« Ces maires qui courtisent l'islamisme » par Joachim Véliocas

lundi 6 décembre 2010

Réinformation sur l’islam

Fondateur de l’observatoire de l’islamisation, Joachim Véliocas vient de publier un livre solidement documenté sur : « Ces maires qui courtisent l’islamisme ». Une description clinique de l’opportunisme à courte vue et de l’aveuglement des Juppé, Aubry, Gaudin, Delanoë et autres Raoult et Grosdidier. Une occasion aussi de décrypter en profondeur les réalités de l’islamisation. L’ouvrage s’ouvre notamment par un exercice de réinformation sur le vocabulaire. Là où les tenants de la novlangue politiquement correcte distinguent l’islam (« religion de paix et de tolérance ouverte à la laïcité ») de l’islamisme conquérant, Joachim Véliocas démontre la profonde parenté des deux phénomènes. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, les islamistes ne sont pas des fous, ce sont simplement de bons musulmans. Pour éclairer ses lecteurs Polémia livre ici l’introduction du livre de Joachim Véliocas qui mérite par ailleurs une lecture complète et attentive.

Polémia

 

Introduction

 

Un champ lexical miné

Avant de débuter la lecture d’un ouvrage traitant d’un sujet si sensible, dont le champ lexical (islamisme, islamistes, djihad, islam modéré) est miné, souvent imprécis, ambigu, donc source d’incompréhensions, il convient de clarifier la terminologie qui va être employée. Le sens des mots clés du champ lexical de l’islam, a été en l’espace d’un siècle - c’est peu à l’échelle d’une langue- édulcoré, galvaudé ou travesti, de manière préméditée ou non.

L’islamisme, voilà le mot à clarifier d’urgence. Aujourd’hui, il est associé à une pratique qui serait dévoyée de l’islam, qui usurperait une dimension politique, qui s’arrogerait indûment les moyens de la violence pour imposer sa loi. A la différence, l’islam supposé véritable serait préservé de ces travers. L'islam présenté aujourd’hui comme authentique serait lui compatible avec la laïcité, ferait allégeance aux lois des hommes, respecterait la liberté de conscience et se fondrait naturellement dans les nations d’accueil. Pure construction partisane.

L’islamisme, civilisation de l’islam

Les arabisants (on ne parlait pas encore d’islamologie) du XXème siècle, parlaient naturellement de l'islamisme comme de la civilisation de l’Islam, culture et doctrine comprise, tout comme le Christianisme l’est pour les Chrétiens. Parmi eux, des érudits admirés dans le monde musulman, tel Léon Bercher, à qui nous devons de nombreuses traductions de traités (1) de droit musulman, qui collabora à la réputée Revue des études islamiques allant jusqu’à prendre un pseudonyme musulman (2) montrant son empathie pour un sujet qui le fascinait. Pilier de l’Institut d’étude orientale d’Alger, auteur d’un dictionnaire à double entrée arabe français (3), ses traductions font toujours autorité et sont présentes dans les librairies musulmanes en France. Dans son travail de traduction des traités de droit islamique, il parle bien d’islam lorsqu’il s’agit de textes canonisant le djihad offensif, la condition dégradante du dhimmi (4) et les peines légales contre les apostats ou les auteurs d’adultères. Ainsi, dans son étude « Les délits et les peines de droit commun prévus par le coran », publié en 1926, il passe en revue les techniques de flagellation ou de lapidation à l’encontre des délits d’adultère, ou les règles régentant la disposition des esclaves. Il s’agissait pour Bercher de mieux faire comprendre la Charia (la loi islamique) de l’école juridique malékite, encore officielle en Algérie et au Maroc, à l’administration coloniale française. Pas d’étudier des curiosités marginales d’une religion lorsqu’elle est « instrumentalisée par des fous », comme nous est présenté aujourd’hui l’islam orthodoxe par les journalistes.

D’autres arabisants du début du vingtième siècle comme Henri Pérès, promoteur de la « Bibliothèque Arabe-Française », E. Fagnan, traducteur (5) qui collabora aux éditions du Patrimoine Arabe et islamique de Beyrouth ou plus proche de nous, Roger Arnaldez de l’Institut, n’ont jamais employé d’autres mots que l’islam lorsqu’ils traduisirent les textes fondamentaux de l’islam classique qui font référence chez les islamistes.

« Il n’y a pas d’islam modéré. L’Islam est l’Islam » (Erdogan)

Comme le souligne le spécialiste du Maghreb Jean-Pierre Péroncel-Hugoz « l’Université française d’Alger fut célèbre dans le monde entier pour ses savants islamologues chrétiens souvent pleins de sympathie pour les adeptes de Mahomet (6) ». Ces islamologues n’érigeaient pas de mur entre islam et islamisme, l’expression d’ « islam modéré », n’avait jamais été formulée à l’époque. Pour le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, « L’expression ‘islam modéré’ est laide et offensante, il n’y a pas d’islam modéré. L’Islam est l’Islam (7)» affirma-t-il, vexé par l’adjectif employé par les observateurs occidentaux lorsqu’ils qualifient le Parti de la justice et du développement (AKP), sa formation politique au pouvoir depuis 2002. Erdogan « l’islamiste modéré » de la presse ouest-européenne, fut photographié (8) agenouillé devant le djihadiste Afghan Gulbuddin Hekmatyar, le même qui se fit connaître dans les années soixante-dix pour asperger d’acide les femmes non voilées, et dont le mouvement Hezb-e-Islami est tenu pour responsable de l’embuscade tendue au 8ème RPIMa (9) en août 2008, qui fit 8 mort et 21 blessés dans nos rang. D’ailleurs l’actuel président turc et vieux complice de Erdogan, Abdullah Gül, tenait il n’y a pas si longtemps un discours tout aussi décomplexé : « On changera définitivement le système laïc. La République vit ses derniers temps (10)». Pourrait-on rétorquer sérieusement que le gouvernement turc, amené démocratiquement au pouvoir, obtenant la majorité absolue en 2007, n’est pas représentatif de l’islam contemporain ? La Turquie, depuis qu’elle tient tête aux Etats-Unis (refus de l’utilisation de son espace terrestre pour la guerre en Irak) et à Israël (remise en cause du pacte diplomatique depuis la guerre au Liban de l’été 2006 et de l’affaire de la flottille humanitaire à destination de Gaza) s’affirme de plus en plus comme le grand frère protecteur de la communauté musulmane (oumma) mondiale. Détenant depuis 2004 le secrétariat général de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), la Sublime Porte va de par sa puissance politique et sa position géographique, jouer un rôle central dans la reconfiguration du Grand Moyen-Orient dans les années à venir, ses diplomates entendant prendre revanche sur le deuil de son destin impérial.

Évidemment, il existe toute une échelle de nuances entre un musulman qui pratique superficiellement, aléatoirement et donc plutôt passivement l’islam, et un militant que l’on dénomme islamiste. Mais le premier et le second appartiennent bien au même ensemble. Les premiers font l’objet depuis 20 ans en France de pressions, de sollicitations par les seconds qui cherchent à réveiller en eux une fibre identitaire, rendue sensible par la crise du modèle assimilationniste et la montée des communautarismes, la crise économique n’arrangeant rien. La « réislamisation » des minorités maghrébines et subsahariennes est un phénomène relevé par les observateurs depuis quelques années. Les minorités actives ont toujours vitalisé l’histoire des hommes tièdes, poussés à rentrer dans le rang lorsque les circonstances l’imposent, lors des situations de tensions où la passivité n’est plus tolérée, où la neutralité devient suspecte. Les phases émergentes des totalitarismes durant le vingtième siècle, initiées par des petits groupes radicalisés et bien organisés, doivent nous servir de leçon. Ne pas faire d’amalgame, certes, mais sans sombrer dans la fausse naïveté qui prédomine aujourd’hui dans les milieux journalistiques : oui, les islamistes sont de bons musulmans, pour ne pas dire les meilleurs dans l’accomplissement des prescriptions coraniques et de celles issues de la Sunna (11). Oui, ils sont une minorité des personnes se définissant comme musulmans, au sens culturel, mais chez les pratiquants voulant appliquer la charia ?

Le concept d’islamisme comme « paratonnerre »

Dans mon étude L’islamisation de la France, je revenais sur les origines du cloisonnement fallacieux entre islam et islamisme :

« Au début des années quatre-vingt, des politologues français à l’instar de Bruno Etienne (12) (marxiste se définissant lui-même comme « anarcho-mystique ») ont forgé une nouvelle acception du terme islamisme, l’amalgamant à l’islam radical.[…] Il n’est pas inutile de préciser que Bruno Etienne, directeur de l’Observatoire des religions, initiateur de la distinction, publia le 25 avril 2006, un article sur le site islamiste Oumma.com où il nie formellement que l’islam soit une religion « criminogène », portant en elle une potentialité de passage à l’acte violent. Etonnant pour un prétendu spécialiste. Le concept de l’islamisme devient un refuge pratique, sorte de station d’épuration idéologique, paratonnerre dédouanant l’islam des entraves aux droits de l’homme repérées dans ses pratiques. Tous les points négatifs du mahométisme viennent s’évacuer dans le terme islamisme, faisant office de chambre sémantique de décontamination, conservant la virginité morale supposée de l’islam. Pratique et facile (13). »

« L’islam des Lumières » : un intellectualisme de salon

Une des grandes confusions provient du fait que l’islamiste est trop souvent automatiquement associé au terroriste. Or, si le terroriste musulman est bien un islamiste, tous les islamistes n’optent pas pour la voie terroriste. Ce pour plusieurs raisons. D’une part, cette stratégie qui peut obtenir des résultats au Moyen-Orient, n’est pas adaptée dans un Occident qu’il suffit de pénétrer avec une douce musique qu’il ne demande qu’à entendre : faire l’éloge du multiculturalisme, forcément porteur de richesse ; exhumer le mythe d’Al-Andalous, paradigme de la mondialisation heureuse ; louer « l’islam des lumières », qui reste pourtant au stade de l’intellectualisme de salon ; jouer sur les cordes de la liberté religieuse, du spectre de la xénophobie et du choc des civilisation à exorciser. Les actions terroristes ont été totalement contre-productives en Europe. Hormis le fait que les polices européennes ont, à Paris, à Madrid, à Londres, systématiquement retrouvé les auteurs des attentats commis dans ces villes, ce mode opératoire n’a réussi qu’à provoquer la suspicion à l’égard des musulmans, conforté l’islamophobie et caricaturé l’islam. Par contraste, face à l’extrême violence et marginalité de ces actions, les tenants de la stratégie pacifique (qui ont pourtant les mêmes fins : imposer la loi islamique) comptant sur la voie patiente de la démographie, arme de diffusion massive et sur les faiblesses de nos sociétés ouvertes (éloge de l’altérité, ethnomasochisme, droit à la différence etc.), passent pour des agneaux ayant les meilleures intentions du monde. Ils sont les plus nombreux, donc surtout « pas d’amalgame » avec l’islamisme radical. Psychologiquement, ils ont gagné la bataille des représentations.


Nos élus s’accommodent à merveille avec ces rassurants représentants de la « deuxième religion de France », interlocuteurs d’un électorat devenu incontournable.

Une galerie de portraits d’hommes complaisants

Ils sont maires, députés, secrétaires d’Etat ou ministres. Ils aident volontairement et activement l’implantation de mosquées ou d’« instituts culturels », leur cache-nez, par des mises à disposition de terrains municipaux pour des loyers dérisoires, ou par des financements directs. Les associations islamiques qui bénéficient de leurs largesses veulent rétablir le Califat, supprimer nos frontières, instaurer la charia et combattent non seulement l’assimilation, mais également l’intégration des musulmans en France. Evidemment, elles n’exposent pas leurs objectifs sur la place publique, bien que des imprudences de communication soient souvent commises, trahissant des références qui ne trompent pas, nous allons le voir. Mais pour connaître l’essentiel de leurs projets, il faut écouter leurs conférences et interventions, lire leurs bulletins internes et les auteurs qu’ils recommandent. Cette enquête s’appuie justement sur de tels solides et confondants documents, révélant la nature profonde des mouvements islamiques en France, considérés à tort par les politiques comme les interlocuteurs représentatifs des populations issues de pays musulmans. En effet, ces dernières sont plus préoccupées par des questions de pouvoir d’achat, de sécurité et de bonne intégration que par les injonctions d’imams étrangers, eux ayant souvent grandi en France, ou ayant fui les islamistes en Algérie. Ainsi, l’ex-responsable associatif aujourd’hui sous-préfet de Champagne-Ardenne, Rachid Khaci regrette que les élus « au lieu de promettre de créer des emplois,[ ils] promettent de bâtir une mosquée ! Tout ça fait le terreau de l’intégrisme » L’auteur de  La république des lâches : la faillite des politiques d’intégrations  (éd. Syrtes, 2003) martèle qu’il faut « cesser d’enfermer les immigrés musulmans dans leur identité religieuse, faute d’être capable de leur parler de la France, de son histoire, de sa culture, de son identité.[…] L’identité nationale, c’est le concept de « Nos ancêtres les gaulois » (14) »

Identité musulmane versus patrimoine des Français de souche

Certes, toujours est-il que l’identité musulmane est solide. Ces populations s’identifient difficilement aux français historiques, et regarderont toujours nos mythes et repères historiques fondateurs couvrant les périodes antérieures au vingtième siècle (les Gaulois, la Chanson de Roland, Perceval, les bâtisseurs de Cathédrales, la Renaissance, l’épopée napoléonienne…) comme le patrimoine des français « de souche », n’ayant pas d’ancêtres dans les rôles de ceux qui ont édifié la France. Le sacrifice commun autour du drapeau contre l’occupation allemande ne suffisant plus à créer une cohésion suffisante, l’enjeu majeur est de redonner le goût de la fierté d’être Français. Faute de retour dans leurs patries d'origine (idée défendue maintenant jusqu'au Parti socialiste espagnol depuis la crise économique), gageons que nous puissions vivre sur des fondamentaux facilitant le mieux vivre ensemble : sécularisation des modes de vie, amour de la francophonie, exemplarité professionnelle, volonté de bâtir une France modèle de cohabitation à la face du monde. Les maires de grandes villes et députés qui aident des islamistes notoires à se doter de quartiers généraux, soit des mosquées géantes regroupant salles de classes, médiathèques, salles de conférences, galeries commerciales incluses, sapent ce rêve d’une France abordant sereinement son avenir. Une galerie de portraits de ces hommes complaisants avec l’islamisme va être exposée. Prise de conscience assurée.

Joachim Véliocas
Observatoire de l'islamisation
Octobre 2010

Joachim Véliocas, Ces maires qui courtisent l’islamisme, Editions Tatamis, octobre 2010, p. 280, 20 € 

Notes :

  1.   Ibn Abî Zayd Al-Qayrawânî, La Risâla, ou Epître sur les éléments du dogme et de la loi de l’islam selon le rite mâlikite, Traduction de l’arabe par Léon Bercher, Al-Maktaba al-Assirya, Saida. Ouvrage analysé dans mon étude L’islamisation de la France éditions Godefroy de Bouillon, 2006
  2.  Muta farrij fut le pseudonyme de Léon Bercher, qui l’usa notamment pour son ouvrage « Notre femme dans la loi et dans la société », in: Revue des Études Islamiques, 1935, Cahier III, pp. 201-230
  3.  Léon Bercher Lexique Arabe-Français avec un index Français-Arabe correspondant contribution à l'étude de l'Arabe moderne. - Carbonel (1942 [1944])
  4.  Dhimmi, Chrétien ou Juif soumis au statut particulier de la Dhimma en terre d’islam. Le dhimmi ne peut restaurer ou construire de nouveaux lieux de culte, ne doit faire d’apostolat, et doit s’acquitter d’un impôt spécial, la jizya, parmi d’autres règles discriminatoires. Le calife Omar (634-644) a été le premier à normaliser la Dhimma, régime particulier difficilement réformable de par la qualification de Omar, dit « bien guidé » par Dieu (râshidûn), à l’égal des quatre premiers califes de l’âge d’or de l’islam
  5. Fagnan a traduit un des ouvrages clés du droit public musulman de El-Mawerdi, Les Statuts Gouvernementaux, éditions du Patrimoine Arabe et islamique, Beyrouth, 1982
  6. Jean Pierre Péroncel-Hugoz, mensuel L’indépendance, janvier 2008
  7.  Propos tenus sur Kanal D TV, rapportés par le quotidien Milliyet, édition du 21 août 2007
  8.  Photographie rendue publique dans l’édition du 10 juillet 2003 du journal turc Star
  9.  Huitième régiment de parachutistes d'infanterie de marine, basé à Castres
  10.  Nevzat Bölugiray, AKP degisiyor mu? [ L'AKP change t'il?], Tekin Yayinevi, Istanbul, 2004,p.78
  11.  Pour un exposé du contenu de ces prescriptions formant la charia, la loi islamique, se reporter à mon étude L’islamisation de la France , Godefroy de Bouillon, 2006
  12.  Bruno Etienne est mort le 4 mars 2009, après la parution de mon ouvrage L’islamisation de la France
  13. Joachim Véliocas, L’islamisation de la France, Godefroy de Bouillon, 2006, page 72
  14. Entretien avec Rachid Khaci, Le Choc du mois, n°21, avril 2008, page 37

Correspondance Polémia -  06/12/2010

Image : 1re de couverture

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