Le gouffre des finances publiques : l'échec de la démocratie représentative

lundi 31 octobre 2011

Pour Yvan Blot la cause politique première de la dette des Etats occidentaux est à chercher dans la démocratie représentative. Celle-ci confie le pouvoir à des gérants irresponsables prisonniers de la préférence pour l’immédiat. A contrario, la Suisse faiblement endettée montre les bienfaits de la démocratie directe.

Polémia

Tous ruinés dans dix ans, tel est le titre d’un ouvrage récent de Jacques Attali. Dans ce livre, l’auteur dit : « Jamais, sauf en période de guerre, la dette publique n’a été aussi élevée dans les pays occidentaux ».

La démocratie représentative : des gérants irresponsables

C’est vrai mais il ne dit pas pourquoi. La vraie raison est que la démocratie représentative pure est devenue un régime oligarchique gouverné par des gérants irresponsables : politiciens mais aussi hauts fonctionnaires des finances, dirigeants de syndicats et associations irresponsables, dirigeants des médias, etc. Attali ajoute : « Jamais l’endettement n’a fait peser autant de dangers sur la démocratie ! » Là, il se moque du monde car nous ne sommes plus en démocratie sinon formellement et c’est la démocratie directe qui permettra de sortir de cette spirale infernale de l’endettement, comme le montrent de façon différente les exemples islandais et suisse. Enfin, Attali propose, pour réduire cette crise, de réduire les dépenses publiques mais surtout d’augmenter les impôts et de réduire le pouvoir d’achat par l’inflation. Autrement dit, Attali propose de réduire les dépenses publiques mais surtout d’augmenter les impôts ou de réduire le pouvoir d’achat par l’inflation, c’est-à-dire que le contribuable paiera les fautes des gérants de l’Etat et des banques. C’est ce que les Islandais ont récemment rejeté par référendum !

« La préférence pour l’immédiat » (Hoppe)

Le livre d’Attali est superficiel. Pour comprendre pourquoi nos Etats se sont tant endettés, il faut lire les analyses du professeur d’économie Hans Hermann Hoppe, Allemand vivant aux USA, sur « la préférence pour l’immédiat ». Selon lui, conformément aux travaux de l’école autrichienne libérale (von Mises et von Hayek), seuls les propriétaires et pères de famille sont prêts à investir systématiquement à long terme. Les gérants non propriétaires veulent gagner le maximum à court terme, en raison de leur statut instable de gérant. Or, notre société est dirigée principalement par des gérants : les élus politiques et les managers ; ils agissent avec l’argent des autres et perdent donc toute prudence ! C’est vrai des politiciens comme des banquiers non propriétaires de leur établissement. Le professeur d’économie Pascal Salin montre quant à lui que nous ne sommes plus en régime capitaliste car ce ne sont pas des propriétaires mais des « managers » qui dirigent et qui prennent des décisions où le court terme est l’horizon déterminant.

La préférence pour l’immédiat fait des ravages en Occident. Le comportement correspondant est celui du « je veux tout et tout de suite » des enfants mal élevés et des délinquants. Pour Hoppe, la crise démographique, la montée du crime, l’accroissement de l’endettement public et même l’invasion migratoire ont une cause commune : la préférence pour l’immédiat. Les pouvoirs publics ne défendent pas l’espace public contre les intrus avec autant d’énergie que le feraient des propriétaires privés.

Dans le secteur privé, comme dans le secteur public, les propriétaires responsables sont marginalisés par les managers irresponsables qui négligent le long terme. Il faut responsabiliser les décideurs. En politique, Hoppe préconise la privatisation du pouvoir (retour à la monarchie !) mais on peut aussi prôner la démocratie directe, les deux n’étant nullement incompatibles, comme le montre le Liechtenstein. Ses suggestions ont fait l’objet de débats passionnés aux USA mais la France est restée à côté de la discussion, politiquement correct oblige !

Supériorité de la démocratie directe en gestion des finances publiques

L’étude, censurée en France, des professeurs Feld et Kirchgässner (2008) montre que les outils de la démocratie directe, le référendum financier, le référendum veto, voire l’initiative populaire, permettent de réduire le niveau des impôts et des dépenses de 30% et le niveau des dettes publiques de 50%. Ces résultats ont été prouvés par des études empiriques portant sur de longues périodes aux USA et en Suisse. Ils ne sont pas étonnants. Depuis longtemps, les économistes du « public choice » montrent qu’en régime parlementaire pur, les politiciens ont intérêt à faire des cadeaux à leurs électeurs et donc à augmenter les dépenses. Le financement est assuré par des impôts frappant des minorités électorales (IRPP) ou des impôts indolores (TVA) ou l’endettement qui reporte la charge sur les générations futures. Les socialistes sont passés maîtres pour faire ces largesses avec l’argent des autres mais ils ne sont pas les seuls !

En Suisse le référendum financier

En Suisse, au niveau cantonal ou municipal, existe une arme redoutable pour lutter contre cette dérive : le référendum financier. Les dépenses publiques très fortes ou les dépenses récurrentes sont en effet soumises à des référendums obligatoires. Ainsi, les citoyens de Zurich ont refusé par deux fois la construction (très chère) d’un métro ! Ils ont préféré le tramway et le maire (socialiste) a dû se résigner. Tout ce qui est palais des congrès, tours en centre-ville ou cité administrative géante est soumis au bon vouloir des citoyens qui imposent souvent le retour à la mesure et à la raison. De même, l’endettement est soumis à référendum, ce qui a pour effet d’en réduire le montant. Une autre arme est le référendum facultatif ou référendum veto. Par pétition, les citoyens peuvent contester une décision de l’assemblée locale ou nationale et déclencher un référendum. C’est ainsi que les citoyens suisses ont par trois fois refusé la TVA. Celle-ci a fini par être adoptée mais avec un taux très faible. Quant à l’initiative populaire, elle a permis de réduire les impôts pour obliger les pouvoirs publics à réduire les dépenses lorsque l’outil du référendum financier n’existait pas : on se souvient de la Californie du temps de Reagan et de la proposition 13 ! Les citoyens et les propriétaires jouent avec leur argent, les oligarques avec l’argent des autres Pourquoi les citoyens freinent-ils les dépenses, les impôts et l’endettement lorsqu’on les consulte ? C’est que leur argent à eux est en cause alors que les oligarques politiques, syndicaux ou de la fonction publique ou des banques jouent avec l’argent d’autrui. Dans nos sociétés occidentales, les classes moyennes ont un poids électoral prépondérant. Il s’agit souvent de petits propriétaires qui n’ont pas des réflexes de gérants à court terme ! C’est pourquoi une bonne gestion exige que la démocratie des propriétaires l’emporte sur l’oligarchie des managers. C’est ce qui se passe en Suisse.

Petit fait significatif : la Suisse s’appelle officiellement, en allemand, « Schweizerische Eidgenossenschaft ». On traduit à tort (y compris en Suisse) par « Confédération suisse ». Mais le mot « Genossenschaft » signifie « association de copropriétaires » ; « Eid » veut dire « serment ». L’expression veut dire mot à mot : Association de copropriétaires unis par un serment de se défendre en commun. On est loin de l’Etat socialiste ou de l’Etat abstrait des Jacobins !

Yvan Blot
Président de « Agir pour la démocratie directe »
17/10/2011

Voir aussi :

« Démocratie : le Dieu qui a failli » par Hans Hermann Hoppe 
Qui a endetté la France ? 

Correspondance Polémia – 31/10/2011

Image : Le professeur d’économie Hans Hermann Hoppe

Archives Polemia