Mariage gay :« Une abolition du discernement »

mardi 28 juin 2011

L'Assemblée nationale a rejeté, le 14 juin 2011, la proposition de loi socialiste visant à ouvrir le mariage aux couples homosexuels.

293 députés ont voté contre, 222 pour. Toute la gauche votant pour tandis qu'une très large partie de la majorité UMP-Nouveau Centre s'y est opposée. Toutefois, 9 élus UMP dont Jean-Louis Borloo, président du Parti radical, Axel Poniatowski, président de la commission des Affaires étrangères, et Franck Riester ont voté en faveur du texte. Neuf députés UMP se sont volontairement abstenus comme les anciens ministres Christian Estrosi et Nicole Ameline. Un élu du groupe Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, vice-président de l'Assemblée, a voté pour. Parmi les non-inscrits, François Bayrou a voté pour.
A ce jour, contrairement à ce qui a été dit par les propagandistes avant le vote, le mariage homosexuel est autorisé seulement dans dix pays dans le monde: les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne, le Portugal, le Canada, l'Afrique du Sud, la Norvège, la Suède, et l'Islande et l'Argentine. Deux pays autorisent le mariage gay sur une partie de leur territoire: les Etats-Unis (Etats d'Iowa, Connecticut, Massachusetts, Vermont, New Hampshire et la capitale, Washington) et le Mexique (la capitale fédérale, Mexico).

 D'autres pays ont adopté des législations sur une union civile accordant des droits plus ou moins étendus aux homosexuels, notamment le Danemark (1989), la France avec le PACS (1999), l'Allemagne (2001), la Finlande (2002), la Nouvelle-Zélande (2004), le Royaume-Uni (2005), la République tchèque (2006), la Suisse (2007), l'Uruguay, la Colombie et récemment l'Irlande.

Pour Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public bien connue des lecteurs de Polémia – voir en fin d'article ses analyses sur Polémia – la question du mariage homosexuel est un non-sens.

Polémia

« Une abolition du discernement »


Laurent Dandrieu
: La gauche et une partie de la droite se sont déclarées pour le “mariage homosexuel” : qu’en pensez-vous ?

Anne-Marie Le Pourhiet : Leur position n’a tout simplement pas de sens : un jugement rationnel ne peut pas être « pour » une contradiction logique. Le mariage se définit comme l’union d’un homme et d’une femme, et la finalité de son institution juridique est de garantir la stabilité du couple et la protection de sa descendance. C’est ce que consacre l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. » La revendication du lobby gay tend donc à dénaturer la définition du mariage pour lui faire perdre son sens et sa fonction. C’est comme si l’on disait que la marche est discriminatoire parce qu’elle consiste à se déplacer en mettant un pied devant l’autre et que ceci n’est pas accessible aux unijambistes ni aux nourrissons. Pour le coup, on marche vraiment sur la tête et le code civil va devenir « folle ».

LD : Que répond la juriste à ceux qui justifient ce « mariage » par une sorte de « droit à l’amour » ?

A-M. LP : L’amour n’a rien à faire dans le code civil. Bien au contraire, l’institution du mariage tend à stabiliser une union et les obligations qui en découlent au-delà du sentiment amoureux, toujours plus ou moins éphémère. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la génération actuelle de « zappeurs » boude le mariage au profit des unions « jetables » comme le Pacs.
Cet argument de l’amour est stupide mais aussi dangereux car il peut être opposé à toutes les normes qui régissent le mariage. Si un homme aime trois femmes qui l’aiment aussi, on va arguer que l’interdiction de la polygamie est discriminatoire ; si un frère et une sœur s’aiment, il faudra lever l’interdiction des mariages entre parents ; si des adolescents de 14 ans s’aiment, il faudra supprimer la condition d’âge nubile…
Tous les grands totems et tabous qui structurent nos sociétés sont susceptibles d’être torpillés au nom de l’amour et par l’idéologie du gender qui prône l’indifférenciation généralisée et le relativisme absolu. On le voit avec le mouvement de l’écologie profonde (deep ecology) qui prône l’indistinction entre l’homme et l’animal et qualifie de « spécisme » (discrimination à raison de l’espèce) le fait de refuser des droits aux animaux. Le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement que le principe d’égalité n’impose pas de traiter de la même façon des situations différentes, mais la rhétorique du gender consiste à alléguer qu’il n’y a pas de différence entre hétérosexualité et homosexualité puisqu’il n’y a pas de différence entre hommes et femmes… CQFD.

LD : Y a-t-il un fondement idéologique commun derrière ces revendications multiples ?

A-M. LP : Une partie de la droite ne semble pas du tout apercevoir le caractère néomarxiste de ces doctrines où l’on a remplacé la dictature du prolétariat par celle des minorités ethniques, sexuelles ou autres et où l’on propose de réaliser au forceps une égalité de fait en employant les mêmes procédés liberticides que dans les régimes totalitaires.
Philippe Muray avait bien perçu qu’entre le communisme et le communautarisme, il n’y a que quelques lettres de différence : les méthodes des « Khmers roses » n’ont rien à envier à celles de leurs cousins rouges, à commencer par le fait d’interdire toute expression d’une dissidence intellectuelle, immédiatement qualifiée de « phobie », c’est-à-dire de maladie mentale à éradiquer par un traitement psychiatrique adéquat. Il convient aussi d’inculquer la doxa à la jeunesse en rendant son enseignement obligatoire dans les écoles : d’où l’introduction à l’école des cours d’« identité de genre »… Tout un programme que la droite serait cependant bien inspirée d’abandonner à la gauche.

LD : Comment expliquer qu’il y ait à droite une perméabilité intellectuelle à ces dérives ?

A-M. LP : Il y a une part de clientélisme électoral, une part aussi de sensiblerie victimaire ; il y a aussi une grande faiblesse intellectuelle, qui transforme certains élus en perroquets des lobbies. D’autant que ceux-ci savent provoquer la trouille, par des tactiques terroristes maccarthystes. Ce qui fait qu’aujourd’hui le Parlement devient de plus en plus une Chambre d’enregistrement des souhaits des minorités. Or celles-ci veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. L’impératif de non-discrimination est en train de devenir une abolition du discernement.

Anne-Marie Le Pourhiet 
Propos recueillis par Laurent Dandrieu
Valeurs actuelles
23/06/2011

Voir aussi les articles d’Anne-Marie Le Pourhiet en ligne sur Polémia :

Les « lois mémorielles » sous le feu de la contestation 
Haute trahison
Appel de juristes contre les « lois mémorielles»
Lois liberticides dites mémorielles

Correspondance Polémia – 28/06/2011

Image : Anne-Marie Le Pourhiet

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