Tramway des Maréchaux : un conformisme idéologique coûteux

mardi 7 octobre 2003
La querelle francilienne sur le tramway des Maréchaux semble incompréhensible au profane : au mieux c’est un psychodrame autour d’un choix technique, au pire une querelle politicienne inexplicable, la droite paraissant s’opposer à une solution qu’elle a proposée.
La réalité est autre : le choix de la municipalité parisienne de Bertrand Delanoë est celui du conformisme idéologique coûteux contre le bon sens. Explications.

1 Qu’il faille améliorer la desserte autour de Paris en transports en commun, tout le monde en convient. C’est ce qui explique qu’en 1998/1999 des voies de bus, avec séparateur de chaussées, furent créées au sud de Paris pour améliorer la capacité et la vitesse commerciale du « PC », bus de petite ceinture. D’autres améliorations étaient envisageables, tel que le remplacement des matériels actuellement utilisés par des bus articulés de dernière génération type « civis », voire par un tram à guidage magnétique.

2 C’est une solution plus ambitieuse et aussi plus coûteuse qui fut retenue en 2000 lors de la signature du contrat de plan Etat/région (auquel fut associée la municipalité parisienne de Jean Tibéri) : l’aménagement d’un tramway sur rail au sud de Paris entre les portes de Versailles et d’Ivry.

3 À partir de là, deux options étaient possibles : l’installation d’un tramway sur le côté ou le milieu du boulevard des Maréchaux ou bien la revitalisation de l’emprise des voies SNCF de la Petite ceinture. Les études du service régional de l’équipement :
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et http://15e.free.fr/9t2/ecotab.htm
ont présenté de manière claire les données du choix. Pour une population desservie identique (240 000 habitants ou emplois à moins de 600 m des arrêts), l’option petite ceinture offrait une capacité double à l’heure de pointe du matin (possibilité d’atteler deux rames) et une vitesse commerciale plus élevée (28 km/h au lieu de 15 à 20 km/h), le tout pour un prix moindre : de l’ordre de 200 millions d’euros au lieu de 300.
Ajoutons que la solution de réhabilitation de la voie de Petite ceinture n’avait aucun impact ni provisoire (durant les travaux) ni définitif sur la circulation automobile, alors que l’option des Maréchaux conduisait à supprimer 850 places de stationnement et à réduire de 40 % la surface des voies de circulation sur le boulevard des Maréchaux là où le périphérique est étroit (trois voies) et au trafic particulièrement dense (desserte du Parc des expositions et des autoroutes du Sud et de l’Ouest de la France).

4 Tous les arguments rationnels et de bons sens conduisaient donc à retenir l’option de la Petite ceinture : plus performante mais aussi moins chère, alors même que l’Etat et la commune de Paris ont des difficultés financières.

C’est pourtant l’option du boulevard des Maréchaux qui fut choisie par la municipalité rouge-rose-verte de Bertrand Delanoé : en effet son objectif n’est pas seulement d’améliorer la qualité des transports en commun (ce qui est légitime), mais aussi (ce qui l’est moins) de gêner la circulation automobile et d’empêcher les véhicules venant de banlieue de circuler autour de Paris ou d’entrer dans la capitale, et ce en créant une série de « bouchons » aux portes de Paris.

5 Un tel choix n’est ni géographiquement, ni économiquement, ni moralement justifié :
Ni géographiquement justifié parce que le développement de l’agglomération en grande couronne rend inéluctable l’usage de la voiture individuelle, surtout pour les déplacements complexes de banlieue à banlieue.
Ni économiquement justifié car, en semaine en tout cas, la voiture est d’abord un outil de travail.
Ni moralement justifié parce que parmi les usagers de la voiture, on trouve souvent les pères ou les mères de famille qui en font un double usage pour déposer les enfants à l’école (70 % des déplacements domiciles/école primaire se font en voiture) puis pour aller travailler.

6 Le choix de la municipalité parisienne n’est donc pas conforme à l’intérêt général, ni en terme de justice sociale, ni en terme d’attractivité économique de l’Ile-de-France, mais il est fondamentalement idéologique : anti-automobile. Il peut aussi s’interpréter en terme d’électoralisme voire de lutte des classes : 55 % des habitants de Paris n’ont pas de voiture et les célibataires branchés et les couples sans enfants qui constituent le cœur de l’électorat de la municipalité parisienne considèrent les véhicules des « banlieusards » comme importuns. Ici l’égoïsme se pare des couleurs de l’écologie !

7 Ceci étant, la bataille du tramway n’est pas terminée. La ville de Paris qui finance 20 % du projet ne peut décider seule. Elle doit tenir compte de l’Etat (20 % aussi du financement) et surtout du Conseil Régional (60 % du financement). C’est d’ailleurs le vote des conseillers régionaux, le 27 novembre prochain, qui tranchera définitivement l’affaire.


Jean-Yves Le Gallou
7/10/2003
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