Les vraies raisons de la défaite de Sarkozy

dimanche 6 mai 2012

Au premier tour, le « bloc patriotique » (Sarkozy, Le Pen, Dupont-Aignan) a obtenu 47% et devancé la gauche – 43% – de 4 points. Le total de la droite et du centre s’élevait même à 56%. Pourtant, malgré une campagne extrêmement active et « clivante », Nicolas Sarkozy ne parvient à rassembler au deuxième tour que 48,1% des suffrages (à 20h.). Ce résultat plus qu’honorable est le reflet d’une campagne acharnée. La stratégie « à droite toute » était la bonne, mais elle ne pouvait suffire à rétablir la situation. Trois raisons expliquent l’échec du candidat de l’UMP : la démonétisation de la parole sarkozyste, l’absence de réciprocité dans les relations avec le Front national, le fait que dans le passé les pires réformes soient dues à la « droite » de gouvernement et non à la gauche.

Polémia

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La décrédibilisation de la parole sarkozyste

La méthode Sarkozy a fonctionné 10 ans (de 2002 à 2012) : un événement, un déplacement, une annonce, une loi. L’espace médiatique a été saturé. Mais les Français n’ont vu aucun résultat : ni sur la maîtrise de l’immigration, ni sur le pouvoir d’achat, ni sur l’emploi, ni sur la défense des valeurs familiales. Pour une raison simple : il est arrivé que la parole sarkozyste ait été transgressive mais son action a toujours été politiquement correcte. Un certain nombre d’électeurs de droite ont fini par s’en apercevoir. Ceux qui ont une mémoire d’éléphant – et non de poisson rouge – ont même pu aller jusqu’à voter Hollande pour sanctionner l’enfumage dont ils ont estimé avoir été victimes en 2007.

La non réciprocité des relations avec le Front national

Les relations humaines sont fondées sur la réciprocité : c’est le don et le contre-don des sociétés traditionnelles, c’est le « passe-moi le séné, je te passerai la moutarde » des relations de table (ou des relations politiques !).

Cette règle n’a pas été respectée par l’UMP : après avoir fait voter aux élections cantonales de 2011 pour des candidats socialistes contre des candidats Front national, Nicolas Sarkozy a sollicité pour lui-même les voix des électeurs du Front national, sans promettre en rien la réciprocité : les plus audacieux de ses ministres (en service commandé, comme Gérard Longuet) se sont bornés à dire qu’en cas de duel FN/PS ils s’abstiendraient. Comment, dans ces conditions, reprocher à Marine Le Pen d’avoir choisi le vote blanc ?

Les pires mesures ont été prises par des gouvernements RPR ou UMP

« Les réformes les plus contestables, qui ont bouleversé notre société et dont l’effet cataclysmique se fait sentir aujourd’hui, ont d’ailleurs été prises par des gouvernements et des présidents de droite et non de gauche : la déstructuration de l’enseignement scolaire et universitaire, la loi Pleven qui ouvre la voie au chantage « antiraciste », le regroupement familial des immigrés, la légalisation de l’avortement, l’imposition du Traité de Lisbonne, l’annonce des « repentances » successives, la perte de la souveraineté monétaire, la réintégration de l’OTAN, la mise en place des quotas féministes, la création de la HALDE, la « discrimination positive », etc.

« C’est aussi la droite, et non la gauche, qui a bouleversé l’esprit et les institutions de la Ve République. Avec la cohabitation de 1986, la droite a accepté de dissocier la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, créant la confusion politique et l’immobilisme. Elle a ensuite réduit la durée du mandat présidentiel, diminuant du même coup sa dimension souveraine. Nicolas Sarkozy a achevé l’évolution en fusionnant de fait les fonctions de premier ministre et de président de la République, rabaissant le niveau de la fonction.

« C’est aussi la droite qui a bouleversé, au nom de l’idéologie néolibérale de « l’Etat de droit », le système de contrôle de la constitutionnalité des lois : elle a transformé le Conseil constitutionnel en gardien idéologique, c'est-à-dire qu’elle a organisé la primauté des juges inamovibles sur les législateurs élus.

« La gauche a, certes, supprimé la peine de mort, voté les lois Auroux sur le pouvoir syndical dans l’entreprise, instauré les 35 heures et voté la loi Fabius-Gayssot, des réformes également cataclysmiques. Mais cela ne saurait cacher que globalement c’est la droite de gouvernement qui a à son passif le plus de réformes calamiteuses pour notre pays. » (Source : Michel Geoffroy, Vae victis : la défaite méritée de la droite la plus bête du monde, 6/05/2012)

Vers un réveil des forces identitaires ?

La méthode utilisée depuis 1968 est toujours la même : gagner les élections « à droite », gouverner selon le politiquement correct, avec ce paradoxe qu’une mesure mise en œuvre par la gauche est davantage combattue que la même mesure proposée par « la droite ». Ainsi Jospin n’avait pas osé mettre en œuvre la discrimination positive et créer la HALDE. Mais Chirac et Sarkozy l’ont fait quasiment sans opposition.

A quelque chose malheur est bon, le retour d’un socialiste à l’Elysée va rebattre les cartes et réveiller les énergies, d’autant que l’état de grâce sera de courte durée compte tenu du refus de prendre toute mesure protectionniste en faveur de l’emploi et de la croissance. La situation économique sifflera rapidement la fin de la récréation électorale.

Andrea Massari
Polémia
6/05/2012

Image : Nicolas Sarkozy, avril 2012

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