Houla (Syrie) : encore une bavure médiatique ou une manipulation calculée ?

vendredi 8 juin 2012

Une polémique s’est ouverte à la suite de l’utilisation mensongère récente par la BBC d’une photographie prise il y neuf ans en Irak. Le coup est classique, Polémia l’a déjà traité lors de sa première cérémonie des Bobards d’Or en 2010.
Néanmoins, ce qui vient de se passer avec la célèbre chaîne britannique va au-delà de la négligence du journaliste de service, puisque, non seulement on décèle des intérêts financiers, mais encore on soupçonne quelques connivences sinon quelques complicités entre journalistes et politiques pour soutenir une propagande au bénéfice ou, au contraire, aux dépens d’un Etat souverain.
Comme le dit David Duke : « Les mass-médias mondialistes remuent ciel et terre pour qu’il y ait la guerre en Syrie, tout comme ils l’ont fait en Libye et en Irak. »
Polémia

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Le 27 mai 2012, la BBC publiait sur son site une photo montrant des cadavres alignés censés être ceux des Syriens massacrés à Houla.
C'était, en fait, un cliché pris en mars 2003 en Irak, au sud de Bagdad par Marco di Lauro.

En légende de la photo publiée sur le site de la BBC, on peut lire que le cliché a été transmis par un activiste, que son authenticité n’a pu être vérifiée, mais qu’il est censé montrer les victimes du massacre de Houla.

Le photographe, qui couvre depuis une quinzaine d’années la plupart des conflits internationaux du Kosovo au Soudan, est bien en cour auprès des grands médias occidentaux, qui lui achètent régulièrement ses clichés.

Ses images, diffusées par l’agence Getty, sont publiées par les plus grands journaux et magazines du monde. 


En découvrant le cliché, le photographe a déclaré au Daily Telegraph avoir « failli tomber de sa chaise », ajoutant :

« On utilise sans autorisation, comme preuve du massacre de Houla, une de mes photos à des fins de propagande antisyrienne sur la page d'accueil du site de la BBC. »


« Je suis très surpris qu'un organisme comme la BBC ne prenne pas la peine de vérifier ses sources et soit prêt à publier n'importe quelle photo envoyée par un simple militant, ou un journaliste ou qui que ce soit d'autre. »


La photo qui illustrait l’article intitulé: « Indignation croissante et condamnation après le massacre de Houla » a été retirée du site sitôt après l'identification de la source.

Ci-dessous, un article de Keith Harmon Snow, « Slaughter Slant: Houla Massacre Sparks Media Blame-game », publié le 30 mai 2012 par Dissident Voice et qui donne un certain éclairage à cette manipulation.


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Le massacre de Houla déclenche une guerre médiatique entre les deux camps

L'épisode le plus horrible depuis le début du soulèvement en Syrie vire rapidement à la bataille de relations publiques, chaque camp, et leurs alliés, accusant l'autre d'avoir perpétré le massacre de Houla. A peine quatre jours après les meurtres de plus d'une centaine d'hommes, de femmes et d'enfants, les médias sont noyés d'images avançant l'une ou l'autre version des faits. 
Parlant de la bourde de la BBC qui a publié une photo prise en Irak, Keith Harmon Snow, journaliste et enquêteur sur les droits humains, explique qu'elle ne peut en aucune façon avoir été publiée par erreur.

Keith Harmon Snow :

RT (la chaîne d'information russe en langue anglaise, NDT) a publié mes déclarations concernant Marco di Lauro, photographe des médias dominants occidentaux, et celles selon lesquelles les fabrications d"' « informations » de ce genre sont récurrentes dans les médias mainstream qui couvrent la guerre en Irak, en Afghanistan, au Congo, au Soudan, au Rwanda, et partout ailleurs. 
Ce que RT a repris de mes propos est tout à fait pertinent mais je voudrais apporter quelques précisions supplémentaires.

Comme pour tous les photographes d'agences de presse officielles qui couvrent les conflits, leurs images sont vendues à des fins de propagande. La déclaration qu'a faite Marco di Lauro est hypocrite: ses photos ont été maintes et maintes fois utilisées pour vendre les guerres du Pentagone et de l'Otan. 


Marco di Lauro vend ses clichés par l'intermédiaire de Time, de Getty Images, de l'Associated Press et d'autres, et ils ont servi à vendre les interventions militaires illégales de l'Otan au Soudan, en Afghanistan, en Irak et ailleurs. 
Au Soudan, par exemple, les images de Marco di Lauro ont été utilisées pour vendre la propagande occidentale qui accusait le président Omar al Bashir de génocide, tout en occultant les opérations secrètes du Pentagone auxquelles participaient George Clooney, John Prendergast, Eric Reeves et d'autres en tant que personnalités (lire: propagandistes) médiatiques de premier plan.

« On utilise sans autorisation, comme preuve du massacre de Houla, une de mes photos à des fins de propagande anti-syrienne sur la page d'accueil du site de la BBC. »

« Je suis très surpris qu'un organisme comme la BBC ne prenne pas la peine de vérifier ses sources et soit prête à publier n'importe quelle photo envoyée par un simple militant, ou un journaliste ou qui que ce soit d'autre », pleurniche Marco di Lauro.

Marco di Lauro prend bien soin de ne pas contester sérieusement le système qui le nourrit. Il est absurde de dire « qu'un organisme comme la BBC ne prenne pas la peine de vérifier ». Tout est vérifié pour éviter les procès en diffamation. Il ne s'agissait pas d'un accident. En disant qu'il s'agit de propagande, Marco di Lauro peut ainsi s'immuniser et immuniser le système contre les critiques sur la guerre totale de l'information dans laquelle il est partie prenante et que nous, citoyens ordinaires, subissons. Ses photos sur la Bosnie ont servi à corroborer la Politique de Génocide qu'utilisait l'establishment pour désigner mensongèrement les ennemis de l'occident.

Cet exemple montre également comment un étranger blanc appartenant à la classe des privilégiés utilise les privilèges et la couleur de peau pour servir les intérêts de la caste dirigeante blanche.

La photo de Marco di Lauro prise en Irak et utilisée pour la propagande sur la Syrie avait précédemment servi à dissimuler les crimes de guerre des US, de l'Otan et d'Israël en Irak en attribuant la responsabilité de ces cadavres d'enfants (?) au gouvernement de Saddam Hussein.


Le photographe joue un rôle déterminant dans la guerre psychologique qui fabrique les génocides et les crimes de guerre toujours commis par nos ennemis (les Taliban, Omar Bashir, Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, etc.) et il passe sous silence les génocides et les crimes de guerre commis par nos propres gouvernements, les agences de services secrets, les opérations secrètes, les machines de guerre, et ceux de nos alliés (Israël, la Grande Bretagne, le Rwanda, l'Ouganda, la Hollande, l'Allemagne, etc.).


Quand Afshin Rattansi, interviewé par RT, déclare dans ce reportage qu' « il ne s'agit pas d'un complot », lui aussi soutient le système.


C'EST un complot. Il y a une conspiration du silence (par les médias et les soi-disant « journalistes ») une conspiration de propagande et de désinformation, et une conspiration de guerre – pour renverser le gouvernement syrien. Nous avons constaté, maintes fois déjà, ces conspirations de violence, toutes destinées à soutenir les bombardements, les massacres et les atrocités en Irak, en Afghanistan, au Congo, au Rwanda, au Soudan, en Libye et dans d'innombrables autres pays.

Finalement, la légende ajoutée par la BBC sous la photo qui indique que c'est une « photo transmise par un activiste » fait partie de l'opération de manipulation mentale – destinée à nous amener à penser que cette photo provient d'un citoyen militant, sans doute une personne soucieuse et qui ne fait que son devoir pour révéler les horreurs de ce régime arabe (lire: terroriste).

La légende sert à donner à la photo un cachet d'authenticité, et également à protéger la BBC, au cas où quelqu'un devinerait ce que se passe réellement ici, où l'image n'est pas ce qu'elle prétend représenter. Une fois que l'image est publiée, le mal est déjà fait. C'est la Fabrique du Consentement telle que l'ont décrite Noam Chomsky et Edward S. Herman.

Keith Harmon Snow est correspondant de guerre, photographe et enquêteur indépendant. Il a reçu à quatre reprises (en 2003, 2006, 2007, et 2010) un prix décerné par Project Censored, un groupe de recherche sur les médias de la Sonoma State University. 
Il a également été chargé de cours de droit social en 2009 à l'University of California Santa Barbara, reconnu pour son travail de plus d'une dizaine d'années, à l'extérieur du milieu universitaire, contestant les récits officiels sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides tout en travaillant aussi en tant qu'enquêteur sur les génocides pour les Nations Unies et d'autres institutions.

Autres articles de Keith Harmon Snow parus dans DV.

Son site.
NB: on peut voir le reportage de RT sur le site source.

Par emcee
3 juin 2012
http://blog.emceebeulogue.fr/post/2012/06/03/Massacre-de-Houla%3A-la-photo-publiée-par-la-BBC-provoque-une-polémique

Lire en complément sur le site en fin d’article à l’adresse ci-dessus : « Note perso » (d’un correspondant).  

Correspondance Polémia – 8/06/2012

Image : photo prise en Irak en 2003 utilisée par la BBC pour illustrer un reportage sur Houla en Syrie en 2012

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