Les failles du Système : les repérer, les analyser, les exploiter (4e partie) Intervention de Michel Geoffroy

lundi 25 octobre 2010

Polémia poursuit la mise en ligne de l'exposé de Michel Geoffroy sur : « Les failles du système, les repérer, les analyser, les exploiter », prononcé lors de Troisième Journée d'étude de la réinformation, organisée par Polémia le 16 octobre 2010. Michel Geoffroy traite ici des fissures du monde médiatique Et de l'apparition d'une dissidence politique et sociale croissante en Occident et notamment en Europe

 4e Partie
Les fissures du mur médiatique :
la montée de nouvelles dissidences

 

La dissidence « passive »

Il s'agit de signes « passifs », puisque ces manifestations de dissidence n'ont pas réussi à infléchir durablement le système pour le moment, même si elles traduisent une évolution en profondeur de l'opinion. C’était la plus ancienne forme de dissidence :

– le vote pour les mouvements et partis qualifiés de « populistes », d' « extrême-droite », donc de partis qui se posent en rupture avec le système : il concerne désormais la plupart des pays européens, avec des résultats tangibles au plan municipal ou provincial (exemple à Vienne avec 27% pour le FPÖ lors des élections du 10/10/10, soit plus 12 points par rapport à 2005) ;
– la progression de l'abstention aux élections (exemple les élections européennes où le taux d’abstention est passé de 39 à 57% en 30 ans)
– le décalage entre les opinions exprimées dans les sondages et les positions de la super-classe dirigeante (« majorité silencieuse) (2)

La dissidence « active »

Le fait nouveau est que la dissidence passive cède de plus en plus la place à des manifestations plus « actives » désormais.

D’abord les partis populistes finissent par exercer une influence politique directe au plan national:  c’est par exemple le cas au Pays Bas, après l’Italie (intégration de la Ligue du nord et de l’alliance nationale dans Forza italia) ; au Danemark avec une participation au gouvernement libéral conservateur; en Suède où la présence de « l'extrême droite » empêche la droite institutionnelle de constituer une majorité sans elle (ou alors avec la gauche).

Ensuite, on assiste à les actes de révolte populaire directe contre l'établissement politique qui se multiplient :

Exemples :

  • – les manifestations pro-vie en France (censurées par les médias) ;
  • – les apéros saucisson en France (réprimés....) ;
  • – la révolte des habitants de Stuttgart contre les projets de reconstruction de la gare ou de modification de la durée de la scolarité dans le primaire ;
  •  – la votation suisse contre les minarets de novembre 2009 ;
  • – la mobilisation contre la construction d'une mosquée au « ground zero » à New york (manifestations aussi contre la construction de mosquées en Allemagne) ;
  •  – le mouvement des tea party aux Etats Unis qui bouscule autant les caciques du parti républicain que les démocrates
  •  – la crise belge et le développement du discours séparatiste (concernait avant l'Europe du sud principalement)
  •  – la montée des préoccupations écologistes traduit aussi en partie un phénomène de révolte populaire des primo-occupants contre le bouleversement de leur environnement : mais c'est d'ailleurs pourquoi elle a été récupérée en partie par le Système et instrumentée pour contrer le vote « populiste »

La revanche asymétrique des « petits » et des mal-pensants

Ce type de dissidence présente un certain nombre de caractères remarquables :

             a) Auparavant ces phénomènes de dissidence étaient cantonnés à l'univers idéologique de la gauche et de l'extrême gauche (exemples: les appels en faveur des immigrés en situation irrégulière, mouvements contestataires divers, squats etc.…). Le fait nouveau est qu'il exprime désormais des préoccupations dites « de droite » : identitaires, conservatrices, chrétiennes ou reprises à la « gauche », régionalistes et localistes (en Italie la Ligue du Nord ou en Belgique les partisans de la partition) ;
             b) Dans beaucoup de ces cas il s'agit d'une mobilisation des autochtones ;
           c) Elle prend l’établissement à contrepied car elle ne s'effectue pas sur le registre institutionnel habituel (syndical par exemple). Elle utilise aussi des outils nouveaux de mobilisation (internet, réunions surprises). En outre elle aboutit souvent à faire reculer les pouvoirs établis (qui en général se sont prononcés, eux, favorablement pour les projets contestés). Des résultats sont obtenus, malgré une mobilisation hostile des médias et d’une façon générale des pouvoirs institués, c'est à dire de l'oligarchie dominante ;
           d) Cette contestation contribue à dépasser les classifications politiques traditionnelles ;
           e) Il s'agit de la revanche asymétrique des petits contre le Système, de la périphérie contre le centre. On ne reviendra pas sur le fait que la mobilisation via internet a permis plusieurs fois de contourner le carcan médiatique et de faire reculer le Système en France (exemple : la nomination de Jean Sarkozy à l'EPAD ou les révélations sur l'affaire Betancourt) : cet outil asymétrique redonne donc du pouvoir et de l'initiative aux "petits" , aux exclus du système médiatique, à ceux qui sont en bas (cf. A Touraine : « Les grands mouvements qui peuvent changer notre vie collective viennent d’en bas ». Le Monde des 5 et 6 septembre 2010)
Voir aussi l'effet de la « menace » du pasteur Terry Jones de « brûler le coran » comme moyen de faire pression sur le gouvernement américain contre le projet de Mosquée à « Ground Zero » Ce sont les réponses à la super classe mondiale qui voulait au contraire révolutionner la société par le haut, grâce à la concentration de tous les pouvoirs ;
           f) Ces réponses sont souvent associées à un discours « de classe » visant spécifiquement la nouvelle classe dirigeante qui ne comprend pas les préoccupations de la population autochtone et qui vit dans un monde privilégié ;
Exemples en France : la contestation du bling-bling et la mise en lumière des liens entre politiciens et affairistes ;
          g) Elles ont tendance à se multiplier. Le caractère assez général de ces manifestations donne à penser qu'elles peuvent déboucher un jour sur un bouleversement politique durable

L’usure rapide de l'image des équipes politiques mises en place par le Système :

– Le cas emblématique de Nicolas.Sarkozy : une dégradation très rapide (2 ans ) et pour la première fois le Premier ministre a eu une image plus favorable que celle du président. Phénomène inconnu jusqu'à présent.

– L'usure de l'image du messie Obama (selon un sondage Gallup les républicains bénéficieraient d'un avantage de 10 points devant les démocrates aux prochaines législatives : un écart jamais vu à mi-mandat depuis 1942, Bulletin quotidien du 2/9/10).
– Le dégonflement de l'image du libéral-démocrate Nick Klegg en Angleterre (12% de sympathies en aout soit la moitié par rapport à celles des élections du 6 mai 2010 : Bulletin quotidien du 2/8/10)

Ces phénomènes expriment le fait que l'hyper médiatisation ne suffit plus à assurer le soutien de la population : ce qui veut dire que le spectacle ne suffit plus à contenir la réalité ; l'opinion est de plus en plus sensible aux faits .

La libération de la parole à l'encontre des commandements de l'idéologie dominante

Ce phénomène est remarquable car il touche les fondements idéologiques du Système et alors que ce dernier a mis en place ces dernières années un appareil répressif très développé : mais manifestement cela ne suffit plus. Bien sûr il est encore limité : tous les tabous ne sont pas remis en cause mais ce qui frappe, c'est le fait qu'il touche aussi des membres de l'oligarchie et non pas seulement des « extrémistes » déjà diabolisés par le système:

Exemples:

  • – Les propos de Eric Zemmour sur la délinquance des personnes d'origine étrangère (non sanctionné mais a failli l'être) ; voir aussi les propos de l’avocat général de la cour d’appel de Paris Philippe BILGER – également rappelé à l’ordre – (Bulletin quotidien du 26/3/10) ;
  • – Les propos du Préfet Girod de Langlade sur l'africanisation de l'aéroport de Roissy (sanctionné) ;
  • – Les propos du ministre de l'Intérieur sur la délinquance des « roms » ;
  • – Les propos de Thilo Sarrazin (de la Bundesbank) sur l'islamisation en Allemagne (sanctionné). Il a reçu de nombreuses manifestations de soutien : 18% des allemands déclarent être prêts à voter pour un parti dont il serait le chef (Les Echos du 6/910). Ses propos ont été repris en partie par la CSU de Bavière (Horst Seehofer, Le Monde du 12/10/10) ;
  • – Les récentes publications de M.Triballat sur l'immigration ;
  • – Les travaux de Hugues Lagrange (Le déni des cultures, éditeur : Seuil 16 septembre 2010, 350p..) qui note la sur-représentation des jeunes issus de l’Afrique sahélienne dans les affaires de délinquance
  • – Les propos du cardinal Kasper (l’aéroport de Londres donne le sentiment que l’on arrive dans un pays du tiers monde)

Ces propos montrent qu'il est de plus en plus difficile de cacher certaines réalités (exemple : la progression de l'immigration africaine), même les privilégiés les constatent !

(A suivre)

Michel Geoffroy
Troisième Journée d'étude de la réinformation
16/10/2010
Polémia  
25/10/2010

Image : la fissure

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