France, ta liberté f... le camp

vendredi 7 janvier 2011

La presse (le Figaro du 2 décembre 2010) nous a appris la signature d’une « convention » entre le ministère de l’Intérieur et une association de la loi de 1901, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, dite la LICRA (*). En vertu de cet accord, chaque commissariat de police, chaque gendarmerie recevra pour diffusion la documentation de la LICRA. Une formation à l’antiracisme est prévue dans les écoles de police et de gendarmerie. Une coopération avec la LICRA est prévue en matière de « veille sur internet » pour prévenir les « dérives » sur la Toile, complétée par des « échanges de statistiques ».

Le ministère de l’Intérieur informateur d’une association

Et voilà que le ministère de l’Intérieur devient ainsi formellement, non seulement le financier de la LICRA au travers des subventions versées à cette association, mais, au surplus, son informateur et son auxiliaire. Du jamais vu. Sauf dans les régimes totalitaires. Et la liberté d’expression dans tout cela ?

Autre signe des temps, pourquoi aucun parti politique en France ne se soucie-t-il aucunement de se réclamer de la liberté, pourtant une des conquêtes les plus précieuses de l’esprit humain, et, à ce titre, inscrite en toutes lettres dans la Constitution de notre pays ? Car nos partis politiques sont volontiers « républicains », « démocrates », « sociaux », « populaires » éventuellement, ou « écologiques » selon le goût du jour, mais des « partis pour la liberté », jamais.

L’omission de la liberté

Cette omission n’est pas un hasard. Car jamais, dans la longue histoire de notre pays, les libertés publiques et privées n’ont été autant menacées qu’aujourd’hui, sous le double impact de l’opportunité politique et, faut-il le dire, de la déliquescence rampante de l’esprit public. En ce début du XXIe siècle, la République vit de mauvais jours. L’espace assigné à la liberté d’opinion et à la liberté d’expression se restreint dangereusement d’année en année sous les coups de boutoir de l’Etat assisté d’un cortège d’associations bien-pensantes, toujours soucieuses d’en faire plus pour imposer sur les médias leur présence, leur volonté de puissance et leurs préoccupations doctrinales.

Pleven, Gayssot, Lellouche, la nouvelle Inquisition

Au motif, parfaitement légitime, de lutter contre le danger du racisme, l’Etat français n’a rien trouvé de mieux, contrairement aux pays voisins, que d’ériger de multiples et dérisoires barrages législatifs, de la loi Pleven du 1er juillet 1972 à la loi Gayssot du 13 juillet 1990, édifice imposant, complété, comme si cela ne suffisait pas, par la loi Lellouche du 10 décembre 2002. Où s’arrêtera cette nouvelle Inquisition qui, après avoir mis sous surveillance le discours public, verbal ou écrit, menace d’investir maintenant internet, le dernier espace de liberté ? Le combat contre le fascisme doit-il obligatoirement emprunter les armes du fascisme, la lutte contre le racisme doit-elle nécessairement utiliser les méthodes du racisme ?

Même l’histoire de notre pays est désormais menacée d’enfermement. La voilà harnachée dans un corset législatif de fer avec les lois mémorielles qui ont pour objet, au mépris de l’histoire tout court, de construire, ou de fossiliser, une histoire officielle conforme à la vérité du jour, dont il est rigoureusement interdit de dévier sous peine de sanctions pénales. En fait de devoir de mémoire, ne faudrait-il pas plutôt se remémorer, rappel bien nécessaire de nos jours, les régimes autoritaires de naguère, lesquels agissaient de même dans un passé pas tellement lointain.

Le juge, le policier et les assoc…

Comment ne pas voir, en effet, que cette accumulation de lois par couches successives, si elle contribue effectivement à étouffer la pensée libre, est parfaitement impuissante à juguler le risque du racisme ? Ce n’est pas par moins de liberté que ce combat fondamental sera gagné, mais par un surplus de liberté. Comme si, dans le pays qui a vu naître la liberté, il fallait désormais se reposer uniquement sur le policier et le juge, assortis maintenant d’une prolifération d’associations bien-pensantes, pour combattre la haine, la violence et la discrimination entre communautés unies au sein d’une même communauté nationale. Comme si la meilleure arme contre le racisme aveugle et borné n’était pas le débat d’idées et la réflexion critique, et non la contrainte législative et judiciaire ?

Comme si le gouvernement ne plaçait désormais aucune confiance dans le bon sens et la générosité du peuple français et se reposait uniquement sur les armes de la loi et de la justice pour maintenir l’harmonie de l’ordre social au sein de la nation ? Comme si le débat sur le racisme devait obligatoirement se ramener à l’empoignade dans un champ clos de brutes aveugles et bornées armées de la massue de la loi ?

L’appel permanent à la dénonciation au service des idées reçues

Il faut s’en convaincre : on ne bâtira pas une société multiculturelle sereine dans l’appel permanent à la dénonciation et dans la crainte de la répression, mais dans la convivialité, la générosité et la liberté d’opinion.

Il est temps de libérer le verbe du carcan du conformisme, de la pensée unique et des idées reçues. Car, sans la liberté, la démocratie dépérira inévitablement, comme un arbre privé de sève. Le combat pour la liberté est donc un combat pour la démocratie menacée dans son essence même.

Yves-Marie Laulan
06/01/2011

(*) Une « convention » identique aurait été signée dans la plus grande discrétion voici deux ans entre la LICRA, toujours elle, et le ministère de la Justice, Madame Rachida Dati étant Garde des Sceaux. A quand le tour du ministère de l’Education nationale, de la Santé publique, de la Sécurité sociale, de la Défense nationale ?

Correspondance Polémia – 07/01/2011

Voir:
Convention signée entre le ministère de l'Intérieur et la Licra
Lettre ouverte à Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur

Image : La Liberté guidant le peuple (Eugène Delacroix)

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