Statistiquement correct ou statistiquement incorrect ? Comment utiliser les statistiques pour réinformer et utiliser les faits contre l'idéologie dominante ? (Première partie)

lundi 26 octobre 2009

Deuxième Journée d’études sur la réinformation

organisée le 24 octobre 2009

par la Fondation Polémia.

Communication de Jean-Yves Le Gallou, dont nous présentons ici la première partie.


Le monde ne se réduit pas aux chiffres. Toutes les réalités ne sont pas objectivement quantifiables. Mais les statistiques sont, parmi d’autres, un élément de connaissance du réel et d’appréhension des évolutions dans le temps.

Les statistiques sont aussi un enjeu de pouvoir : elles peuvent permettre de farder la réalité ou de la dévoiler.

Vous l’avez compris, les statistiques peuvent être un outil de désinformation. Mais elles peuvent aussi servir à la réinformation.

Voilà annoncées les deux parties principales de ma communication.
Avec deux exemples :
- la manipulation des statistiques sur l’immigration ;
- les faits contre le mythe de la « parité ».


1/ Un exemple de désinformation : la manipulation des statistiques sur l’immigration.

Le 9 septembre 1983, à deux jours des élections partielles de Dreux marquées par l’entrée du Front national sur le terrain électoral, Libération barrait sa une d’une bonne nouvelle : « La population étrangère s’est stabilisée depuis 1975 », « Les bouffées de racisme indépendantes des chiffres », « Pour les démographes de l’INED, ils [les étrangers] ne sont que 3,6 millions (…) et non 4,5 millions selon le ministère de l’Intérieur ».

Pendant vingt ans le même discours sera décliné dans les grands médias : l’immigration est arrêtée ; le nombre des étrangers est stable. Deux techniques seront utilisées pour parvenir à imposer cette croyance :

a) la confusion des concepts et des chiffres ;
b) l’occultation pure et simple des faits et le mensonge statistique.

a) La confusion des concepts et des chiffres

La rhétorique négationniste à propos de l’immigration a longtemps été la suivante : le nombre des étrangers n’augmente pas, c’est donc la preuve que l’immigration est arrêtée. Or il s’agit de deux choses différentes :

- d’un côté, un « flux » : des entrées nettes d’immigrés, c'est-à-dire les entrées moins les retours ; migrations dont le nombre s’accroît des naissances d’étrangers, diminué du nombre des décès ;

- de l’autre, un « stock » : c'est-à-dire un chiffre d’une population à un moment donné ; d’une année sur l’autre, ce chiffre varie doublement :
* par addition, au chiffre de l’année de départ, du nombre des entrées nettes ;
* par soustraction à ce même chiffre du nombre des étrangers ayant acquis la nationalité française.

Il suffit donc que les étrangers acquérant la nationalité française soient aussi nombreux que ceux qui entrent en France pour affirmer que la présence étrangère en France est stabilisée. Ce qui est à la fois juridiquement partiellement exact (à la bi-nationalité près) et sociologiquement et culturellement faux.

Or l’ampleur des acquisitions de la nationalité française est telle que ce chiffre a longtemps suffi pour masquer les entrées d’étrangers dans les statistiques.

Ainsi au début des années 1980, de l’ordre de 80.000 étrangers obtenaient, chaque année, la nationalité française par naturalisation, réintégration, acquisition par mariage ou séjour en France pour les mineurs (sans compter les 30.000 enfants d’étrangers nés en France de parents eux-mêmes nés en territoire français et considérés comme français de naissance au titre du double jus soli).

En 2005, les acquisitions de la nationalité se sont élevées à 155.000, dont beaucoup par mariage. C’est le paradoxe de l’immigration nuptiale – la principale forme d’immigration aujourd’hui : elle n’apparaît pratiquement pas dans les statistiques de la population étrangère !

C’est ainsi qu’avec 80.000, puis 100.000, puis 150.000, puis aujourd’hui près de 200.000 entrées d’étrangers par an, la population étrangère résidant en France a pu longtemps être présentée comme – je cite – « stable ».

Il n’en va évidemment pas de même de la population immigrée (personnes nées à l’étranger) ; encore moins de la population d’origine étrangère !

b) L’occultation pure et simple des faits et le mensonge statistique

Ce tour de passe-passe des concepts s’est accompagné de véritables mensonges statistiques : de manière récurrente depuis près de trente ans, l’INSEE a régulièrement sous-estimé l’entrée de populations étrangères. Et ce de manière caricaturale depuis 1999.

Du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2006, l’INSEE a régulièrement annoncé un « solde migratoire » inférieur à 90.000 personnes par an, accréditant ainsi l’idée que l’immigration était relativement maîtrisée. Et puis, en publiant son bilan démographique 2008, l’INSEE a introduit une donnée nouvelle : 660.000 personnes supplémentaires en sept ans classées sous la rubrique – je cite – « Ajustement ». En clair, sept ans de suite l’immigration a été sous-estimée de 100.000 personnes par an !
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1220

Il y là de la part des organismes officiels de statistiques une manipulation orwellienne des chiffres.

Il y a pire !

Le 27 janvier 2002, Lionel Jospin, sous l'autorité de Jacques Chirac, a, dans l’indifférence générale, supprimé le recensement général de la population et de l’habitat (exhaustif et simultané) en France, dont la pratique régulière ininterrompue remontait à 1801, un acte que le démographe Philippe Bourcier de Carbon qualifie de «  crime d’Etat », avec pour conséquence « la dégradation progressive et rapide de la qualité et de la fiabilité des statistiques démographiques en France à mesure que l'on s'éloigne du dernier recensement réel réalisé en France qui date de mars 1999 (pourtant le pire en qualité depuis la dernière guerre mondiale), il y a dix ans à présent ».
Voir : « Désinformation démographique » :
http://www.polemia.com/article.php?id=1853

Cette analyse mérite trois commentaires :
- la disparition du recensement général coïncide avec l’explosion de l’immigration noire africaine clandestine ;
- la connaissance fine de sa population est pour un Etat un élément essentiel de son rôle et de l’exercice de sa souveraineté ;
- enfin, l’ignorance à 2% ou 4% près du volume de la population biaise toutes les statistiques : démographique (taux de fécondité par exemple), économique (revenu par tête), urbanistique (densité de l’habitat).

Image : Du bon usage des statistiques
http://www.legrandsoir.info/article3407.html

Voir :
Deuxième partie : http://www.polemia.com/article.php?id=2472
Troisième partie : http://www.polemia.com/article.php?id=2470

Téléchargement de l’ensemble du texte en pdf :
http://polemia.com/pdf/Statistiques.pdf 

Archives Polemia