au premier tour qu’au second tour.
Ainsi, le 22 avril 2012, 19% de ces journalistes qui se sont exprimés indiquent avoir voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon (soit un différentiel de 8 points par rapport à l’ensemble des Français) et 39% en faveur de François Hollande (soit encore un différentiel de 10 points). 7% ont donné leur voix à la candidate écologiste Eva Joly (+5 points), 13% à Bayrou (+4 points) et seulement 18% à Nicolas Sarkozy (-9 points). Enfin, 1% déclarent avoir voté pour Nicolas Dupont-Aignan et 3% pour Marine Le Pen.
C’est donc pour la candidate du Front national que le différentiel observé avec la population globale des exprimés est le plus fort (-15 points).
Au second tour, 74% mentionnent avoir voté pour F. Hollande contre 26% pour Nicolas Sarkozy, alors que le rapport de forces était de 52% contre 48% dans l’ensemble de la population.
Les votes ayant eu lieu dans les écoles de journalisme donnent des résultats comparables voire encore plus marqués à gauche.
• l’analyse sociologique de la classe médiatique et des médias comme relais de l’oligarchie financière occidentale. Cette analyse prend à contrepied le vieux discours de gauche sur le rôle de la superstructure dans la société, en montrant la convergence entre les intérêts du néo-capitalisme mondialiste et l’idéologie de gauche de la classe médiatique.
La riposte de N. Dupont-Aignan, candidat à l’élection présidentielle, lors du « Grand Journal » de Canal plus en avril 2012, mettant publiquement en cause les rémunérations des journalistes de cette émission ainsi que les éditorialistes établis qui sont des privilégiés ne connaissant plus les réalités du pays, marque aussi un tournant à sa manière : il montre que la classe médiatique n’est désormais plus à l’abri des critiques frontales.
3/
Ces analyses trouvent aussi un écho certain dans l’opinion si l’on en croit les études et les sondages : ils montrent, en effet, que si la consommation médiatique ne faiblit pas, elle se diversifie, d’une part, et elle se marque d’une défiance croissante, d’autre part, vis-à-vis des médias institutionnels – principalement la télévision – et vis-à-vis des journalistes. En d’autres termes le média-scepticisme progresse.
3.1.
La raison en est simple : les médias sont devenus interchangeables et perdent donc de ce fait même leur intérêt pour l’opinion. Il se produit pour les médias le même phénomène que pour les partis politiques : l’absence d’alternative et de nouveauté réelles provoque le désintérêt (cf. les prétendus « numéros spéciaux » ou les « enquêtes », toujours sur les mêmes sujets et qui n’apprennent en réalité rien au lecteur : le marché de l’immobilier, le classement des hôpitaux ou des lycées, le salaire des cadres, les francs-maçons, le palmarès des vins, la retraite, etc.).
Un journal anglais a ainsi deux fois plus de contenu en moyenne qu’un journal français. La presse en France est à la fois une des plus subventionnées en Europe et celle qui a le moins de contenu et de lecteurs : ceci explique sans doute cela (ex. : plus le Figaro magazine s’est normalisé, moins il a eu de lecteurs).
C’est d’ailleurs pour cette raison que les nouvelles sources d’information comme Internet connaissent un développement rapide (aux Etats-Unis Internet talonne désormais la télévision) car elles sont plus diversifiées et répondent mieux aux attentes du public.
Et c’est aussi pourquoi elles sont la hantise du Système médiatique qui n’a de cesse de vouloir les « contrôler ». Comme le déclarait Denis Olivennes (Le Nouvel Observateur) lors de l’université d’été du MEDEF le 4 septembre 2009 à propos d’Internet : « Allez regarder les commentaires quand ce n’est pas contrôlé, quand c’est pas géré (sic), quand la parole est libre (…) cet univers de liberté est aussi un univers où on peut raconter n’importe quoi (…) La pensée unique c’est ce qui fait que la démocratie fonctionne » ! (cité par B. Dormann, Ils ont acheté la presse, page 248). Bref, la liberté c’est dangereux pour la démocratie ; traduisez : pour le Système !
3.2.
Différents sondages et études témoignent donc de la progression du média-scepticisme dans l’opinion :
L’enquête TNS Sofres est intéressante dans la mesure où elle remonte à 1987, ce qui permet de dégager des évolutions dans la durée. Quelles sont-elles ?
Cette enquête est aussi intéressante car elle porte également sur les sujets qui paraissent avoir été trop ou au contraire pas assez médiatisés pour les personnes interrogées (même si la liste des items est « politiquement correcte »…) :
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A lire :
Les journalistes en perte d’image (1/4)
Les journalistes en perte d’image (2/4)
A suivre :
Les journalistes en perte d’image (4/4)
Texte intégral en Pdf : cliquer ICI
Voir aussi :
Observatoire des médias : soyez informé sur ceux qui vous informent
Polémia – 15/10/2012
Image : Journalisme et citoyenneté