Présidentielles 2012 : élections, piège à cons ? (édito 04/2012)

vendredi 6 avril 2012

Il n’appartient pas à Polémia de donner des consignes de vote. Ses lecteurs peuvent simplement y trouver des éclairages, d’ailleurs différents les uns des autres. Voici le point de vue, teinté d’un certain scepticisme, d‘Andrea Massari.

Polémia.

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1968-1973 : la majorité silencieuse trahie

Pour sortir de la « chienlit » et casser le mouvement de Mai-68, Georges Pompidou, alors premier ministre, réapprovisionna la France en essence et provoqua des élections législatives. L’extrême gauche (les « gauchistes » de l’époque) dénoncèrent la manœuvre en écrivant sur les murs : « Elections, piège à cons ». Le piège fonctionna admirablement : la majorité se mobilisa et la Chambre des députés élue en 1968 fut sans doute la plus « à droite » du XXe siècle. Le résultat ne se fit pas attendre : la loi Edgar Faure désorganisa durablement l’université et y abolit la sélection ; les réformes scolaires catastrophiques s’enchaînèrent ; les flux migratoires furent portés à 200.000 entrées de travailleurs par an ; et la loi Pleven fut votée pour interdire toute liberté de parole sur l’immigration. Bref, la majorité silencieuse fut trahie ! Quarante-quatre ans plus tard, les réformes n’ont pas changé d’orientation et Nicolas Sarkozy, héritier du RPR, appelle à son tour la « majorité silencieuse » à voter « utile ».

Observons qu’il y a, d’ailleurs, pour un mouvement ou pour un homme politique un grand avantage à ne pas tenir ses promesses électorales : il est possible de les resservir à l’élection d’après ! Et cela fonctionne maintenant depuis quatre décennies !

2012 : la scénarisation d’un duel artificiel

En 2012, les états-majors de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, en accord avec les médias de l’oligarchie, se sont entendus pour sauter ou minorer l’étape du premier tour. Ils se sont autodésignés l’un l’autre comme leur adversaire préféré.

D’autant qu’avant l’ouverture de la campagne officielle, Sarkozy et Hollande se sont partagé 60% du temps de parole ; depuis l’ouverture de la campagne officielle, les médias sont tenus d’accorder l’égalité de présence aux différents candidats : qu’à cela ne tienne, ils l’assurent… en supprimant les grandes émissions politiques et en orientant leurs commentaires de l’actualité quotidienne, ce qui est parfaitement contraire à l’esprit de la Constitution mais maintient la prééminence des deux favoris.

Le seul problème c’est que l’opposition entre Hollande et Sarkozy est largement factice : acceptant les règles de l’Union européenne, de la Cour européenne des droits de l’homme, de l’Organisation mondiale du commerce et de l’OTAN, leur marge de manœuvre est dérisoire, d’autant qu’ils sont soumis à de grands intérêts idéologiques ou économiques et n’ont guère de possibilité, dans les faits, de dévier du politiquement correct. L’opinion assiste ainsi à un simulacre de combat. Derrière le verbe, il y a le vide.

Le double langage élevé au rang des beaux-arts

Nicolas Sarkozy et François Hollande ont élevé le double langage au rang des beaux-arts. Nicolas Sarkozy a fustigé publiquement l’abattage halal avant de recevoir les autorités musulmanes et juives pour leur expliquer que, bien sûr, il n’imposerait pas l’étiquetage des conditions d’abattage de la viande (l’un des rares domaines, d’ailleurs, où les autorités françaises ont résisté aux volontés européennes).

Hollande a procédé de même. Il a fustigé la finance puis est allé à Londres expliquer que le gouvernement Jospin était celui qui avait privatisé le plus d’entreprises. Il a annoncé une tranche d’impôts à 75%, puis a envoyé des émissaires rassurer les artistes et les sportifs de son comité de soutien. Il a parlé d’accélérer le retrait des troupes françaises d’Afghanistan avant de faire passer à Obama le message… qu’il n’en ferait rien.

On créditera Hollande et Sarkozy d’une innovation en matière électorale : trahir leurs promesses avant même l’élection. Chapeau les artistes !

FN : vraie alternative ou illusion présidentielle ?

Reste Mélenchon qui, au final, se rabattra sur Hollande : il propose 130 milliards de déficit supplémentaire pour mieux se rallier à un candidat qui devra gérer des plans de rigueur. Quant à Bayrou, nul ne sait plus où il habite…

Marine Le Pen propose, elle, incontestablement une alternative : rompre avec la mondialisation ; sortir de l’euro ; rétablir la souveraineté française et des frontières ; arrêter l’immigration et relocaliser les emplois.

Mais l’élection présidentielle, élection phare du Front national, n’a jusqu’ici jamais été suivie que par des lendemains qui… déchantent : en 1988 avec la disparition du groupe parlementaire FN, en 2002 avec la déception législative, en 2007 avec la débâcle financière. En dehors des élections européennes et régionales, le seul vrai succès concret du FN fut celui de 1995 quand des communes furent conquises par des maires Front national.

Un éventuel succès de Marine Le Pen à l’élection présidentielle ne suffira donc pas, en lui-même, à changer la donne.

La tyrannie médiatique

Tout porte donc à craindre que les électeurs soient conviés à un nouveau tour de manège dans le cadre d’une démocratie de plus en plus fictive. Pour une raison simple : ce sont les médias qui font l’élection ; et les médias ne sont pas neutres : ils imposent leur tempo, leurs règles techniques et, surtout, fixent des limites à ce qu’il est permis de dire ou de ne pas dire.

Andrea Massari
5/04/2012

Voir aussi :

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La politique en noir et blanc ou Pour qui roule Jean-Luc Mélenchon ?
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Correspondance Polémia – 6/04/2012

Image : Elections piège à con

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