Chasse à l'homme et traque des vaincus - Mladic est tombé à son tour

dimanche 29 mai 2011

Depuis la fin de la guerre, les criminels de guerre ou présumés tels par la « communauté internationale » sont l’objet d’une traque patiente et impitoyable. Il y a, bien sûr, des nuances, mais on est dans l’idéologie du tribunal des vainqueurs, du « camp du bien », jugeant les bourreaux et autres génocidaires. On est, en ce qui concerne l’ancienne Yougoslavie, très éloigné, bien sûr, de la traque de terroristes à la Ben Laden, plus proche de la chasse à un Saddam Hussein, dans la droite ligne des « chasseurs de nazis » de l’après-guerre et bien au-delà.
Il faut reconnaître que, comme pour le fameux jeu de cartes des partisans du « raïs » irakien en fuite, les pourchassés tombent les uns après les autres, le plus souvent d’ailleurs vendus pour de l’argent par des proches. L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, aura, lui, échappé 16 ans à la traque des vainqueurs de la « grande Serbie ».

N’oublions pas le vainqueur, ThaçI

Les réactions, après son arrestation, auront été très positives, sauf chez ceux qui, en Serbie, le considèrent comme un défenseur de l’identité serbe en butte à un complot américain et à une subversion musulmane de la Bosnie au Kosovo (sur le Kossovo justement, on espère que la justice internationale mettra moins de temps pour élucider les terribles soupçons pesant sur Hashim Thaçi, actuel Premier ministre). La défense reprendra au grand jour ces arguments au procès comme ce fut le cas, avec une certaine efficacité, lors de celui jamais terminé de l’ancien président Milosevic

Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), créé en 1993, a inculpé Mladic pour son rôle, présumé, dans l'extermination de milliers de civils pendant la guerre en Bosnie (1992-1995), en particulier la prise de Srebrenica, en juillet 1995, et le massacre de près de 8 000 Musulmans bosniaques par ses troupes. Il faut remarquer que, dans son cas, la présomption d’innocence est subitement beaucoup moins sacrée

Même si il est prouvé que c’est un monstre, il y a droit, sauf à se contredire totalement. Il est l'objet ,en tout cas, de quinze chefs d'inculpation: les plus importants sont « génocide », « complicité de génocide », « crimes contre l'humanité », « exterminations », « meurtres », « déportations », « actes inhumains », « prises d'otages » et « violations des lois et coutumes de la guerre ». Il encourt la prison à perpétuité.

« Ratko Mladic a joué un rôle central dans certains des épisodes les plus sombres de l'histoire des Balkans et de l'Europe, » a répété le secrétaire général de l’OTAN, « y compris dans le siège de Sarajevo et le massacre de milliers d'hommes et de garçons bosniaques à Srebrenica en 1995. » Lors de la prise de l'enclave de Srebrenica, le 11 juillet 1995, les Casques bleus néerlandais, censés la protéger, n'ont pas résisté. Cet épisode est resté très confus et il est certain qu’on ne connaît pas toute la vérité dessus.

Ratko Mladic était le dernier grand criminel de guerre, présumé, recherché dans les Balkans. Son arrestation était une condition fixée par l'Union européenne à l'intégration future de la Serbie. Nicolas Sarkozy a estimé, en marge du sommet du G8 à Deauville, que l'arrestation de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie était une décision « très courageuse » qui marquait « une étape de plus vers l'intégration un jour prochain de la Serbie dans l'Union européenne ».

Boucher pour les uns, héros pour les autres

« Les Etats-Unis sont ravis de l'annonce par le gouvernement serbe de la capture de Ratko Mladic », a déclaré Ben Rhodes, adjoint au conseiller américain pour la sécurité nationale, en marge du sommet du G8 à Deauville. « Nous attendons un transfert rapide vers le tribunal de La Haye », a ajouté le responsable, qui a félicité le gouvernement serbe.

Cette arrestation clôt un « chapitre très malheureux dans l'histoire » de la Serbie, a déclaré le ministre britannique de la Défense, Liam Fox. Pour les familles des victimes du massacre de Srebenica, « après seize ans d'attente, pour nous (...) c'est un soulagement », a déclaré Hajra Catic, présidente de l'association, Femmes de Srebenica.

Aux yeux du procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Serge Brammertz, « la Serbie, en arrêtant Mladic, a rempli une de ses obligations internationales qui était l'arrestation des fugitifs ». Le procureur doit présenter, le 6 juin, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, son rapport semestriel sur la coopération de la Serbie avec le tribunal dont Bruxelles fait l'une des principales conditions à la poursuite du rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne.

Rien ne laissait présager l’imminence de l’opération. Ratko Mladic a été arrêté par les unités spéciales de la police serbe dans le petit village de Lazarevo, près de Zrenjanin, dans le nord du pays. Il se dissimulait sous l’identité d'un certain Milorad Komanic. Les circonstances exactes de l’arrestation ne sont pas encore connues mais, d’après la radio serbe B92, les habitants du village auraient ignoré l’existence de ce Milorad Komanic. Mladic n’aurait opposé aucune résistance et se serait même montré très « coopératif ».

La Serbie s’est donc plié à la volonté de ses vainqueurs. En cela, l’actuel gouvernement est certainement appuyé par une partie de la population, mais certainement pas par toute la population. Le boucher des uns reste un héros, même sanglant, pour les autres.

Jean Bonnevey
28/05/2011
Metamag

Correspondance Polémia – 29/05/2011

Image : le général Ratko Mladic

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