« L'islam, le sexe et nous » Par Denis Bachelot

lundi 31 mai 2010

Sous un titre un peu accrocheur et en même temps trop réducteur, Denis Bachelot, journaliste (il collabore à la revue Commentaire) et essayiste (il a publié Les maîtres à représenter : essai sur la mise en scène des mythologies médiatiques, éditions Eska, 1997), publie un ouvrage lucide et courageux. Dédié aux regrettés Christian Jelen et Vladimir Volkoff, il se demande d’entrée de jeu si l’humanité ne vivrait pas « la première guerre sexuelle mondiale de son histoire ».

Opposition entre la représentation occidentale de la sexualité et celle du monde arabe

Son fil rouge, c’est l’opposition entre la représentation occidentale, et donc mondialisée, de la sexualité, axée sur « la marchandisation du corps de la femme », et celle du monde musulman, fondée sur une revendication de « pudeur, de dignité et de respect ». Ce choc des représentations (des civilisations ?) se traduit par l’auto-affirmation de l’Islam, et pas seulement des islamistes, comme seul pôle de résistance à l’hégémonie culturelle de l’Occident, notamment sur les questions de la condition féminine et de la sexualité.

Dans ce contexte, le débat d’il y a vingt ans sur le voile et celui d’aujourd’hui sur le niqab ou la burqa, va bien au-delà de l’effervescence médiatique qu’il suscite puisque, de fait, il pose la question de notre identité, française et européenne. Il s’agit, écrit D. Bachelot, d’un « marqueur sociologique » qui « révèle une béance nationale, un formidable non-dit refoulé depuis vingt ans : celui de la compréhension des mutations et des bouleversements de la société française sous l’effet d’une immigration musulmane massive ». Il n’hésite pas à cet égard à pointer la responsabilité des « classes culturellement dominantes » dans la délégitimation du sentiment d’appartenance nationale des Français. Il rappelle fort justement que les films qui ont été les plus populaires ces dernières années, Les visiteurs, Amélie Poulain, Les choristes et Bienvenue chez les Ch’tis, ont été généralement affublés de l’étiquette infâmante de « franchouillards », voire « lepénistes », par l’intelligentsia senestro-branchée de notre pays, et donc méprisés. La France, face à la revendication ou à l’affirmation d’une diversité culturelle et ethnique, est donc bien confrontée à une profonde crise identitaire. Cette crise se traduit notamment par l’antagonisme des logiques identitaires qu’expriment les « cultures jeunes » : d’un côté la culture « féminisée » des « jeunes mâles blancs hétérosexuels », comme le dit Anne Lauvergeon, et de l’autre la culture « virile » des jeunes d’origine africaine ou maghrébine. Seuls ces derniers, ainsi que le souligne Eric Zemmour dans Le premier sexe (Denoël, 2006), « peuvent s’emparer de l’imagerie macho » et affirmer « un donjuanisme joyeux, sans complexes, parfois violent ».

« La France est-elle raciste ?» Une idéologie antiraciste le laisserait croire

Un des thèmes les plus récurrents dans la société française actuelle, décliné sans relâche dans les média écrits ou audiovisuels, est celui du racisme et de l’islamophobie. La question : « La France est-elle raciste ? », posée avec toute la gravité qui convient, est un véritable marronnier qui fleurit en toutes saisons, en dépit d’innombrables enquêtes ou sondages qui font apparaître des réponses globalement négatives. Mais qu’importe, pour les bons apôtres de la LICRA, du MRAP, de la Ligue des droits de l’homme… et de tous leurs relais politico-médiatiques, le mythe l’emporte sur la réalité, charriant avec lui son lot de culpabilisations en tout genre. Il en va de même pour l’islamophobie qui, sans être inexistante, doit cependant, à l’instar de l’antisémitisme (« en voie de disparition » selon Régis Debray dans son dernier livre A un ami israélien, Flammarion, 2010), être relativisé. D. Bachelot cite à cet égard, des chiffres de l’Observatoire national de la délinquance : en 2004, si 28 lieux de culte musulmans et 31 lieux de culte juifs ont été profanés, le nombre de lieux de culte chrétiens victimes du même délit s’est élevé à 92.

En dépit de ces données, une véritable idéologie antiraciste n’a cessé de se développer en France depuis une trentaine d’années. Après la période SOS-Racisme, ce furent les « luttes » contre le Front national, contre les banlieues-ghettos, contre les discriminations (avec la création de la Halde), la loi Taubira sur les traites et les esclavages, les polémiques sur la colonisation, la naissance du Cran (Conseil représentatif des associations noires), les films Indigènes et aujourd’hui Hors-la-loi, etc. Cependant, en 2006, le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) faisait état d’un doublement des personnes citant les Français comme victimes du racisme. Constat, note D. Bachelot, « ni quantifié ni intégré dans les statistiques du racisme en France ». Pour lui, la « mise en accusation unilatérale » du seul racisme français, bien plus que la dénonciation de difficultés sociales souvent réelles, fait apparaître une véritable « béance identitaire » que les pouvoirs publics doivent impérativement regarder en face.

Réduire la question de l’Autre à «un enjeu libidinal » ?

Les arguments que nous propose l’auteur sont dans l’ensemble aussi pertinents que convaincants, et il faut le louer d’aller ainsi à l’encontre de l’idéologiquement correct. Il nous permettra toutefois d’être plus réservé sur la dernière partie de son ouvrage où il revient sur le thème de « l’identité et de la sexualité ». Il s’agit bien là, comme l’indique son titre, du point focal du livre (même s’il va souvent bien au-delà), mais il l’aborde sous un angle psychanalytique qui, sans faire preuve d’anti-freudisme primaire, ne nous semble pas vraiment approprié. Réduire la question de l’Autre à «un enjeu libidinal », la violence identitaire à « la polarisation masculin/féminin », parler de « narcissisme physique » à propos du machisme arabo-musulman, nous laisse quelque peu perplexe. On ne niera toutefois pas que « l’affaiblissement du modèle paternel […] est une dimension essentielle des dysfonctionnements des processus d’intégration ».

Ces quelques réserves, que l’on pourrait qualifier de « méthodologiques », ne nous empêchent pas de recommander vivement la lecture de l’essai de Denis Bachelot qui constate in fine que « la confrontation avec l’Islam questionne nos valeurs et nos façons d’être, tout autant que nous questionnons les leurs ».

Didier Marc

30/05/2010

Denis Bachelot, L’islam, le sexe et nous, éditions Buchet-Chastel, collection « Les Essais », 2009, 197 p., 17 €.

Voir sur le site Polémia:

« Le Premier Sexe », par Eric Zemmour

Le foulard islamique : un conflit de civilisation !

L'islam contre les femmes

Le tchador contre les femmes

Les femmes dans le Coran

Correspondance Polémia 31/05/2010

Image : Livre

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