L'Italie : un exemple méconnu de démocratie directe

samedi 8 janvier 2011

Polémia poursuit son tour d’Europe (et du monde) sur la démocratie directe avec un nouvel article d’Yvan Blot sur le modèle italien
Polémia

Historiquement, même si certains cherchent à le cacher, c’est dans les démocraties parlementaires pures que le fascisme est né et qu’il s’est développé en exploitant le mécontentement de citoyens qui ne se sentaient plus représentés. Ce sont d’ailleurs les parlementaires qui ont voté les pleins pouvoirs à Hitler (comme au maréchal Pétain) et non le peuple. Quant à Mussolini, lui aussi, son gouvernement fut investi par le parlement italien le 16 novembre 1922 par 316 voix contre 116 et 7 abstentions.

Parlementarisme et démocratie directe

Voulant éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets, les rédacteurs de la constitution italienne d’après-guerre ont voulu mettre en place un système proche de la Suisse, ou parlementarisme et démocratie directe pouvaient se compléter heureusement.

En conséquence, la constitution du 22 décembre 1947 prévoit dans son article 75 le référendum d’initiative populaire pour annuler des lois votées par le parlement. Elle prévoit aussi l’initiative des lois (article 71) et le référendum constitutionnel facultatif. Ce dispositif fut complété en 1990 par le référendum consultatif communal et en 2000 par le référendum abrogatif au niveau de la commune et de la province.

Le blocage des grands partis

L’Italie était donc initialement bien partie. Malheureusement, les partis politiques (surtout la démocratie chrétienne) ont bloqué le vote de la loi d’application de l’article 75 pour empêcher la démocratie directe de s’appliquer. Il a fallu attendre 1970 pour que la loi d’application étant prise, il puisse y avoir en Italie, au niveau national, de référendums initiés par le peuple. Il faut 500 000 citoyens (et non plus de 4 millions comme en France avec notre article 11) ou 5 conseils régionaux pour déclencher un référendum.

Depuis, il y eut deux référendums constitutionnels et de 1974 à 2008, quatorze consultations populaires avec 59 questions demandant l’abrogation éventuelle d’une loi.

Les référendums sur le fisc ou les finances publiques ne sont pas autorisés. L’étendue des sujets sur lesquels ont porté les référendums va de l’environnement et de l’énergie nucléaire au droit du travail, la règlementation des medias ou la morale sociale. En économie, il y eut un seul référendum, sur l’échelle mobile des salaires (rejetée). Le premier référendum en 1974 eut lieu sur le divorce (autorisé). En 1981, les référendums approuvant la loi antiterroriste, la prison à vie et l’interdiction aux personnes privées de s’armer sans autorisation, a renforcé le prestige de l’Etat accusé d’immobilisme face au terrorisme.

En 1993, on parla d’une victoire du peuple qui a dit « oui » huit fois : à la réforme de l’élection sénatoriale, à la suppression du financement des partis par les contribuables, à la suppression du ministère des participations d’Etat, à un paragraphe sur les drogues, à une réforme des banques et sur la protection de l’environnement.

La question du quorum

En 2003, 87,4% des italiens votèrent pour libéraliser les licenciements et 86,3% votèrent pour interdire aux producteurs d’électricité de passer de force des lignes sur les terrains privés. Toutefois ces deux référendums échouèrent à cause du quorum de 50% de participation !

En 2006, la réforme constitutionnelle de Berlusconi qui voulait réduire les pouvoirs du président et du parlement a échoué (61,3% de voix contre).

Des projets de réformes sont discutés à présent : créer une vraie initiative populaire (avec 800 000 signatures à atteindre) comme en Suisse (et pas seulement le référendum abrogatif) et supprimer le quorum excessif de 50%.

A côté de l’Italie, notre pays reste assez désertique en dépit de la prochaine loi organique pour appliquer l’article 11 de la constitution française.

De quoi discuter. L’Italie donne le seul exemple d’un pays intégralement latin qui a la démocratie directe, même s’il y encore trop de restrictions (pas de référendums sur les impôts notamment)

Yvan Blot
05/01/2011

A retrouver lors de la cinquième conférence d’Agir pour la démocratie directe, lundi 17 janvier 2011 à 19h 30 à l’Hôtel Néva (rez-de-chaussée) 14, rue Brey – 75017 PARIS (près de l’Etoile)

Voir aussi :

Référendums américains : des résultats ignorés (ou censurés) par les médias français
La démocratie directe en Allemagne fédérale
La Suisse, pays fondateur de la démocratie directe
Démocratie directe, la grande peur des bien-pensants

Image : Le référendum sur la réforme de la loi électorale

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