La grande majorité des jeunes loue les bienfaits de la mondialisation

vendredi 21 janvier 2011

Alors que la jeunesse des pays émergents a foi en l’avenir, les Européens sont plus timorés. En France, le bonheur se trouve surtout dans la sphère privée et familiale

En Tunisie, depuis que Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu, les jeunes ont été l’un des fers de lance de la révolution du jasmin. En France, dans les manifestations de l’automne dernier, lycéens et étudiants scandaient à pleins poumons leur crainte de ne pas trouver un emploi. Dans les quartiers difficiles de la banlieue parisienne, ceux qui s’enflamment régulièrement, le taux de chômage peut dépasser 40% parmi les moins de 25 ans. «Les sociétés paient toujours chèrement leur désintérêt pour la jeunesse», estime Dominique Reynié (1), le directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, et l’actualité semble lui donner raison.

Comment les jeunes envisagent-ils l’avenir? Se sentent-ils sacrifiés ou la mondialisation est-elle à leurs yeux source d’espoir? Le politologue vient de diriger une enquête internationale sur la jeunesse pour mieux connaître ses aspirations et ses valeurs. Réalisée dans 25 pays (2) auprès d’un public âgé de 16 à 29 ans, elle met en lumière une vision du monde et des désirs contrastés entre la jeunesse des pays émergents et celle du Vieux Continent.

Un monde prometteur

Globalement, «le monde nouveau est perçu comme un monde de promesses», a souligné Dominique Reynié, lors de la présentation de l’étude mardi à Paris. «Le scepticisme que la mondialisation peut déclencher dans quelques pays, en particulier chez nous, ne représente qu’une exception.» Les jeunesses des pays émergents apparaissent optimistes et volontaires. Elles croient à la fois en leur avenir personnel, en celui de leur pays et dans les perspectives offertes par la globalisation. C’est le cas pour 91% des Chinois, 87% des Indiens et 81% des Brésiliens, le «trio triomphant».

Les Européens sont un peu plus en retrait: 65% d’entre eux considèrent la mondialisation comme une opportunité. La méfiance est la plus forte en Grèce et en France: respectivement 50% et 47% des jeunes la voient comme une menace. Ils apparaissent «hésitants et craintifs» et leur réserve «risque de ressembler à l’amertume des vaincus plutôt qu’à une force capable de faire contrepoids», souligne le politologue.

La déprime française

Les Français se distinguent par leur pessimisme et leur scepticisme, confirmant des sentiments décrits par d’autres études. Mais l’enquête dévoile une situation singulière. Elle se traduit par un phénomène «d’inquiétude publique et de bonheur privé». Ainsi, 71% des jeunes estiment la situation de leur pays insatisfaisante (69% en moyenne parmi les Européens) et seuls 17% pensent que l’avenir est prometteur. «Les discours sont trop anxiogènes en France, estime le politologue. Cessons de parler de notre déclin et trouvons les chemins d’une réconciliation avec l’avenir, qui ouvre aussi des possibles.» Les opportunités sont parfaitement identifiées par les Chinois ou les Indiens, confiants eux dans le destin de leur pays à plus de 80%.

Mais, paradoxalement, 83% des jeunes de l’Hexagone sont satisfaits de leur propre vie, de leur temps libre, de leurs amis, de leur famille, même si le travail reste source d’inquiétude. Seule la moitié est sûre d’avoir «un bon travail» à l’avenir, contre 71% en Allemagne par exemple. Consolation pour les Français, ils ne sont pas les plus déprimés: le record de découragement et d’insatisfaction est enregistré au Japon.

La hantise du chômage

L’enquête explore le thème brûlant du chômage des jeunes. Chez les moins de 25 ans, 81 millions de personnes étaient sans emploi en 2009, selon le Bureau international du travail (BIT), un chiffre qui n’a jamais été si élevé. En Europe, les jeunes ont bien cerné le risque: 45% d’entre eux voient le chômage comme l’une des plus grandes menaces, avant le terrorisme ou le changement climatique. Et, lorsque travail il y a, seul un jeune sur deux s’en dit satisfait. C’est bien moins que dans des pays émergents (64% en Inde, par exemple).

En lien avec l’emploi, la question de la protection sociale et du financement de la retraite des aînés. Dominique Reynié s’inquiète de voir «s’installer un contentieux» entre les générations: en moyenne, 39% des jeunes Européens et 47% des Américains ne sont pas prêts à payer pour les retraites de leurs aînés, contrairement aux Indiens (83%), aux Chinois (77%) ou aux Russes (73%).

Défiance envers les institutions

En Europe, le sondage montre encore de sérieux doutes face à l’Union européenne (UE) et à ses institutions. Moins d’un jeune Européen sur deux dit avoir confiance en l’UE, ce sentiment étant plus grand à l’est parmi la jeunesse des nouveaux Etats membres qu’à l’ouest. Avec le Mexique, l’Italie, l’Espagne et la Grèce, les Français ont la confiance la plus faible (17%) envers leur gouvernement et le parlement.

Catherine Dubouloz
Le Temps
21/01/2011
 

Notes :

  1. Dominique Reynié est professeur de science politique à Sciences Po. Ses travaux portent sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique et ses manifestations, les mouvements électoraux, en France et en Europe. (NDLR)
  2. Enquête menée dans 25 pays, Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Brésil, Canada, Chine, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Inde, Israël, Italie, Japon, Maroc, Mexique, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Suède, Turquie, auprès de 32.714 personnes.

Correspondance Polémia 21/01/2011

Image : « Grèves des universités, manifestations lycéennes, taux de chômage affolant : la jeunesse française n'a pas le moral. Elle serait même la plus pessimiste d'Europe. » C'est ce que souligne une récente étude menée par la Fondation pour l'Innovation Politique.

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