Le « Gestell » ou « dispositif utilitaire » qui règle le monde

samedi 20 décembre 2008

Le monde occidental se définit de façon aristotélicienne (voir « Métaphysique : les 4 causes ») par le schéma suivant :

 
 
Idéal
 
 
 
 
 
 
Divinité
←   
 
mortels
 
 
 
 
 
 
Racines
 
 

Le « Gestell » ou « dispositif utilitaire » a remplacé ce monde par un im-monde fondé sur 4 idoles : le moi, l’argent, la masse et la technique. Cela donne le schéma ci-dessous :

 
 

Argent

 
 
 
 
 
 
Moi 
←   
 
Masse
 
 
 
 
 
 
Technique
 
 

Mais les hommes du dispositif utilitaire (nos contemporains tombés dans l’oubli de l’être) ne sont pas conscients véritablement d’avoir adopté ces quatre idoles. Il est vrai qu’ils méditent peu et se consacrent à poursuivre les idoles de l’Etant sans réfléchir au sens de leur vie. Le dispositif utilitaire fait tout par ailleurs pour empêcher cette prise de conscience. Les quatre idoles sont donc masquées par un habillage idéologique qui a pour but de faire perdre au citoyen la conscience de son être véritable afin qu’il soit une véritable « matière première » pour l’économie : consommateur interchangeable et producteur interchangeable.

L’habillage correspond au schéma ci-dessous :

 
 
Développement
 
 
 
 
 
 
Droits de l’homme
←   
 
égalité dite démocratique
 
 
 
 
 
 
Libération
 
 

Nous touchons là aux dogmes « sacrés » de notre société dite moderne qui s’identifie au dispositif utilitaire. Quoi de plus sacré que le développement économique qui se situe comme l’impératif majeur (la cause formelle d’Aristote) ? Il est certain que cet objectif fait l’unanimité, comme le montre Nietzsche dans « Ainsi parlait Zarathoustra » : « Nous avons inventé le bonheur », disent les « derniers hommes » et ils clignent de l’œil. Il n’est d’ailleurs pas question d’aller contre, car ce serait de toute façon impossible. Le développement dans son essence fait partie de l’histoire de l’être. Le problème n’est pas de l’abolir, comme le croient naïvement certains écologistes (« Le socialisme moins l’électricité ! », pour paraphraser Lénine). Le problème est de prendre conscience de son essence pour s’en garder et prendre le recul nécessaire : derrière le « développement » comme dogme intouchable, il y a l’idole de l’argent. Doit-on tout lui sacrifier ? Poser la question est déjà s’approcher de la réponse, entrer dans « l’éclaircie de l’être » : autrement dit, prendre conscience de la vanité de la volonté de volonté de développement, de l’argent pour l’argent.

Quoi de plus « sacré » que l’égalité démocratique ? Un peu de connaissances historiques montre que la recherche de l’égalité conduit à la dictature et la terreur : Robespierre, Babeuf, Lénine, Staline, Pol Pot et à sa manière Hitler. C’est le processus de massification dénoncé par Tocqueville dans « De la démocratie en Amérique ». Du point de vue de la massification et de la normalisation de l’individu, les Etats-Unis et l’ancienne Union soviétique sont métaphysiquement (pas politiquement) la même chose ! Cette égalité est le prétexte à un renforcement sans limites de l’Etat, la « nouvelle idole » dénoncée par Nietzsche (l’Etat est le plus froid des monstres froids : il ment froidement et son mensonge est : « Moi, l’Etat, je suis le peuple »). Là encore, il ne s’agit pas de renoncer à l’état de droit (et donc à l’isonomie reçue des Grecs) mais à la mystique égalitaire. Il ne s’agit pas de détruire la démocratie mais la religion démocratique : ramener la démocratie à ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : une procédure parmi d’autres.

Quoi de plus « sacré » que la libération ? On préfère aujourd’hui dire « la liberté », entendue essentiellement comme « absence de contraintes » ! Derrière ce joli mot se profile le déchaînement de la technique sans la moindre retenue. Là encore, il ne s’agit pas de renoncer à la technique, ce qui serait impossible car elle appartient à notre destinée (notre être historial). Il s’agit de démasquer l’essence de la technique comme danger pour l’essence de l’homme. La souveraineté de la technique détruit toute morale et toute beauté. Quant à la libération de l’ordre naturel, cela conduit nécessairement l’être humain à la destinée sinistre : errer sans racines dans un monde dévasté.

Quoi de plus « sacré » que les Droits de l’homme ? L’histoire aussi devrait apprendre la méfiance : Staline a signé la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU ; cela ne lui posait aucun problème. Derrière le prétexte des droits de l’homme, il y a souvent la protection des criminels. Il est logique que ceux-ci en souhaitent le culte ! Derrière les droits de l’homme, qui effacent les devoirs, il y a la volonté de souveraineté de l’ego. Le gonflement de l’ego est au cœur même de cette société moderne qui a tué toute référence à Dieu, au divin, au sacré.

Les droits de l’homme contre le devoir et le sacré, l’égalitarisme hyper-démocratique contre l’autonomie de la personne humaine, le développement et l’argent comme seuls buts avoués d’une société matérialiste, la libération de toutes les racines pour faire de l’homme une matière première sans patrie, tel est l’habillage qui permet au « Gestell » de tromper les hommes et de les manipuler. Heidegger a bien montré l’essence du communisme dans la volonté de puissance nihiliste. Le système n’a plus rien d’humain : les dirigeants eux-mêmes sont arraisonnés par le système. Il a fallu la faillite économique totale pour que l’URSS se mette à changer. Mais l’Occident est métaphysiquement de même nature : c’est une variante du « Gestell » qui a triomphé des variantes communiste et fasciste. Mais c’est aussi un système que les hommes ne maîtrisent plus !

Yvan BLOT
24/11/08
Polémia

Voir :
http://www.polemia.com/article.php?id=1793
http://www.polemia.com/article.php?id=1781

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