Théorie du genre : Différence sexuée et orientation sexuelle, ne pas tout confondre

lundi 31 octobre 2011

La protestation (impuissante) de députés UMP vis-à-vis de la nouvelle rédaction des manuels de première en science de la vie et de la terre amène, à nouveau, à s’interroger sur une polémique concernant la question des identités sexuées, des orientations sexuelles, et de ce que l’on appelle le genre. Polémia donne ici la parole à l’essayiste Pierre Le Vigan : nuancé dans ses positions mais ferme dans son rejet de ce lyssenkisme pédagogique.

Polémia

De quoi s’agit-il ? Les manuels de première de science de la vie et de la terre indiquent « si l’identité sexuelle et les rôles sexuels et ses stéréotypes dans la société appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle appartient à la sphère privée. » Paradoxe : affirmer dans un manuel public que « l’orientation sexuelle appartient à la sphère privée » est quelque peu contradictoire.

L’identité sexuée nous est assignée par la nature

Mais l’essentiel est ailleurs. L’identité sexuée c’est pour l’immense majorité d’entre nous le genre sexuel, masculin ou féminin, qui nous est assigné par la nature, ou si on préfère le hasard ou encore le destin. L’ambiguïté anatomique est ici très rare et donc l’identité sexuée est pour l’immense majorité un non-problème. Elle est évidente. A côté de cela, on parle parfois d’une identité sexuelle, qui serait plus ouverte. Si on veut dire par là que, dans la psychologie de chacun, coexistent des éléments féminins et des éléments masculins, c’est exact. Mais la notion d’identité sexuelle tend plutôt à introduire de la confusion. Ce qu’il faut mettre en rapport avec l’identité sexuée, c’est bien plutôt la notion d’orientation sexuelle. Or celle-ci est effectivement ouverte, un homme peut aimer les hommes, en tout cas les préférer. Idem pour une femme qui peut préférer ses semblables au sexe opposé. Ce que nous apprend la sociologie la plus élémentaire c’est tout de même que cette orientation ne concerne rarement plus de 10 % d’une population. Elle est marginale comme celle des collectionneurs de timbres ou des passionnés d’histoire napoléonienne, ce qui bien entendu ne dit rien de sa valeur ou de non-valeur. Soyons clair : l’idée de discriminer les homosexuels est antipathique, l’idée de les recenser aussi – ce qui paradoxalement invalide l’idée défendue par certains homosexuels d’imposer le « outing », déclaration comme quoi on est ou on a été à l’occasion praticien de l’homosexualité, ou encore d’imposer un quota d’élus en fonction de leurs orientations sexuelles.

Pour ma part, je trouve souhaitable d’éduquer au rejet de l’homophobie c’est-à-dire à combattre l’idée que les homosexuels seraient moins respectables (ou moins courageux, ou moins franc, moins loyaux, etc.) que d’autres. Cela fait partie des multiples aspects de la morale civique, et d’ailleurs de l’intelligence la plus élémentaire. L’important est de ne pas tout confondre. Or une tendance actuelle tend à dire que les orientations sexuelles ne sont que le fruit d’un conditionnement culturel et qu’il faut combattre celui-ci. Dans cette perspective, c’est toute la littérature enfantine, ou une bonne partie de la littérature tout court qui font partie de ce conditionnement. On voit l’absurdité. L’histoire de l’homme comme créateur d’œuvres littéraires et artistiques est condamnée. Or l’histoire de l’homme n’est pas autre chose que l’expression de ce qui lui est propre anthropologiquement.

Le genre dépend de la nature, l’orientation sexuelle relève de la sphère privée

Le genre, c’est-à-dire être homme ou femme y compris dans des dimensions sociales et symboliques fait partie de l’identité sexuée et un homosexuel homme reste du point de vue de la sexuation et même de la société pleinement un homme, sauf cas très rares des transsexuels. L’orientation sexuelle est bien autre chose que l’identité sexuée c’est-à-dire le genre, masculin ou féminin, elle relève bien souvent d’une histoire personnelle que la société - et, pour le coup, nous serons d’accord avec le manuel de première, - n’a pas à connaitre ; c’est une affaire privée. Voir dans le genre, comme le font les gender studies bénéficiant avec une folie inconscience d’une chaire à sciences po une pure histoire de rapports de force, et en clair de dominations des schémas masculins, c’est un contresens total. C’est surtout du constructivisme anthropologique dans la filiation directe du communisme le plus stalinien. Que l’identité sexuée ait à voir non seulement avec l’anatomie mais avec les sédimentations culturelles c’est une évidence et cela prouve une fois de plus que la nature de l’homme c’est aussi d’avoir une culture : l’homme est un animal naturel et culturel. Mais que les sédimentations culturelles soient l’origine – et une origine soi-disant « artificielle » - des identités sexuées est absurde.

Freud faisait l’éloge des « belles différences ». L’écrivain Michel Schneider s’attache aussi à la valeur symbolique et structurante pour l’homme de ces « belles différences ». Que la pratique homosexuelle, prédominante ou occasionnelle, s’inscrive dans une différence à l’intérieur de ces « belles différences », c’est une chose. Que ces orientations et ces pratiques puissent aboutir à nier les identités sexuées elles-mêmes ce n’est pas sérieusement défendable.

Pierre Le Vigan
27/10/2011

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Pierre Le Vigan est l’auteur de Le malaise est dans l’homme, sous titré Psychopathologie et souffrances psychiques de l’homme moderne, Avatar, 2011, 200 pages

Correspondance Polémia – 31/10/2011

Image : Théorie du genre

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