UMP/FN : une mise en perspective historique

vendredi 5 novembre 2010

Le serpent de mer d’une hypothétique alliance UMP/FN a refait surface dans les médias. Une bonne occasion de faire de l’audimat sur fond d’illusion, de manipulation et de dénonciation. Un bref survol historique des trois dernières décennies permet facilement de dégonfler cette baudruche politico-médiatique.

1/ Décennie 1980 : la tentation

Septembre 1983, aux élections municipales partielles de Dreux, la liste FN, conduite par Jean-Pierre Stirbois, réalise 16% des suffrages : c’est « le tonnerre de Dreux ». Le RPR et l’UDF ne peuvent espérer vaincre les « socialo-communistes » (le Mur de Berlin n’est pas encore tombé !) qu’en s’alliant au FN. Ce qu’ils font. A l’approbation quasi générale des militants et des cadres. Ceux qui protestent sont rares : Bernard Stasi, qui s’apprête à publier son livre, L’Immigration : une chance pour la France, et Simone Veil, qui construit son image de bonne conscience universelle.

Mars 1986 : Le couple RPR/UDF obtient seul la majorité à l’Assemblée nationale ; la question d’une alliance de gouvernement ne se pose pas. La situation est différente dans les régions : Jean-Claude Gaudin à Marseille, Jacques Blanc à Montpellier se font élire avec les voix du Front national. En Ile-de-France Michel Giraud navigue à vue. Ainsi le RPR et l’UDF gagnent des exécutifs régionaux et le Front national notabilise certains de ses élus qui deviennent vice-présidents d’assemblée ou présidents de commission. C’est une sorte de soutien sans participation où le Front national pèse à la marge sur les politiques suivies : moins d’impôts pour les contribuables (qui ne s’en aperçoivent pas) et quelques mesures symboliques (le drapeau tricolore aux portes des lycées, par exemple).

2/ Décennie 1990 : la dénonciation vertueuse

Mars 1989 : Le secrétaire général du RPR fixe les règles pour les élections municipales ; interdiction de tout accord avec le Front national. Alain Juppé gagne ainsi ses galons médiatiques de « premier ministrable » voire de « présidentiable ».

Mars 1992 : Le RPR et l’UDF réalisent un excellent score aux élections régionales ; ils gagnent des majorités absolues ou relatives ; et là où les majorités sont relatives, RPR et l’UDF se tournent vers les écologistes pour faire passer leurs textes, au prix de concessions, moins sur l’écologie, d’ailleurs, que sur les marottes gauchistes des Verts. Le Front national est hors jeu.

Juin 1997 : Le Front national se venge ; des triangulaires nombreuses font perdre la majorité au RPR et à l’UDF.

Mars 1998 : La gauche gagne la majorité relative dans beaucoup de régions ; pour le RPR et l’UDF, c’est l’heure de vérité : abandonner les exécutifs régionaux ou se faire élire avec les voix du Front national. C’est le grand tohu-bohu médiatique. Le Système vacille sur ses bases puis se reprend. Cinq présidents de région sont élus avec les voix du FN ; quatre sont contraints à la démission ; le cinquième, Charles Million, tient bon. Il sera brisé : dénoncé, diabolisé, marginalisé, ruiné.

3/ Décennie 2000 : la grande divergence

En 1986, le FN et l’alliance RPR/UDF avaient des programmes assez proches.

Dans la décennie 2000 tout les oppose :
-le FN reste favorable à l’arrêt de l’immigration ; l’UMP se satisfait de 200.000 entrées d’étrangers par an ;
- le FN reste un parti national ; l’UMP est rallié, comme le PS, au multiculturalisme et à la « discrimination positive » (négative pour les Français de souche) ;
- le FN reste attaché à l’indépendance nationale ; l’UMP, en connivence avec le PS, a soutenu la rentrée de la France dans l’OTAN ;
- le FN est partisan de la souveraineté monétaire française et est hostile à la constitution européenne ; l’UMP, comme le PS, défend l’euro et le Traité de Lisbonne ;
- le FN défend le principe de frontières économiques ; l’UMP, comme le PS, est aux avant-postes de la mondialisation ;
- le FN reste attaché à une conception traditionnelle de la famille ; l’UMP, comme le PS, explore de nouvelles voies de « parentalité » et s’est rallié à la « théorie du genre ».

Humainement les hommes ne sont plus les mêmes

D’Alain Griotteray à Alain Peyrefitte la vieille génération était gaulliste en politique étrangère et de droite sur le plan des valeurs. Dans les assemblées il y avait alors une certaine proximité humaine (et idéologique) entre ceux qui siégeaient sur les bancs du RPR/UDF d’un côté, du FN de l’autre.

Tout ceci a disparu. Un Christian Vanneste ou un Xavier Lemoine, qui parlent aujourd’hui d’accords avec le FN, ne sont que les « buttes–témoins » du RPR des années 1980. Tout comme certains députés du midi aimablement qualifiés de « Pizzaïolos » par leurs collègues. Ceux qui comptent aujourd’hui et qui représentent l’UMP dans les médias sont tout autres : c’est le sémillant Benjamin Lancar, c’est l’austère Nathalie Kosciusko-Morizet ou la frivole Rama Yade : rien ne les sépare de leurs collègues du PS, si ce n’est les hasards de la carrière.
Et ce sont eux que les girouettes suivent : partisans d’accords avec le FN dans les années 1980, Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult militent aujourd’hui pour la construction de grandes mosquées avec l’argent des contribuables.

Droite/gauche ou populisme/hyperclasse mondiale

Même s’il est maintenu artificiellement comme élément du spectacle politique, le clivage droite/gauche ne correspond plus à grand-chose. Le vrai clivage oppose désormais les populistes aux fondés de pouvoir de la superclasse mondiale, qu’ils soient sous casaque UMP ou PS.

Des passerelles apparaissent d’ailleurs par-delà les faux clivages :

  • - de jeunes nationaux républicains se reconnaissent dans le discours économique de Marine Le Pen ;
  • - des hommes de gauche sincères commencent à comprendre la vacuité d’un discours social dans un monde dépourvu de frontières ;
  • - et « Riposte laïque » a fait un bout de chemin avec les Identitaires pour combattre l’islamisation de la société.

Il y a là des faits infiniment plus novateurs que l’évocation d’éventuelles alliances UMP/FN qui ont fait long feu depuis bientôt… trente ans.

Jean-Yves Ménébrez
01/11/2010

Correspondance Polémia – 05/11/2010

Image : « le clonage se poursuit » - (hortefeux vs. lang)_(raoult vs. gollnisch)_(morano vs. le pen II)

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