Benjamin Brafman, l'erreur de Dominique Strauss-Kahn / Le procès tourne à l'affrontement communautaire.

samedi 11 juin 2011

« La grande erreur de Dominique Strauss-Kahn, c’est de ne pas avoir pris un avocat noir » Cette confidence d’un avocat américain a pris son sens, lors de l’audience du 6 juin. Le procès de DSK a pris une dimension communautaire, un aspect très surprenant pour les Français, mais indissociable des procès américains. 



La vedette de la journée n’a pas été le « plaidé non coupable » de DSK, mais la manifestation des femmes de chambre, aux cris de « shame on you » et, surtout, l’entrée en lice spectaculaire et très réussie de Kenneth Thompson, l’un des maîtres du barreau noir et défenseur des minorités. On ne l’attendait pas. Il a ravi la vedette à la défense et a imposé un nouveau discours.

Pour DSK c’est très mauvais. Il va être présenté comme le puissant, soutenu par un lobby communautaire, s’acharnant sur une pauvre femme noire et immigrée. Noirs contre juifs, ce serait en France impensable. Ce sera aux USA incontournable.



Et c’est, bien sûr, dans ce sens que le choix de DSK de Benjamin Brafman, avocat juif, affirmant haut et fort sa judaïté et ses préférences israéliennes et communautaires, est un mauvais choix, contré par l’entrée en lice de Thompson, défenseur des Noirs opprimés.



Un positionnement racial qui va jouer fort

Les relations raciales aux USA sont toujours compliquées et tendues. Celles entre Noirs et juifs peut-être encore plus. Pour les militants noirs engagés dans les combats « civiques », les juifs sont souvent présentés comme des Blancs plus influents que les autres. Ce discours, qui choque en France, est admis là-bas, où l’on verra finalement Strauss-Kahn accusé de la morgue de l’argent et d’un comportement indigne, vis-à-vis d’une femme noire. On lui reprochera, en fait, de ne pas avoir compris totalement que l’esclavage était aboli.

C’est un angle d’attaque racial, mais en France on dirait raciste. C’est un angle d’attaque en tout cas très efficace. O.J. Simpson a été acquitté au pénal, car symbole d’un Noir qui avait réussi et que la justice blanche voulait démolir. Strauss-Kahn, lui, sera présenté comme celui qui porte atteinte à la dignité des immigrés pauvres, noirs et travailleurs, au nom d’un sentiment de supériorité et d’impunité, proche de la discrimination. Mauvais au pénal. Cela risque, de plus, de lui coûter une fortune au civil.

Tout cela ressort de la première intervention de Kenneth Thompson. Devant les journalistes, réunis en masse à l'extérieur du tribunal, l'avocat a plutôt insisté sur le «calvaire» de sa cliente, contre-attaquant les arguments de la défense. Alors que Ben Brafman, conseil de DSK, réfutait le principe de «rapport non consenti», Me Thompson a affirmé qu'il y avait eu «une agression sexuelle terrible». Selon lui, sa cliente ne peut désormais «plus travailler», «ne peut plus rien faire à cause des sévices subis». 



«Mais c'est une femme digne et respectable», qui témoignera contre l'ancien patron du FMI, a-t-il encore ajouté. Une femme courageuse, mais détruite, qui se bat pour toutes les personnes agressées par les puissants dans le monde.



La tâche de Benjamin Brafman s’annonce donc délicate… Car il remercie les soutiens de DSK. Mais ces soutiens doivent s’élargir rapidement, au-delà d’une solidarité communautaire ou du monde des puissants. Le procès a pris un tour racial et politique. Les Français n’ont pas fini d’être étonnés par la justice américaine.

Jean Bonnevey
7/06/2011
Metamagfr.

Correspondance Polémia 11/06/2011

Image : Dominique Strauss-Kahn avec son avocat Me Benjamin Brafman

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