Information, communication et canicule

samedi 2 août 2003
Informer, c’est porter à la connaissance de tiers des faits si possible exacts et précis en les replaçant dans un juste contexte de causes et de conséquences.
Communiquer, c’est scénariser et théâtraliser des données, vraies ou fausses, dans un but idéologique, politique ou commercial : vendre un produit ou faire adopter sa vision des choses.
Dans la société hyper médiatisée qui est la nôtre, la communication a tué l’information. De même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, l’immense bruit de fond de la communication sature les canaux d’information.

Il y a là une des causes des morts de la canicule.
Explications.

Observons d’abord qu’en amont, l’alerte a été parfaitement donnée par Météo-France avec presque une semaine de préavis ; à partir du 25/26 juillet, Météo-France a annoncé un rafraîchissement des températures dans la dernière semaine de juillet suivi à partir du 3 août par un réchauffement exceptionnel et caniculaire. Gouvernement et autorités sanitaires étaient donc prévenus avec presque dix jours d’avance.

Et d’ailleurs, dès le 4 août, la direction générale de la santé (DGS) envisagea de publier un communiqué d’alerte, mais deux thèses s’affrontèrent : fallait-il insister sur les risques de la chaleur ou sur ceux de la pollution ? Les risques de la chaleur étaient sanitairement les plus grands… mais ceux de la pollution médiatiquement beaucoup plus porteurs. Entre une information médicalement pertinente et une information médiatiquement conforme, la D.G.S. ne trancha pas… et ne publia pas de communiqué.

Elle se rattrapa quatre jours plus tard, le 8 août, en mettant en garde contre les dangers de la grosse chaleur et en indiquant les moyens de s’en prémunir en buvant beaucoup d’eau. Pour l’essentiel les grands médias méprisèrent cette information peu « exploitable » commercialement ou idéologiquement. Ces recommandations de bon sens (boire, se protéger du soleil, se rafraîchir), ces conseils simples pour troupe scoute ou armée en manœuvre furent donc dédaignés. Comme le fut le communiqué du cabinet Mattéi trois jours plus tard.

Dans la recherche des responsabilités indirectes des morts de la canicule, il est donc clair que le système de communication doit être impliqué : il n’a nullement relayé les informations essentielles qui ne présentaient pas d’intérêt pour lui, n’étant ni spectaculaires ni exploitables politiquement ou idéologiquement, ni faciles à mettre en scène.

Au demeurant on peut se demander s’il aurait suffi d’une vaste campagne publicitaire ou médiatique sur la nécessité de boire pour diminuer significativement le nombre de morts de la canicule : parce qu’il était très difficile de faire boire suffisamment les personnes âgées et fragilisées qui sont mortes tout simplement parce qu’elles ne ressentaient pas la soif. Et qu’il fallait la présence quasi-constante d’un proche ou de personnel soignant pour les faire boire assez.

Bref, la communication de masse ne peut pas tout. Elle ne peut pas remplacer la qualité et la responsabilité d’un contact humain personnel. Elle ne peut pas non plus redonner la jeunesse à des grands vieillards fragilisés, ni donner une famille à ceux qui n’en ont pas eu ou n’en ont plus.


Jean-Yves Le Gallou
2/09/2003
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