La télévision tue, la télévision abêtit : Faut-il l'interdire ? (édito 10/2011)

mercredi 12 octobre 2011

Assurément non : la liberté d’expression, la liberté des ondes et d’Internet sont des biens précieux… de surcroît protégés par la technologie. Et pourtant on sait aujourd’hui de source sûre que la télévision tue et abêtit. La méta-étude du neuroscientifique Michel Desmurget, TV Lobotomie : La Vérité scientifique sur les effets de la télévision, ne laisse aucune place au doute. Il n’est plus possible à l’honnête homme d’ignorer ces faits. Ni de ne pas en tenir compte. Ce qui implique de limiter l’emprise publicitaire, notamment sur les enfants. Andrea Massari fait le point.

TV Lobotomie : La méta-étude de Michel Desmurget

Depuis plus d’un demi-siècle des études scientifiques sont conduites sur les effets de la télévision. Michel Desmurget a réalisé la synthèse d’un millier d’entre elles. TV Lobotomie / La Vérité scientifique sur les effets de la télévision, de Michel Desmurget.

La conclusion est sans appel : les 3h 30 passées en moyenne chaque jour devant l’écran de télévision – au total 16 ans de vie éveillée – ont un coût terrifiant : fréquence plus grande de l’obésité, augmentation des risques de maladies cardio-vasculaires, déclin du niveau cognitif des seniors, corrélation entre exposition à la télévision et développement de la maladie d’Alzheimer, diminution de l’espérance de vie et affaiblissement de la vie sociale. Voilà pour la population générale. Et le professeur Desmurget de conclure : après la cigarette ou le fast food, nul doute que la télévision sera la prochaine grande question de santé publique.

Pour les jeunes, il faut ajouter : apathie plus fréquente et taux d’échec scolaire proportionnels à l’exposition à la télévision, propension accrue à la violence et aux comportements sexuels à risques.

La télévision et l’enfant

Le blog de la liberté scolaire a ainsi résumé l’impressionnante liste des effets nocifs de la télévision tels que Michel Desmurget les a établis :

– La télévision « empêche le déploiement optimal des fonctions cérébrales », compromettant ainsi « l’ensemble du devenir intellectuel, culturel, scolaire et professionnel de l’enfant ».

– La télévision fait apparaître des troubles du langage chez l’enfant, associés à des troubles de l’élocution, notamment parce qu’elle limite les interactions entre les personnes réelles et laisse moins de temps aux activités ludiques spontanées.

– La télévision occasionne des retards de langage et fait baisser le niveau de compétence langagière ; elle limite l’acquisition de vocabulaire et l’accès aux compétences syntaxiques de base.

– La télévision a un « impact négatif sur l’attention, les facultés d’apprentissage et la réussite scolaire à long terme », avec un risque accru de quitter l’école sans diplôme et de ne jamais s’asseoir sur les bancs de l’université.

– La télévision occasionne des difficultés en lecture et fait baisser le temps de lecture, qui se trouve réduit à la portion congrue ; ainsi, un flux cathodique permanent (la télévision en bruit de fond) diminue de presque 30% le temps de lecture des 5-6 ans, qui passe de 49 à 35 minutes quotidiennes en moyenne.

– La télévision fait baisser le niveau scolaire général, en français comme en mathématiques et, par manque d’interaction, n’aide en rien à apprendre les langues étrangères.

– La télévision fait baisser le niveau universitaire. L’étudiant soumis depuis la petite enfance à une forte exposition à la télévision souffre de très graves lacunes en orthographe, en conjugaison, en syntaxe, en vocabulaire, il manque de logique, de capacités analytiques et d’esprit de synthèse – tout cela lui interdit tout accès à des savoirs complexes.

– La télévision, « troisième parent cathodique », réduit « drastiquement le volume et la qualité des interactions parents-enfants », mutilant ainsi la sociabilité intrafamiliale.

– La télévision castre l’imaginaire enfantin ; les enfants rejouent les scripts des films et des séries et n’inventent plus de jeux.

– La télévision augmente la consommation de tabac et d’alcool et la fait commencer plus tôt.

– La télévision pousse au sexe de plus en plus jeune et génère des taux élevés d’avortements chez les adolescentes (cf. Une étude porte spécifiquement sur l’addiction à la série mythique Desperate Housewives et démontre qu’elle multiplie par trois le risque de grossesses non désirées chez les adolescentes).

– La télévision constitue une addiction psychologique chez les enfants et les adultes, notamment en accaparant l’attention par le changement perpétuel.

– La télévision augmente l’obésité. Regarder la télévision plus de 2 heures par jour multiplie le risque de surpoids d’un enfant de 3 ans de 2,6% ; pour un adolescent, ce risque augmente de 55%.

L’étude de Michel Desmurget doit être prise au sérieux surtout si l’on considère que 50% des Français allument la télévision en arrivant chez eux, par réflexe, et qu’ils la regardent en moyenne 3h 30 par jour.

Protéger les jeunes enfants d’une exposition dangereuse à la télévision

C’est évidemment aux parents d’agir pour protéger leurs enfants des effets néfastes de la télévision alors qu’elle apparaît souvent comme le baby-sitter le plus commode (toujours disponible) et le moins coûteux (du moins à court terme !).

Michel Desmurget donne cinq pistes aux parents responsables : au mieux « zéro télé » pour toute la famille ; sinon, pas de poste dans la chambre des enfants ; pas de télévision avant 6 ans ; moins de 3 heures par semaine devant un écran (télévision ou vidéo) pour les écoliers et les collégiens, et jamais le soir ; et pour les adultes, avoir toujours à l’esprit les risques d’isolement, de maladies, de déclin cognitif…

Casser l’addiction publicitaire

Encore faut-il que les parents soient correctement informés : or, la réalité est tout autre ! Les parents sont en effet sollicités par des publicités en faveur de programmes pour bébés ou très jeunes enfants dont on leur raconte que cela contribue à leur éveil… Ce qui est un mensonge absolu.

Il nous faut aussi décrypter la logique publicitaire : réaliser des programmes pour enfants, truffés d’images et de messages, pour transformer les mineurs en prescripteurs d’achats de leurs parents ; et les formater à la consommation avant 10 ans. Cette logique-là est proprement inacceptable Elle pourrait être brisée : en interdisant la mise à l’étalage des produits dont la promotion repose sur la publicité – ouverte ou clandestine – à destination des enfants. Mais cela supposerait une indépendance de la classe politique vis-à-vis des lobbies…

L'Addictature : La tyrannie de la dépendance

De même l’usage de la télévision par les nourrices agréées devrait être strictement interdit, au même titre que l’est le recours à des calmants chimiques.

Ne pas imposer aux adultes une exposition non voulue à la télévision

« Fumer tue ». La télévision aussi.

Contre le tabac des mesures de prophylaxie collective ont été prises : chacun reste libre de fumer mais l’interdiction de fumer dans les lieux publics protège les non–fumeurs de la nocivité du tabac.

Il devrait en être de même pour la télévision. Chacun, bien sûr, doit pouvoir rester libre de regarder ou non, chez lui, la télévision. Mais chacun devrait aussi pouvoir rester libre de ne pas se voir imposer la télévision en dehors de chez lui. Tel n’est pas le cas. Au contraire, il est insupportable que les écrans de télévision soient imposés à tous dans l’espace public : commerces, transports, cafés et restaurants. Et qu’on ne vienne pas dire que chacun peut choisir de regarder dans une autre direction car le cerveau humain est un cerveau programmé pour regarder ce qui bouge. Quand une télévision est allumée tout le monde la regarde, volens, nolens.

L’exposition publicitaire télévisuelle obligatoire dans les lieux publics n’est donc rien d’autre qu’une technique d’ahurissement qui doit être dénoncée comme telle. Et elle doit être interdite pour préserver la liberté d’esprit de tous.

Les voleurs de cerveaux

Nous n’avons fait qu’évoquer ici de simples mesures d’hygiène.
Hygiène individuelle, chez soi.
Hygiène collective : à l’extérieur.

Leur mise en œuvre sera évidemment difficile : car le monde d’aujourd’hui appartient à ceux qui – selon l’expression de Patrick Le Lay – « achètent du temps de cerveau disponible » à TF1. C’est bien contre « Big Brother » qu’il faut se révolter. Andrea Massari 12/10/2011

Image : TV Lobotomie : La Vérité scientifique sur les effets de la télévision

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