La fabrication de l'opinion par les images : le cas du cinéma . Comment s'en délivrer ? (seconde partie)

lundi 2 novembre 2009

Deuxième Journée d’études sur la réinformation, organisée

le 24 octobre 2009

par la Fondation Polémia.

 

Communication de Michel Geoffroy




C) Comment se libérer de ce cinéma subliminal ?

Comment éviter le risque de contamination idéologique au cinéma ?

On proposera un traitement en trois étapes
    – la prévention
    – la thérapie
    – la guérison ou l’assurance raisonnable de la guérison


1/ La prévention d’abord

Un moyen simple de prévention pourrait consister à s’abstenir d’aller au cinéma ou de regarder des films. Cette abstinence radicale et aveugle aurait cependant l’inconvénient de se priver de la possibilité de se divertir en regardant de vrais bons films, de vrais chefs d’œuvre

On proposera par conséquent une méthode alternative : apprendre d’abord à décoder la publicité cinématographique

Comme n’importe quel produit commercial en effet, le film fait l’objet d’un marketing qui est destiné à séduire et attirer le client potentiel et si possible à le fidéliser via les produits dérivés qui sont source de droits. Comme pour l’industrie automobile, les « critiques » sont donc devenus un relais de marketing mais également un moyen de contrôle idéologique sur le client.

Regardons les commentaires figurant dans les analyses et critiques de films , voire sur les affiches elle mêmes : c’est à dire des qualificatifs dithyrambiques assortis d’une vague signature (référence à une revue ou un journal)
Exemples :

a) «  ce film intense et beau donne des frissons »  Télérama, à propos du film Welcome

b) « dans son film d’action rondement mené Neil Blomkamp inscrit en filigrane une critique sociale de l’apartheid » Le Monde du 16/9/09 à propos du film District 9

c) « un film grave entre deux rires » Télérama à propos de Gazon Maudit de J.Balasko (1999), qui valorise l’homosexualité féminine

d) « génial », « son plus grand film », « un chef d’œuvre », les films de Woodie Allen sont toujours des « chefs d’œuvre »

Il va de soi que ces analyses ne sont que de la publicité rédactionnelle. Mais cette publicité n’est pas idéologiquement neutre. Le dithyrambe porte plutôt  sur les films conformes à l’idéologie dominante ou réalisés par des réalisateurs au dessus de tout soupçon de ce point de vue. Il en va d’ailleurs plutôt de même des prix internationaux et des Oscars

Pour preuve il est intéressant de voir sur quels films se concentrent les critiques, quelques exemples de campagnes :

a) contre le film 300 de Zack Snyder (2007) qui a même touché la droite de conviction…. Or ce film exalte la défense du patriotisme et de l’identité grecque contre l’empire cosmopolite Perse (« Léonidas voulait que tu te redresses, moi je te demande seulement de te courber ») ; il est en outre d’une belle esthétique (inspirée de la bande dessinée)

b) contre le film la Passion du Christ de Mel Gibson (2004), voir Télérama :« cette passion est filmée comme un combat de boxe » ; on passe sous silence que le pape Jean Paul II avait dit :« cela s’est passé comme cela » et que le film vise justement à mettre en scène « Christ a souffert en rémission de nos péchés ». Dans le même registre, on pourra se reporter aux critiques du film de Franco Zeffirelli Jesus de Nazareth (1977). Manifestement la mise en scène du Christ pose problème à nos critiques professionnels…

c) contre le film Starship troopers de Paul Verhoeven (1997), d’après le roman de science fiction « Etoiles garde à vous » de Robert Heinlein ; toujours Télérama : « Verhoeven dévoile l’artificialité asphyxiante des combattants en herbe, pas si éloignée de l’esthétique de propagande des régimes fascisants » ; ce film est en effet une ode au service, à l’honneur militaire, au sens du sacrifice, à l’ordre et à la hiérarchie et les aliens sont en outre méchants et totalement inhumains alors que pour l’idéologie dominante les aliens doivent être plutôt bons, –ET de Steven Spielberg (1982)– et pacifiques, sinon pacifistes –le Jour où la terre s’arrêta de Robert Wise (1951) alors que dans le remake de 2008 de Scott Derrickson les aliens sont devenus écolos.

d) contre le film d’Andrzej Wajda Katyn (2009) parce qu’il met en scène que « la victime de la seconde guerre mondiale, c’est le polonais » et que « le juif n’existe pas » écrit Jean luc Douin dans Le Monde du 1/4/2009

Il faut aussi rappeler qu’à la mise en condition par l’orchestration de la critique s’ajoutent parfois les difficultés de diffusion (compte tenu de la concentration des réseaux de diffusion ) : un exemple, les difficultés rencontrées pour la diffusion du film La passion du Christ

D’où une première loi simple à énoncer : plus la critique est positive, plus le film a des chances d’être politiquement correct ; plus le film est critiqué, plus il a des chances d’être intéressant ! donc une préconisation simple : évitons les films encensés par la critique, allons plutôt voir les autres

2/ la thérapie ensuite :

Il se peut en effet que la prévention soit inefficace et que l’on se retrouve quand même piégé dans une salle obscure. Que faire alors ? Il faut apprendre à lire le film .

La thérapie consiste à procéder à un visionnage critique qui permet de prendre du recul par rapport aux effets cinématographiques et de démasquer le subliminal derrière le visuel.

Démasqué, le subliminal perd alors une bonne partie de ses effets : il devient même ridicule ou rentre dans la catégorie des films militants et peut être vu et dénoncé comme tel. Identifier le subliminal s’est en réalité s’en libérer !

On proposera trois thérapies simples

    – décoder les stéréotypes
    – éviter les remake
    – chercher les absents

A) 1ère thérapie : apprendre à identifier et à décoder les stéréotypes véhiculés par le film ; cela revient à se demander quelle vue du monde veut-on nous imposer.

a/ Comme produit culturel, le cinéma véhicule d’une façon subliminale différents concepts qui sont autant de stéréotypes. L’identification de ces stéréotypes permet de réduire le potentiel émotionnel du film et de redécouvrir qu'il ne s’agit pas de la vraie vie mais d’une mise en scène. C’est aussi un passe temps amusant qui permet de se distraire enfin en regardant un navet . On peut aussi rire à cette occasion car le rire est une excellente thérapie contre l’idéologie .

Ces stéréotypes  peuvent être portés :

    – soit par l’intrigue elle même ; premier exemple : A la poursuite d’Octobre Rouge de J. McTierman (1990), dérivé du roman de Tom Clancy auteur de romans fleuve à la chaîne. Il valorise la trahison du commandant de sous-marin soviétique qui décide de passer à l’Ouest. Le traître –joué par S. Connery– est ici sympathique car il passe à l’Ouest ; le traître symétrique est bien sûr antipathique, comme l’est dans ce film l’agent qui tente au péril de sa vie d’empêcher le commandant félon de livrer son sous-marin aux américains ; deuxième exemple :  Le Serpent  d’H.Verneuil (1972). Il y an a d’autres dans le même registre : comme  Le silencieux  de CL Pinoteau (1972) où le message subliminal est bien sûr que l’Amérique est un paradis et que la loyauté et le patriotisme ne doivent être respectés que s’il sont américains ; ou le dernier film de Gérard Jugnot Rose et noir  (2009) qui met en scène un couturier d’Henri III qui doit se rendre en mission à la Cour d’Espagne, accompagné de son secrétaire protestant, de son parfumeur juif et d’un coiffeur efféminé. Il est bien sûr hébergé chez le méchant Inquisiteur catholique. « On voit bien les nobles sentiments qui animent le réalisateur : appel à la tolérance tant en ce qui concerne les mœurs que la race » (critique des Echos, septembre 2009).

    – soit véhiculé d’une façon incidente, adjacente à l’intrigue, par une situation donnée ou un personnage : exemples :

 – Les Travaux de Brigitte Rouan (2005) : l’héroïne de ce film drôle, Carole Bouquet, est un avocat qui défend la cause des immigrés en situation irrégulière. Cela n’a pas de lien direct avec l’intrigue mais le message subliminal est que l’héroïne est vraiment sympa à la maison comme à la ville – comme dit Télérama à propos de ce film :« c’est la générosité qui l’emporte »–  et que les gens biens défendent les pauvres immigrés.

– Le remake de Godzilla de Roland Emmerich (1998) : dans ce film ce sont les essais nucléaires français qui sont à l’origine de l’apparition du monstre alors que dans le film original de Ishirô Honda (1954) ce sont les bombardements atomiques du Japon qui sont suggérés comme à l’origine du monstre.


b/ On peut ainsi s’amuser à identifier les stéréotypes que véhicule en général le cinéma américain quelle que soit l’intrigue  (ces différents stéréotypes sont devenus dominants au cinéma puisque c’est le cinéma américain qui domine) :

– Le mal vient de l’Etat et de l’autorité (les politiciens corrompus, voire à partir de l’affaire du Watergate la Présidence elle même, les militaires, les services secrets etc..) : c’est une constante du film américain. On notera par contre que jamais les institutions et les « valeurs » américaines ne sont mises en cause, de même que les entreprises (le film La firme de Sydney Pollack de 1993 vise une sorte de mafia). Exemple: comparer Excalibur de John Boorman (1981) et Merlin l’enchanteur, dessin animé de Wolfgang Reitherman/ Walt Disney (1963) où Arthur s’appelle…. Moustique et où la chevalerie est ridiculisée au travers du personnage de Keith….

– Le procès
: dans les films américains, il y a en général une scène de procès (la rédemption par le droit et par le jugement des hommes, image du jugement divin) au point que beaucoup de français pensent aujourd’hui que la procédure judiciaire française (inquisitoriale et non accusatoire) est celle qu’ils voient sur leurs écrans (certains disent « votre honneur » au président du tribunal comme dans les films américains ).

– La promotion de l’individu absolu
: dans le film policier américain, le héros est un « privé » ou un flic en rupture de ban (Inspecteur Harry) . Cet archétype renvoie à celui du « justicier solitaire » popularisé dans les « westerns ». Dans le film policier français, le policier est au contraire un fonctionnaire (archétype : le commissaire Maigret), donc au service de l’Etat. Le héros est aussi une « tête brûlée », sans lien avec quiconque.
On notera à cet égard l’analyse qui avait été faite par Roselyne Bachelot en 2006 (cf Les Echos du 9/10/2006) sur ce que cachaient les séries TV américaines : la promotion d’un individualisme farouche , la contestation de toute autorité et la promotion de la revendication des désirs immédiats.

– L’image de la route de la piste
, comme archétype du déracinement : le héros américain ne s’installe pas, c’est toujours un nomade (il roule, il marche, il part, il navigue etc…). A la fin du film, il repart toujours (sur la route, comme dans le film Waterworld de Kevin Reynolds (1995), où le héros –incarné par Kevin Kostner- parti à la recherche de la seule terre encore émergée, la quitte à la fin du film pour repartir sur les mers

– Cet archétype des films et documentaires américains se traduit dans la manie de tout ramener à l’homme si possible ordinaire : ce qui intéresse le cinéma américain c’est toujours le point de vue de Fabrice à Waterloo ; il s’agit de tout ramener à une dimension humaine banale et donc rassurante et surtout pas surhumaine, aristocratique ou héroïque. Un exemple : dans Les Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood (2007), ce qui compte c’est le sort d’un obscur soldat japonais, pâtissier de son état, qui réussit à survivre la bataille d’Iwo Jima.

– L’argent : symbole de la domination de la vision marchande du monde ; de nombreux « héros » du cinéma américain sont mus par l’appât du gain (ou le préservation de leur fortune)

– Les enfants insupportables : c’est la projection de la doctrine de B.Spock et une image de la société américaine ; dans le cinéma américain, l’enfant est sur le même plan que l’adulte, voire lui est supérieur (refus de l’autorité comme de la souveraineté)
Si on détecte ces archétypes, c’est que l’on est en présence d’un film américain ou américanisé  (ex : les films de Luc Besson), donc un film qui véhicule la vue du monde correspondante
 
c/ Il est encore plus drôle de décoder qui sont les bons et qui sont les méchants
et  quels sont les nouveaux modèles que l’on veut promouvoir

L’analyse des bons et des méchants est essentielle car en général la plupart des films de fiction sont construits sur une intrigue simpliste : le héros est d’abord victime du puissant méchant (ou témoin de ses agissements révoltants), mais à la fin il gagnera et détruira le méchant.

Plusieurs grilles de lecture s’offrent à nous :

En général les méchants sont ceux qui contestent « l’american way of life », qui combattent les Etats Unis ou qui vont à l’encontre de la nouvelle idéologie dominante.
Dans beaucoup de ces films il y a toujours une tirade où le « méchant » exprime ses convictions devant le héros prisonnier : c’est en général pour contester la décadence contemporaine, la société de consommation, la démocratie ou les fameuses « valeurs » (ex : ce que dit Fantomas dans les films d’A. Hunebelle :« où est le bien où est le mal », ou bien M. Drax à 007 dans le film Moonraker de Lewis Gilbert (1979) :« le thé est le seul apport incontestable des britanniques à la civilisation ».). De même le méchant est souvent cultivé et il adopte un mode de vie aristocratique et à l’européenne, ce qui est bien sûr un signe suspect pour le cinéma américain qui se veut « démocratique ».

D’où une préconisation simple : il est instructif de bien écouter ce que disent les méchants au cinéma !

Au delà du méchant archétypal qu’est le criminel au cinéma (le maffieux dans le cinéma américain), on soulignera aussi la plasticité du méchant au cinéma qui est incarné par différents types, qui comme par hasard correspondent à la politique américaine ; comme elle, ils évoluent donc avec le temps

a/– dans les années 50 il y avait l’espion, le communiste (incarné aussi par le monstre sans visage dans les films de fiction comme symbole du « totalitarisme » qui détruit l’« american way of life », ex : la Chose d’un autre monde de Christian Niby (1951) ; et aussi la réincarnation du méchant allemand (qui fut ensuite régénéré en personnage de « l’allemand antinazi » à mesure du réarmement allemand au sein de l’OTAN. La promotion de « l’allemand antinazi » dans le film de guerre américain allait donc faire florès,  ex : Torpilles sous l’atlantique de Dick Powell (1957). Où on est loin de l’esprit de Lifeboat !

b/– Aujourd’hui le méchant incarne l’ennemi du monde anglo-saxon : l’européen blanc (russo-fasciste), le chinois, le terroriste principalement
Dans la série des James Bond 007 (qui valorise au demeurant l’espionnage anglo-saxon), il est ainsi intéressant de voir dans ces films l’évolution de l’identité des méchants. Aujourd’hui le méchant russe ultra-nationaliste (ex. : Le Monde ne suffit pas  de Michael Apted (1999 ) ou le nord-corréen. Voir aussi dans le même registre l’Union Sacrée d’Alexandre Arcady (1988) : deux policiers, l’un d’origine juive (P.Bruel) et l’autre fils de harki (R.Berry)  parviennent à mettre hors d’état de nuire de dangereux extrémistes de droite.

Est aussi intéressante la mise en scène de la rédemption du méchant par l’argent : c’est le vieil archétype du « gentleman cambrioleur », celui qui recherche l’argent ne peut-être fondamentalement mauvais n’est ce pas ? Surtout s’il renvoie au mythe de Robin des Bois ou de Cartouche de Philippe de Broca (1962) : il vole les riches pour donner aux pauvres c’est évidemment très sympa.

Ainsi dans le film de Clint Eastwood Les pleins pouvoirs (1997), le héros est un voleur. Mais on se rassure, il y a pire que lui, le président des Etats Unis qui est un criminel et que notre héros va contribuer à démasquer (dévalorisation symbolique de la souveraineté)

Il est aussi instructif de rechercher qui n’incarne jamais un méchant au cinéma
(cela aide ensuite  à résoudre à coup sûr les enquêtes policières au cinéma…)
Il y a eu à partir des années 60 et sous l’influence croissante des « minorités » ethniques tout un code pour caractériser les bons et les méchants : les minorités sont rarement du côté des « méchants » et si c’est le cas (ex : le 007 Vivre et laisser mourir de Guy Hamilton de 1973 où tous les méchants sont noirs, mais heureusement on est à la Nouvelle Orléans et il y a donc des policiers noirs), il y aura toujours un « bon » de couleur pour assurer l’équilibre.
Dans le film de Clint Eastwood Gran Torino ( 2008) censé traiter de la question des bandes et des ghettos, en fait le héros fait face aux bandes ….hmongs qui comme  chacun sait sont la principale source d’insécurité et de violence aux Etats Unis.
Le film d’animation Le roi lion de Rob Minkoff et Roger Allers (1994) a dû être retiré de la diffusion vidéo/dvd suite à une scène contestée par les minorités (à la mort du vieux roi, le pays est livré aux prédateurs qui étaient représentés par des hyènes qui ont l’accent des noirs des ghettos et par un méchant lion Scar qui a une voix d’efféminé).
En général au cinéma les bons sont noirs et de nombreux films mettent en scène l’archétype du noir redresseur de torts (ex : Dans  la chaleur de la nuit de Norman Jewison 1967, USS Alabama de Tony Scott 1995 avec un beau subliminal adjacent : des ultranationalistes russes risquent de déclencher une guerre nucléaire ; mais heureusement Denzel Washington est là etc…). On assiste d’ailleurs à une tendance au « noircissement » du héros et du spécialiste au cinéma (c’est fou comme il y a des médecins, des juges ou des scientifiques noirs au cinéma …) signe indubitable de la montée en puissance de la communauté noire en Occident .

Au plan confessionnel, le personnage juif est généralement un bon ou une victime ; le chrétien, et surtout le catholique, est plutôt un méchant ou un douteux (de préférence pédophile s’il est prêtre bien sûr  [ex : dans le film V pour Vendetta, 2006 de James Mac Teigue, l’évêque anglican est pédophile ] ; au cinéma, les prêtres sympas en général sont sud-américains, adeptes de la Théologie de la libération). Et s’il y a un méchant islamiste, il y aura bien sûr un bon musulman intégré et moderne pour rétablir l’équilibre.
Et au cinéma le raciste est toujours un blanc (sauf le curieux film White Man de Desmond Nakano (1995) où les blancs sont opprimés par les noirs dans un monde inversé avec J.Travolta ; mais la  critique du film fut mauvaise !

D’où un conseil simple : le méchant au cinéma incarne « la boussole qui indique le sud »: il faut la lire à l’envers car ces archétypes reposent sur une inversion accusatoire

Le happy end final doit aussi se décoder .
Bien sûr au cinéma « le crime ne doit pas payer ». Force doit rester à la loi. Mais aujourd’hui le happy end signifie que force doit rester au mondialisme : la fin est toujours heureuse pour l’idéologie dominante et accessoirement pour les anglo-saxons.
Le méchant est en outre souvent détruit physiquement à la fin. Car on ne saurait transiger avec le mal.
La destruction finale du méchant (en général par le feu, l’explosion finale, projection de l’apocalypse biblique et si possible horrible) est un archétype du cinéma américain ; dans l’imaginaire américain le bien ne peut triompher que par la destruction définitive du mal qui n’a droit qu’à la reddition inconditionnelle.
A noter aussi que si des films à prétention historique mettent en scène des adversaires du monde anglo-saxon, le film débouche souvent sur leur mort (ex : Braveheart de Mel Gibson 1995 ou Michael Collins de Neil Jordan 1996 et les différentes représentations des guerres indiennes) . Le message subliminal ne serait-il pas : « avis à ceux qui veulent s’opposer à nous »?…

Cela renvoie a un autre archétype : celle du « libérateur » qui apporte le lumière aux peuples opprimés –en général en détruisant leurs croyances et leurs hiérarchies. Exemples :

a)– dans Stargate de Roland Emmerich (1994), le résultat final de l’intervention des héros (américains) est la destruction de toute la civilisation qu’ils découvrent (scène « voici votre dieu » où ils dévoilent le visage masqué d’un serviteur de Râ)
b)– Indiana Jones et le temple maudit de Steven Spielberg (1984) : notre héros a pour ennemi ceux qui veulent faire revivre le culte de Khâli et …chasser les anglais

La signification idéologique du happy end apparaît également dans le film catastrophe, un genre qui s’est développé dans les années 1970 ; la catastrophe, c’est en réalité la mise en scène de la fin du rêve américain sous ses différents symboles matériels : un bateau de croisière qui  est victime d’un tsunami, une tour qui prend feu, un avion géant qui doit amerrir, un bateau luxueux qui coule, un tunnel en feu, un tremblement de terre qui détruit la ville, une guerre nucléaire etc…Cela traduit la peur générée par l’irruption du risque irrationnel dans le meilleur des mondes . 
Heureusement cela se termine bien car tout rentre dans le (nouvel ) ordre (mondial) à la fin.

Conclusion : il est préférable de  partir avant le happy end final !


B) 2e  thérapie : préférer l’original au remake :

L’étude des « remake » (à distinguer des suites du genre « le retour de » destinées à fidéliser le client ) est intéressante car elle permet de voir comment un même thème est traité à différents moments du temps, par des auteurs différents, ce qui permet de mesurer expérimentalement  l’avancée de l’idéologie dominante ; c’est en effet l’intérêt du cinéma de fixer les images : il suffit pour cela de posséder les DVD/cassettes correspondants. Quelques exemples :

a)– La Guerre des mondes de Byron Haskin 1953 et celle de Steven Spielberg en 2005 : le film de Haskin met l’accent sur l’aspect religieux et moral de la confrontation avec les martiens (le pasteur se sacrifie pour communiquer, la scène finale se passe dans une église ; les derniers mots du héros (Gene Barry) « on attendait un miracle »). Le film de Spielberg, qui est certes un peu plus fidèle à l’atmosphère du roman de H.G. Wells, a totalement gommé cet aspect des choses : le héros (Tom Cruise) qui est divorcé se débat autant avec ses insupportables enfants qu’avec les martiens. A noter aussi un exemple de subliminal adjacent : son ex-femme recommande bien à son fils de préparer son exposé sur « l’occupation française en Algérie » (sic)

b)– Jeanne d’Arc : on peut comparer le film de Victor Fleming (1948 avec Ingrid Bergman) avec celui de Jacques Rivette (1993 avec Sandrine Bonnaire) et celui de Luc Besson (1999 avec Milla Jovovich dans le rôle) : au fil des films la dimension chrétienne du personnage s’estompe. Dans le film de L.Besson, Jeanne devient une sorte d’hystérique (avec une explication freudienne à la clef : elle a vu dans sa jeunesse sa sœur se faire violer) qui ressemble beaucoup à son personnage de Nikita

c)– Le Survivant / je Suis une légende, le film de Boris Sagal de 1972 (avec Charlton Eston dans le rôle principal) et celui de Francis Lawrence en 2007 (avec Will Smith) : le film de 2007 est presque l’inversion de celui de 1972 ; en 1972 le héros est blanc et rencontre une survivante noire ; en 2007 c’est l’inverse. La symbolique quasiment religieuse de la fin du film de 1972 (le héros crucifié donne son sang pour fabriquer une antidote) a disparu du film de 2007 (le héros se fait sauter avec les mutants qui l’attaquent).

d)– Le Temps des doryphores ( J de Launay et D. Rémy 1964 ) / l’Oeil de Vichy (claude Chabrol 1992) : exemple intéressant puisque ce sont presque les mêmes images, puisées dans le même fond d’actualités. Le film de Rémy (avec les commentaires de François Perrier) prenait beaucoup de distance vis à vis des actualités et de la période. Dans le film de Chabrol le commentaire lugubre de Michel Bouquet ramène systématiquement tout aux persécutions antijuives.

Conclusion : il est préférable d’éviter les remake !

C) 3e thérapie
: chercher les absents c’est à dire les thèmes désormais (auto) censurés en Europe : les idées que l’on veut tuer en Europe

En effet le film sert aussi à la rééducation par ce qu’il ne montre pas ou plus. Il est frappant de constater que certains types de films ne sont plus produits ni diffusés en Europe, mais seulement ailleurs, aux Etats Unis, par exemple (et un peu en Russie). Il serait naïf de penser qu’il ne s’agit là que d’une raison de budget .

Quelques absents de marque :

a)– Le film historique et le film de guerre en Europe. Si on filme la guerre en Europe c’est désormais pour promouvoir un message pacifiste (Un long dimanche de fiançaillles de JP Jeunet 2004) nihiliste ( Capitaine Conan de Bertrand Tavernier 1996, Un héros très discret de jacques Audiard 1995) ou ambigu sur le registre culpabilisant comme Le crabe tambour de Schoendorfer (1977) ou Dien Bien phu  (1992) , sans parler des nombreux films relatifs à la guerre d ‘Algérie. Il va de soi que l’on ne saurait exalter les principes héroïques et guerriers en Europe ni bien sûr les grandes figures du passé national. Par contre on peut tourner des films de guerre mais à la condition qu’ils se passent ailleurs ( Stalingrad de J.J. Annaud (2000) film anglo-américain) .
La mise en suspicion des héros est bien sûr une constante des films français ex : OSS 117 ne répond plus de Michel Hazanavicius (2009) « veut en finir avec cet agent secret raciste et homophobe. Corrosif et drôle » écrit Samuel Blumenfeld dans Le Monde du 11/4/2009.

Les films français assurent aussi une nouvelle image de l’homme et de la femme. La femme devient dominante, elle fait des métiers d’hommes (juge, flic) ; l’homme est de plus en plus cantonné dans des métiers ou des situations féminins (médecin, s’occupe des enfants) ; voir aussi la promotion cinématographique de l’homosexualité  ( Gazon Maudit de J.Balasko 1999)

A contrario on assiste à un renouveau spectaculaire du film de guerre américain depuis le 11/9/2001 (en 2002 1/3 des films en tête du box office sont des films de guerre) ; cela permet de mesurer qui est encore acteur de droit international et qui est simple supplétif !

b)– La valorisation du patriotisme
: trois entrées seulement dans le dictionnaire du cinéma de Télérama : The patriot de Roland Emmerich (2000) qui traite de la guerre d’indépendance et de la lutte contre les méchants loyalistes qui se comportent comme les SS en Pologne, La patriote film de Maurice tourneur (1938) (sur la Russie) et Les patriotes de Eric Rochant  (1994), une histoire de services secrets israéliens : moralité, le seul patriotisme cinématographique est américain et israélien

c)– Le film religieux chrétien : il n’est plus incarné que par le cinéma russe avec L’ïle de Pavel Lounguine (2007). A noter que le cinéma indien continue de produire du cinéma (et de la TV) religieux

d)– Le film sociétal
: beaucoup de thèmes sont traités (homosexualité, divorce, chômage, immigration etc…), mais un thème est en général évité : l’insécurité urbaine (sauf du point de vue des « jeunes » cf la Haine de Mathieu Kassovitz (1995) ; voir aussi dans le même registre compassionnel le film américain Boy’z in the hood  de John Singleton (1991) ; à noter que le cinéma américain a dans le passé abordé le thème : Un Justicier dans la ville avec Ch Bronson (1974) et ses nombreuses suites , mais il est vrai que les délinquants représentés étaient en général blancs. De même, on évite d’aborder le sort des autochtones face à l’immigration. L’immigration n’est évoquée que sur un registre compassionnel. Le cinéma français repose par exemple sur le complexe de la rédemption par « l’autre », ce qui traduit une incontestable maladie de l’identité.
On notera sur ce plan que cette approche de l’immigration a été véhiculée autant par la comédie que par le film « sérieux » (comme Welcome) : des films comme Black Mic Mac de Thomas Gilou (1985),  film qui a eu une suite en 1988 avec un autre réalisateur ou Périgord noir de Nicolas Ribowski (1988) sont au service de la promotion de l’immigration, comme la Cage aux folles d’Ed Molinaro (1978) qui connaitra 2 suites l’a été pour la promotion de l’homosexualité : le rire est au service de l’idéologie

Conseil  : si l’on veut des valeurs traditionnelles aujourd’hui au cinéma il faut voir du cinéma …. chinois , indien ou russe ou des films d’avant 1980


                                                                                * * *


D) L’espoir enfin

Ces premiers conseils devraient permettre d’éviter le risque de contamination idéologique au cinéma.
On ne doit pas oublier en outre que le verrouillage idéologique du cinéma est loin d’être  total :

1/– d’abord la production est foisonnante :

a) le site IMBD recense 715 108 films produits dans le monde de 1940 à nos jours (donc en 69 ans cela fait une moyenne annuelle de 10 364 films ! )

b) en 10 ans le nombre de films sortis en France a augmenté de 40% ; I/3 des 550 salles parisiennes sortent un nouveau film toutes les semaines (Le Monde du 12/4/2005)

c) les distributeurs indépendants existent encore malgré la pression des « majors »

La multiplication des vecteurs (cassettes, DVD, Internet) permet aujourd’hui  la conservation et la diffusion d’œuvres qui échappent à la maîtrise des réseaux de distribution et donc au contrôle idéologique et donne de nouvelles possibilités de choix au spectateur (d’où sans doute la volonté de réguler/contrôler le téléchargement ….). Avec l’enregistrement le spectateur est moins passif face à l’image (même si dans le même temps les écrans se sont multipliés). La bonne nouvelle c’est que le cinéma et la télévision ne sont plus les seuls écrans possibles. Les possibilités de diffusion et de reproduction qui s’offrent aujourd’hui au spectateur (cassette, DVD, enregistrement ) lui permettent un visionnage critique « à tête reposée », possibilité dont ne disposaient pas nos parents ni nos grands parents qui restaient prisonniers de la (re)diffusion en « salle obscure » .

2/– ensuite la domination du cinéma américain n’est plus absolue : c’est le bon côté de la mondialisation ! Il doit supporter aujourd’hui la concurrence croissante du cinéma asiatique, indien (il détient le record mondial du nombre annuel de films tournés), russe ; or ces cinémas véhiculent des « valeurs » bien différentes de celles du cinéma « américain » et en tout cas beaucoup plus traditionnelles et enracinées. Il y a en particulier une renaissance du cinéma russe qui est très intéressante car il prend le contrepied de l’idéologie dominante

3/– enfin certaines œuvres réussissent d’ores et  déjà à franchir le contrôle idéologique –en général grâce au recours à la fiction ou au divertissement– et se diffuser dans le public en véhiculant un message lui aussi sous-jacent (le recours à la fiction –et en France au comique– a toujours été un moyen de franchir le barrage de la censure : cf les contes philosophiques de Voltaire ou les fables ). Il faut donc aussi apprendre à les détecter et à les décoder. Exemples :

a- Les Visiteurs de JM Poiré (1992) qui tire aussi son succès de son message sous-jacent : l’inversion des valeurs et des hiérarchies liée à la modernité. On a pu parler sur ce plan d’une « morale du rire » (Norbert Multeau la NRH n° 23  mars avril 2006) : dans ce film, ce n’est pas tant Godefroy de Montmirail qui fait rire que Jacquouille et ses descendants enrichis ; si les valeurs de la chevalerie sont dépréciées dans la société marchande, les nobles restent néanmoins des nobles et les manants, même s’ils sont devenus puissants, restent des gueux

b- la saga Le seigneur des anneaux, de Peter Jackson (de 2000 à 2003)  ,adaptation de l’oeuvre de Tolkien, qui redonne vie au genre épique mais aussi avec les légendes celtiques et germaniques. Mais il se lit aussi comme une analyse critique du royaume de Sauron, c’est-à-dire de la domination de l’or dans lequel nous vivons. Son public est majoritairement européen de souche …
c- Goodbye Lenin de Wolfgang Becker ( 2003) : film à plusieurs niveaux : drôle (la maman communiste qui se réveille d’un comas et à qui l’on cache que la RDA a disparu) mais aussi plus nostalgique d’un ordre social où l’argent et l’individualisme  ne dominaient pas

d- Black Book de Paul Verhoeven (2006) : qui bouleverse la répartition habituelle des bons et des méchants sous la seconde guerre mondiale

e- que penser aussi du film La Chute d’Oliver Hirschbiegel (2005) qui marque sans doute un tournant important dans la relecture du passé allemand et européen (il suffit de voir l’attitude sidérée du public pendant la projection de ce film pour le mesurer?)

Certains films –y compris américains– ont aussi de multiples significations  qu’il convient de décoder. Exemples :

a)-Invasion Los Angeles de John Carpenter (1988) qui met en scène la découverte par le héros d’une invasion d’extraterrestres, mais qui est en réalité le prétexte à un message sur la nature de la société marchande destructrice des communautés humaines et accessoirement sur le pouvoir de ceux qui maîtrisent les médias dans la société américaine (d’ailleurs la critique le considère comme un film nihiliste…) .

b)-Voir aussi sur ce registre l’Invasion des profanateurs (1956 par Don Siegel et son remake de 1978 par Ph .Kaufman) qui peut se lire comme une allégorie du déracinement moderne et la destruction de la société traditionnelle et son remplacement par un ordre inhumain, à l’origine le communisme ; ne vise-t-il pas aussi la société marchande ?

c)-voir la série télévisée Le prisonnier de Patrick Mac Goohan (17 épisodes en 1967) « je ne suis pas un numéro » « le monde doit devenir le village » (c’est à dire aseptisé et contrôlé) « on ne voit que le N°2 jamais le N°1 » : c’est une préfiguration remarquable du monde contemporain

d)-Le dernier Samouraï d’Edward Zwick (2004), film américain qui critique l’américanisation du monde (le film établit un parallèle entre la destruction des indiens et du japon ancestral)

 Par conséquent s’il y a des films à éviter il y a aussi des films à recommander !

C’est en tout cas une invitation à la réflexion et donc à la réinformation !


Voir :
Première partie : http://www.polemia.com/article.php?id=2493


Téléchargement de l’ensemble du texte en pdf :

 http://www.polemia.com/pdf/reinfo.cinema.pdf


Image: extraire du film "il faut sauver le soldat rayan

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