Conclusion : Pour affranchir la France de la dette, remettre l'Etat au service de la nation

jeudi 28 octobre 2010

XXVIe université annuelle du Club de l’Horloge « La France en faillite ? Pourquoi nous croulons sous les dettes et les impôts » 9-10 octobre 2010

 

 

Conclusion :
Pour affranchir la France de la dette, remettre l'Etat au service de la nation
Pierre Millan
secrétaire général du Club de l'Horloge

 

I -L'heure est grave

Les travaux de ces deux journées vous ont certainement convaincus que la situation financière de la France était préoccupante. Si vous ne l'étiez déjà ! Rappelons-en l'essentiel. La dette publique a atteint officiellement 1591,5 milliards d'euros au 30 juin 2010 ; elle se monte à 83 % du PIB (produit intérieur brut). Pour un pays de 65 millions d'habitants, la dette est donc de 25.000 euros par personne.

Quand il était ministre du budget, c'était en 2004, Alain Lambert avait émis le projet d'écrire à tous les nouveaux-nés : "Bienvenue au pays, petit ! Tu me dois 16.000 euros." ( Depuis, la dette des tout-petits a grossi de plus de la moitié.

On compare toujours la dette publique au PIB. Ce n'est pourtant pas logique, puisque le PIB est formé de l'ensemble des revenus de tous les agents économiques, publics et privés. Il serait plus juste de comparer la dette de l'Etat, 1.249,60 milliards, soit 80 % du total de la dette publique, à ses recettes budgétaires, qui sont de 273,30 milliards. C'est plus réaliste... et beaucoup plus redoutable, car on s'aperçoit alors en frissonnant que la dette de l'Etat représente 4,6 fois ses recettes !

On comprend, dans ces conditions, que la faillite de l'Etat français puisse être envisagée. Certes, le terme n'est pas juridiquement exact, puisque les Etats ne font pas faillite à proprement parler. Ils tombent simplement en défaut de paiement, comme naguère l'Argentine, ce qui ne change pas grand-chose pour les malheureux créanciers qui ont eu la candeur de leur prêter de l'argent. Et c'est ce défaut de paiement, cette faillite, quel que soit le nom qu'on lui donne, que l'on doit craindre aujourd'hui pour la France. Depuis quelques années, plusieurs auteurs ont tiré la sonnette d'alarme. Rémi Godeau : La France en faillite : la vérité sur l'explosion de la dette publique (Calmann-Lévy, 2006) ; Philippe Jaffré et Philippe Riès : Le jour où la France a fait faillite (Grasset, 2006) ; Christian Saint-Etienne : La France est-elle en faillite ? Quinze propositions pour en sortir (Bourin, 2008) ; Jacques Attali : Tous ruinés dans dix ans ! Dette publique : la dernière chance (Fayard, 2010) ; enfin, Philippe Herlin : France, la faillite ? Les scénarios de crise de la dette (Eyrolles, 2010), dont Le Cri du contribuable a publié les bonnes pages dans son numéro de septembre 2010.

Inutile de chercher à se consoler en citant le montant de la dette publique des Etats-Unis : 12 trillions de dollars (12.000 milliards), soit 85 % du PIB américain ; ou celle de l'ensemble des Etats du monde, au total 50 trillions de dollars, à la même date, ce qui relativise notre dette d'1,6 trillion d'euros ou 2,2 trillions de dollars...

On ne se consolera pas non plus en pensant à nos voisins qui sont encore plus malades que nous : la Grèce, l'Irlande, l'Islande et même le Royaume-Uni. L'économie n'est pas un jeu à somme nulle, où les malheurs des uns font le bonheur des autres. La dette du nouveau-né irlandais atteint 100.000 euros, quatre fois celle du petit Français. Ce n'est nullement rassurant pour nous, car nous pouvons craindre la contagion de la méfiance au sein de la zone euro et, s'il fallait aider l'Irlande, après la Grèce, au nom de la « solidarité européenne », s'il fallait que nous prêtions à ce pays ou que nous cautionnions ses dettes, nous nous rapprocherions un peu plus d'une échéance qui risquerait d'être fatale. Il y a l'arithmétique de la dette, qui ne nous est déjà pas favorable, et il y aussi la confiance, autrement dit le crédit, sentiment impalpable qui peut se volatiliser en un instant lorsque survient la crise.

Or, la faillite de la France doit absolument être évitée. Faut-il préciser que ses conséquences seraient des plus graves ? La faillite d'un Etat, qui est l'aboutissement d'un long processus d'appauvrissement, aggrave profondément la situation économique du pays. Outre la spoliation des créanciers qui en résulte par définition, ce désastre porterait en lui dans l'immédiat un cortège de malheurs et de misères et il aurait de surcroît des effets à long terme sur le crédit de la France, qui s'en trouverait durablement affecté.

Dans son roman d'anticipation écrit en 2006, Philippe Jaffré, qui fut président d'Elf-Aquitaine et qui a appris à ses dépens ce que tomber de haut voulait dire, avait prévu la faillite de la France pour 2012 et la décrivait ainsi (nous sommes en 2014) : « L'explosion du chômage (a continué) en 2013 et 2014, pour atteindre 5 millions de sans-emplois. La récession économique (a été) violente : 2012 s'est terminée avec un recul de 5 % du PIB, 2013 a été pire encore, avec un recul de 15 %. Pour 2014, l'INSEE prévoit une nouvelle chute de 8 %. (...) Si cette prévision se révèle exacte, en deux ans et demi la production française aura diminué d'un tiers. (...) Le pouvoir d'achat des Français a chuté brutalement." Et la télévision montre "des images de longues files de chômeurs filmées aux portes des agences de l'ANPE, d'usines fermées, de chantiers arrêtés, de soupes populaires, de braderie aux coins des rues » (2).

Au delà de ses épouvantables conséquences économiques, la faillite de la France marquerait un nouvel abaissement de notre patrie, dont le rang a déjà rétrogradé dans le monde depuis une quarantaine d'années. Et, selon toute probabilité, ce qui lui reste de souveraineté serait foulé aux pieds par l'Union européenne ou le FMI, qui la mettrait en tutelle. Le fait que le directeur du FMI soit français ne pourrait guère nous soulager, pas même si nous étions membres du parti socialiste...

Les dirigeants actuels de notre pays sont obsédés par la notation de la France qu'effectuent les agences internationales, qui demeure un « Triple A », c'est-à-dire la meilleure possible, craignant que la dilapidation des finances publiques à laquelle ils ont systématiquement procédé finissent par la compromettre. On sait, heureusement pour nous, que les agences de notation se réveillent souvent après l'événement. On l'avait vu en 1997 lors de la crise asiatique ; on l'a encore vérifié lors de la crise mondiale de 2008 : elles n'avaient rien vu venir.

Elles devraient savoir pourtant que la dette publique officielle sous-estime gravement la réalité, la raison principale étant qu'elle ne prend pas en compte la dette implicite de la retraite par répartition. Celle-ci est considérable, comme l'a montré Mme Dominique Mulsant en s'appuyant sur les calculs du professeur Jacques Bichot.

Le flamboyant Thierry Breton, alors ministre des finances du gouvernement Villepin en 2005, avait lâché la bombe au détour d'un exposé sur les taux d'intérêt : la dette publique de la France n'est pas de 1.000 milliards d'euros, mais du double ! A l'époque, « la dette financière de l'Etat » dixit M. Breton, était de 1.117 milliards d'euros, mais il y avait aussi « les engagements que nous avons pris pour l'avenir : d'abord pour payer les retraites des fonctionnaires ».(3) Et ces derniers se montaient à 900 milliards d'euros.

Il faudrait donc ajouter en 2010 au moins 1.000 milliard d'euros à la dette publique officielle pour arriver à un chiffre plus proche de la réalité : non pas 1.600 milliards donc, mais bel et bien 2.600 milliards d'euros, au moins, pour la dette publique brute. C'est le cas de rappeler la fameuse plaisanterie de Disraëli : « Il y a trois sortes de mensonges : le mensonge ordinaire, le sacré mensonge, et la statistique » (qui est le plus grave des trois) (4) .

Le mensonge des statistiques officielles, qui sont donc indiscutablement truquées, puisqu'elles ne prennent pas en compte les retraites des fonctionnaires, pourrait être encore plus grave. En effet, du point de vue économique et politique, c'est la totalité de la dette implicite de la retraite par répartition qui est une dette de l'Etat, donc une dette publique, car, par définition, le régime de la retraite par répartition est fondé sur la contrainte publique exercée par l'Etat, qui en a le monopole. C'est lui qui oblige les cotisants à cotiser et qui s'engage vis-à-vis d'eux par là même à ne pas les oublier quand ils atteindront leurs vieux jours. Pour payer sa dette, il leur versera alors des prestations financées par les cotisations obligatoires, donc en réalité des impôts, qu'il prélèvera sur les actifs.

On en frémit d'horreur : s'il fallait être honnête, en comptabilisant la dette de la retraite par répartition, ce sont plusieurs milliers de milliards d'euros qu'il faudrait ajouter aux 2.600 milliards dont nous venons de parler. Pour un taux d'actualisation de 2 %, on évalue au total à quelque 8 trillions d'euros la dette des régimes de retraite, tous régimes confondus, comme l'a montré l'exposé de Mme Dominique Mulsant. Si l'on tient compte, pour être honnête, de la créance implicite de l'Etat sur les cotisants et futurs cotisants, on s'aperçoit qu'elle est inférieure de 15 % à la dette. L'écart est donc d'environ 1,2 trillion ou 1.200 milliards d'euros pour le moins, qu'il faut ajouter à la dette officielle de 1.600 milliards. La dette publique nette est ainsi réestimée à 2.800 milliards d'euros. Le maquillage des comptes publics a du bon, diront les cyniques, car un exercice de vérité, qui susciterait certes une salubre prise de conscience, pourrait aussi accélérer la faillite...

Il est douteux que les «efforts» du budget 2011, présentés comme "historiques", soient à la hauteur du danger encouru par notre patrie. Le déficit de l'Etat est de 152 milliards d'euros en 2010, soit 56 % des recettes budgétaires ! Il serait encore de 92 milliards d'euros en 2011, soit 34 % des recettes. On est donc loin de l'équilibre, ce qui veut dire que la dette publique va continuer inexorablement à monter. Et l'on nous permettra de ne pas prendre au sérieux les promesses que les gouvernants actuels font pour 2012, année électorale, ou pour les années suivantes, où ils risquent fort d'avoir laissé la place.

D'autant qu'au déficit de l'Etat s'ajoute celui de la sécurité sociale, qui échappe à toute maîtrise. Selon les hypothèses du gouvernement, que M. Jean de Kervasdoué, ancien directeur des hôpitaux, professeur au Conservatoire des arts et métiers, juge optimistes, le déficit du régime général, qui serait de 23 milliards d'euros en 2011, atteindrait 40 milliards d'euros en 2013 (5) . Et M. de Kervasdoué de parler de « la faillite annoncée de l'assurance-maladie», avec ces mots terribles : « Aujourd'hui, il est trop tard. Le système ne se réformera pas, il y aura donc rupture et drame dans trois, quatre, cinq ans peut-être, pas plus. » Cette « rupture » n'est évidemment pas de celles dont M. Sarkozy s'était gargarisé pendant sa campagne de 2007, mais elle a, hélas ! plus de chance de se réaliser que les vaines promesses électorales du président actuel. Encore ne s'agit-il ici que de l'assurance-maladie, alors que c'est l'ensemble de nos finances publiques qui est menacé de faillite et d'effondrement. Les faits sont là : la dette publique s'envole depuis que M. Nicolas Sarkozy a été élu président de la République en 2007. Cette année-là, elle était de 64 % du PIB. Le Premier ministre, François Fillon, devait déclarer le 21 septembre 2007 : « Je suis à la tête d'un Etat en faillite. » Le 3 octobre 2010, il persiste et signe : « C'était une image que je ne regrette pas »(6) . Il faut dire que la dette publique a d'ores et déjà atteint 83 % du PIB et qu'elle devrait être portée à 86 % en 2011. Quo non ascendet ? (Jusqu'où ne montera-t-elle pas ?), telle pourrait être la devise de nos ministres des finances, dignes successeurs de Nicolas Fouquet, qui oublient simplement que, dans le blason du surintendant général des finances, il y avait un écureuil, symbole de l'épargne...

M. Fillon nous avait annoncé la « rigueur », le 16 juillet 2010, au cours d'un voyage au Japon, le dépaysement lui ayant sans doute donné un sentiment inédit de liberté... Le 3 octobre 2010, il reconnaissait que le budget 2011 programmait une hausse des impôts, contrairement aux engagements solennels de M. Sarkozy : « Je l'ai toujours dit. C'est une augmentation d'impôts, bien sûr...» De fait, sous couleur de rogner les "niches fiscales » on augmente les prélèvements obligatoires d'un point, de 41,9 % en 2010 à 42,9 % du PIB en 2011. Cette direction n'est pas la bonne. Il fallait, d'abord et avant tout, s'attaquer aux prodigalités de l'Etat-providence. Il ne suffisait pas de ne pas reconduire les dépenses exceptionnelles de 2010, qui étaient censées être justifiées par les nécessités de la relance conjoncturelle, ni de se borner à « geler » les dépenses courantes, il fallait enfin réduire celles-ci, et cela de façon massive. Il eût fallu pour cela du courage politique et le sens de l'intérêt général.

II -La dette n'est pas une fatalité

A. La situation désastreuse que nous connaissons aujourd'hui en matière d'endettement n'est nullement une fatalité. Les dirigeants politiques adorent se défausser de leurs responsabilités sur la crise internationale, les forces obscures du marché ou les "gnomes de Zurich" évoqués naguère par Harold Wilson et qui sont aujourd'hui remplacés par les "paradis fiscaux" dans le rôle du bouc-émissaire.

Certes, MM. Sarkozy et Fillon n'ont peut-être pas fait pire que Mister Brown en Angleterre ou el Señor Zapatero en Espagne, mais ce n'est pas une excuse. Le mimétisme des dirigeants du monde, qu'ils mettent en scène dans les grands-messes hautement médiatisées des G7, G8 ou G20, n'est pas à leur honneur, d'autant qu'il y a d'heureuses exceptions : l'Allemagne, dans une certaine mesure, et surtout la Pologne ; la sage Pologne n'a pas écouté l'OMS, par exemple, et n'a donc pas eu peur du virus H1N1, ce qui lui a fait économiser beaucoup d'argent, et plus généralement elle a refusé tout plan de relance, sans avoir subi pour autant la moindre récession ; c'est le seul pays d'Europe à avoir connu la croissance en 2009. Il est vrai qu'elle n'a pas encore troqué le zloty pour l'euro.

Les exposés de François-Georges Dreyfus et Jean-Yves Le Gallou l'ont montré : le budget de l'Etat est en déficit depuis trente-cinq ans dans notre pays et la dette publique française n'a cessé d'augmenter ; 22 % en 1981, 33,2 % en 1988, 55,5 % en 1995, 58,8 % en 2002, 63,8 en 2007, 82,9 % en 2010 et 86,2 % en 2011. Rappelons que M. Fillon a parlé de « faillite » en 2007, avant la crise économique mondiale de 2008, qui ne peut se comparer, paraît-il, qu'à celle de 1929. Vous avez dit « rigueur » ? Force est de constater que le vocabulaire de la politique, telle qu'on la fait en France depuis trente-cinq ans, est fait pour tromper les électeurs. Il est vrai qu'à partir de 2007, sous le vain prétexte de conjurer la crise, l'évolution s'est accélérée : +22,4 % en quatre ans. Mais le laxisme budgétaire n'avait pas attendu la crise pour se manifester. De plus, comme l'a dit le professeur Bertrand Lemennicier, la réponse à la crise pratiquée par la plupart des Etats occidentaux de concert avec les banques centrales était parfaitement inadéquate. Jacques Attali, qui, pour avoir conseillé feu François Mitterrand, est expert ès politiques démagogiques, a comparé le G8 qui s'est tenu en 2008 après la faillite de Lehman Brothers à une réunion d'alcooliques dans un bar à vins. De fait, si l'on veut bien admettre que la crise a été l'éclatement d'une bulle financière, il était aussi pervers de tenter de soigner le marasme économique dû au laxisme monétaire et budgétaire pratiqué pendant des années par une accentuation dudit laxisme, en ouvrant grand les robinets de la monnaie et du budget. La leçon des économistes des écoles suédoise et autrichienne est à cet égard irremplaçable : ce qu'ont fait MM. Bush, Obama, Sarkozy et consorts à l'économie mondiale, c'est comme soigner une gueule de bois avec une bouteille de vodka. Avec un tel régime, on peut obtenir un répit, un bref soulagement, mais c'est le plus sûr moyen de se rendre terriblement malade et de mourir d'une cirrhose du foie.

Les dirigeants des Etats occidentaux, et ceux de la France en particulier, ont eu tort d'écouter les sirènes des économistes keynésiens ou monétaristes, qui ont flatté leurs penchants invétérés pour les solutions de facilité qui consistent à tenter de repousser les échéances douloureuses dans un futur post-électoral. Une autre politique était possible. Au delà, cependant, des responsabilités de tel ou tel homme politique, et malgré les exceptions plus ou moins brillantes que nous avons saluées, en Allemagne et en Pologne, lesquelles prouvent qu'avec de la lucidité, du courage et de la détermination, avec le sens de l'intérêt général, c'est-à-dire avec les qualités qui font la différence entre un homme d'Etat et un démagogue, on peut échapper à pensée unique et faire une autre politique, il faut admettre que le système politique qui s'est établi dans nos démocraties n'est pas bon. Il n'est pas bon, parce qu'il n'est pas réellement démocratique. Dans les pays où le référendum, et surtout le référendum d'initiative populaire, met un frein à la démagogie des hommes politiques, on peut vérifier ce principe : le peuple sait mieux défendre ses intérêts que l'oligarchie qui le gouverne. Le peuple est sage, mais il est dirigé par des irresponsables.

B. C'est donc la question de la souveraineté qui est le nud du problème. Dans son ouvrage magistral sur l'Etat, Raymond Carré de Malberg, qui fut sans doute le plus grand juriste français du siècle dernier, remarque qu'une grande confusion règne sur la notion de souveraineté, parce qu'on ne distingue pas les diverses significations du terme. « Le mot souveraineté - dit Carré de Malberg - a acquis dans le passé trois significations principales, bien distinctes. Dans son sens originaire, il désigne le caractère suprême d'une puissance pleinement indépendante, et en particulier de la puissance étatique. Dans une seconde acception, il désigne l'ensemble des pouvoirs compris dans la puissance d'Etat, et il est par suite synonyme de cette dernière. Enfin, il sert à caractériser la position qu'occupe dans l'Etat, le titulaire suprême de la puissance étatique, et ici la souveraineté est identifiée avec la puissance de l'organe. »

Dans un premier sens, qui est - si vous voulez - le « vrai sens », le mot souveraineté n'exprime au fond qu'une idée toute négative. « La souveraineté, dit encore Carré de Malberg, c'est la négation de toute entrave ou subordination. » Vis-à-vis de l'extérieur, elle ne signifie donc pas autre chose que l'indépendance de l'Etat. Dans les affaires intérieures, elle exprime le fait que l'Etat souverain est supérieur à toutes les autres puissances qui s'exercent sur son territoire. Indépendance externe et suprématie interne, voilà les deux idées qui traduisent, selon le point de vue adopté, la notion fondamentale de souveraineté, dans son acception originale.

Mais aussi, en démocratie, on postule que la souveraineté appartient au peuple (comme le veut l'étymologie du mot démocratie), et ici la souveraineté a son troisième sens, celui de la « puissance de l'organe », et l'on veut dire que c'est le peuple qui est "le titulaire suprême de la puissance étatique". Selon l'article 2 de la Constitution de 1958, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Toute la question est de savoir, cependant, si la démocratie élective est réellement représentative. Le contre-exemple le plus scandaleux est celui de la Constitution européenne. Le 29 mai 2005, dans un geste superbe de souveraineté, le peuple français l'avait superbement rejetée. Cela n'a pas empêché les parlementaires d'adopter deux ans plus tard le traité de Lisbonne, qui dit presque exactement la même chose, sur la proposition du président Sarkozy.

« Le monde a toujours très mal marché », disait Jacques Bainville. Sans doute. Sous tous les régimes et dans tous les temps, les rois et les gouvernements ont abusé de leur pouvoir au détriment des intérêts qui leur étaient confiés. Mais la France est théoriquement indépendante et démocratique. Et c'est là que le bât blesse, car nous pensons que, si elle le devenait réellement, le redressement des finances publiques ne tarderait pas. Tout se résume au fond au simple fait que le peuple français n'est pas vraiment souverain, d'une part, dans l'ordre externe, parce que la France n'est plus effectivement indépendante, donc souveraine dans la première acception donnée par Carré de Malberg, d'autre part, dans l'ordre interne, parce que la démocratie élective n'est plus représentative, que le pouvoir a été confisqué par une oligarchie coupée du peuple et que celui-ci n'est donc plus souverain dans la dernière acception du mot selon le grand juriste de Strasbourg. Ces deux phénomènes n'en faisant qu'un, au fond, si l'on observe que notre oligarchie est pour ainsi dire la section française de la superclasse mondiale dont parlait Huntington et à laquelle nous avons consacré l'université annuelle de 2009...

B1. La démocratie élective n'est pas nécessairement représentative. C'est un fait aujourd'hui criant. Nous avons cité l'exemple de la Constitution européenne, mais, plus généralement, il est incontestable que le peuple, lorsqu'il peut s'exprimer par référendum, ne cesse de contredire les classes dirigeantes, ainsi que l'exposé d'Yvan Blot l'a démontré. On en a eu un bel exemple en Suisse, en 2009, avec la votation qui a interdit la construction de minarets. Mais pourquoi les peuples élisent-ils des hommes qui ne les représentent pas réellement ? Tel est le paradoxe de la démocratie élective. La montée des partis populistes en Europe occidentale, qui confirme le fossé entre le peuple et les élites, donne l'explication du paradoxe. Dans une élection, on vote à la fois pour un homme et pour un programme et, puisque, partout dans le monde, tout mandat impératif est nul, comme le dit l'article 27 de notre Constitution, il en résulte un triple écart entre la volonté des mandants et les actes des mandataires. Primo, au niveau national, les hommes politiques ne peuvent se faire connaître que par le truchement des media, qui peuvent donner le micro ou le refuser. Ceux-ci jouent le rôle d'un filtre, et ce filtre n'est pas neutre. C'est ainsi par exemple qu'un homme politique qui défendra la peine de mort risque de ne pas être invité sur les plateaux de télévision ou de subir les pires attaques. Cette première raison est la principale. Secundo, en votant pour un programme, on ne vote pas pour un sujet déterminé, mais pour un ensemble. On pouvait être séduit par exemple, en 1981, par la hausse du salaire minimum, mais être hostile à l'abolition de la peine de mort ; avec Mitterrand, on avait les deux. Enfin, tertio, chacun sait que les promesses électorales ne sont pas toujours tenues et que le programme d'un candidat répond parfois d'assez loin à la politique qu'il va mettre en uvre une fois qu'il a été élu.

Les économistes de l'école américaine des choix publics, comme James Buchanan, ont théorisé ces distorsions de la démocratie élective. Les augmentations d'impôts sont saupoudrées sur l'ensemble des contribuables, ce qui peut les rendre relativement indolores, tandis que les dépenses budgétaires peuvent être concentrées sur des clientèles particulières, par exemple les agriculteurs. Cette asymétrie, la différence essentielle dont parlait Frédéric Bastiat entre "ce qui se voit", la manne que l'Etat fait retomber sur ses obligés, et "ce qui ne se voit pas", c'est-à-dire le coût budgétaire de la mesure, qu'il faut bien mettre à la charge de quelqu'un, est l'une des principales raisons de la tendance à l'accroissement des dépenses et des interventions de l'Etat. Et la meilleure manière de faire en sorte d'escamoter le coût des mesures démagogiques, c'est de les financer par l'emprunt. La dette est à la charge du contribuable de l'avenir, mais ce dernier ne vote pas encore.

Cette méthode de gouvernement a été portée au point de perfection par le locataire actuel de l'Elysée qui, depuis qu'il est devenu ministre de l'Intérieur en 2002, et encore davantage depuis qu'il a été élu président de la République en 2007, inscrit toute son action politique dans le cadre de « séquences médiatiques » successives. C'est une manière sûre de multiplier les gaspillages et les incohérences. On fait un « Grenelle de l'environnement » et, un an plus tard, on explique aux agriculteurs avec l'élégance que chacun nous reconnaît : « L'environnement, ça commence à bien faire ! »

La dette est le carburant de la démagogie. Elle permet l'accroissement illimité de l'Etat-providence, qui consiste à faire le généreux avec l'argent des autres. A cet égard, l'invention de la retraite par répartition a été proprement géniale. On a omis purement et simplement de reconnaître et a fortiori de calculer la gigantesque dette que ce régime met à la charge de l'Etat ou des caisses publiques qui en sont le faux nez. Tant que la pyramide des âges a été favorable, les cotisations ont pu rester modérées et les prestations raisonnables. Désormais, rien ne va plus. C'est pourquoi il est très dommage que le gouvernement ait engagé en 2010, pour des raisons politiciennes, une réforme qui ne règle rien sur le fond et qui est financièrement insuffisante, comme l'a expliqué éloquemment le professeur Jacques Bichot, grand spécialiste de la question, dans plusieurs ouvrages.

B2. A qui profite la dette ? Aux démagogues, nous l'avons vu, qui s'en servent pour se faire élire ou réélire. Mais aussi à ceux dont c'est le métier de prêter de l'argent : aux banques. Il fut un temps où l'Etat finançait gratuitement ses déficits auprès de la banque de France. Mais la loi du 3 janvier 1973, dite "loi Rothschild" par ses détracteurs (parce que le président de la République, Georges Pompidou, était un ancien fondé de pouvoirs de la banque Rothschild), a changé cela, en stipulant dans son article 25 : « Le trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l'escompte de la banque de France. » Depuis lors, l'Etat français est obligé d'emprunter auprès des banques commerciales, et ce n'est pas gratuit.

A vrai dire, il y avait un motif vertueux dans la « loi Rothschild », c'était de tenter de mettre un frein au laxisme budgétaire et d'éviter des abus de création monétaire. On pourrait aussi l'appeler la "loi Friedman", puisque le précepte du monétarisme était de rendre la politique monétaire indépendante de la politique budgétaire. Mais il est clair que l'effet recherché officiellement n'a pas été obtenu (ni pour le budget ni pour la monnaie) et que la décision a été une fabuleuse source d'enrichissement pour les banques privées. Elles ne courent en réalité aucun risque, puisqu'elles savent pertinemment que la banque centrale sera toujours là pour refinancer par création monétaire les dettes de l'Etat (ou des Etats de la zone euro) à l'égard des banques privées du pays (ou de la zone euro), alors que les banques privées étrangères (ou extérieures à la zone euro) ne jouissent pas de la même garantie et courent au moins le risque de change.

On a calculé qu'entre 1980 et 2008 l'Etat français avait payé 1.306 milliards d'intérêts, qu'il n'aurait pas supporté s'il avait pu se refinancer gratuitement auprès de la banque centrale et si celles-ci avaient eu le monopole de la création de monnaie, comme le propose le professeur Maurice Allais, prix Nobel de sciences économiques. C'est-à-dire que la charge cumulée du service de la dette représente davantage que celle-ci, qui est aujourd'hui pour l'Etat de 1.250 milliards d'euros.

Aujourd'hui, les mêmes dispositions sont transposées au niveau de la banque centrale européenne. D'où le scandale actuel : sous prétexte de lutter contre la crise, les Etats européens augmentent leurs dépenses, creusent leurs déficits et s'endettent auprès des banques privées ; parallèlement, toujours pour le même pieux motif de relance économique, la banque centrale européenne prête aux banques privées à un taux ridiculement bas ; ces dernières empochent la différence sans se fatiguer.

Les banques commerciales ont reçu le privilège extraordinaire de battre monnaie. Les dépôts qu'elles créent en contrepartie des prêts qu'elles consentent sont une monnaie qui a cours forcé et valeur libératoire en vertu de la loi. Elles ont donc intérêt collectivement à créer de l'inflation et des « bulles ». C'est, selon les économistes autrichiens, l'explication des cycles économiques, de la succession des périodes d'expansion euphorique et des crises douloureuses.

C'est donc le pouvoir exorbitant donné aux banques qui est la principale explication de la crise que nous connaissons. Pourtant, les réformes qui ont été effectuées depuis 2008 ou qui sont envisagées en matière de réglementation financière ne sont pas à la hauteur du problème. Si l'on est optimiste, on peut espérer qu'elles limiteront certains excès, mais elle ne remédie en rien au vice fondamental du système.

Cette impuissance des gouvernements à l'égard des banques s'explique aisément si l'on mesure à quel point celles-ci sont au cur de la super-classe mondiale qui domine aujourd'hui la planète. David Rockfeller, fondateur de la Trilatérale et ancien président du CFR (Council on Foreign Relations), qui a joué une rôle éminent dans l'essor de la super-classe mondiale, dans son animation et dans son organisation, était président de la banque Chase Manhattan. Ce n'est pas un hasard. La super-classe mondiale est, par essence, acquise à la mondialisation qui en est la raison d'être. Son idéologie mondialiste et cosmopolite (les deux adjectifs sont synonymes), qu'elle diffuse largement à travers les media, qui appartiennent souvent à ses membres, est hostile à la souveraineté des nations, à l'identité des peuples, aux frontières des Etats, qu'elle considère comme des obstacles au progrès et des archaïsmes condamnés par le sens de l'histoire. La modernité, pour elle, c'est le nomadisme célébré par Jacques Attali, donc le déracinement. La finance dématérialisée et mondialisée par la magie de l'électronique est pour elle la quintessence du progrès, dont profite, surtout, il est vrai, la petite minorité de ceux qui en possèdent les codes et qui en tiennent les manettes : les banquiers et, à leurs côtés, comme des frères siamois, les financiers des fonds spéculatifs en tout genre. L'homme idéal de la super-classe mondiale, ce n'est plus le banquier David Rockfeller, né en 1915, c'est le financier George Soros, qui s'est rendu célèbre et qui a fait fortune quand il a spéculé contre la livre sterling.

La super-classe mondiale se nourrit de la spéculation, donc de la dette. Le cycle économique, avec la succession des bulles et des crises qui le caractérise, lui convient parfaitement. Le commun des mortels en pâtit. Mais les membres de la super-classe mondiale s'en régale. Les sophistes de l'économie prétende que la spéculation est toujours bienfaisante, parce qu'elle stabilise l'économie. L'expérience démontre le contraire. Voyez l'affaire des prêts de seconde qualité, « subprime » en anglais, que les banques américaines ont consentis aux ménages modestes, souvent noirs ou hispaniques, pour l'achat de leurs logements. Les subtils mécanismes de la titrisation ont permis aux prêteurs de transférer le risque à d'autres après avoir empoché de grasses commissions, en le diluant sur l'économie mondiale. Ensuite, quand le château de cartes s'est effondré, les Etats occidentaux sont docilement accourus à l'aide des banques, aux frais des contribuables, au nom d'un prétendu « risque systémique » qui interdirait aux banques de perdre de l'argent. La super-classe mondiale est mondialiste, mais elle n'accepte pas le vrai capitalisme, qui, comme nous l'a rappelé Pascal Salin, suppose que les entreprises en général et particulièrement les banques soient principalement financées par des fonds propres (7). On en est loin, si l'on songe que la réforme en cours, pilotée par la BRI (banque des règlements internationaux) exigerait... 3 % de fonds propres dans le bilan !

La super-classe mondiale n'est pas vraiment libérale, puisque, si elle accepte volontiers la privatisation des profits pendant la formation de la bulle, elle entend que les pertes des banques soient étatisées lorsque survient la crise : elle dit pour ainsi dire à l'homme de la rue, vous, moi, honorable contribuable : « Face, je gagne, pile, tu perds ! »

Le pouvoir des banques est le socle du pouvoir de la super-classe mondiale, qui est dominée par la finance et l'esprit de la finance. Les avantages et privilèges que les Etats ont donnés aux banquiers et aux financiers ont entraîné un gigantesque transfert de richesse au niveau mondial au profit du secteur de la finance, au détriment des autres secteurs économiques, et notamment de l'industrie.

Le fonctionnement régulier d'un monde dominé par la super-classe mondiale suppose que le peuple n'ait pas son mot à dire. L'Etat national, qui n'est jamais complètement affranchi de ses électeurs, est invité à se dépouiller de ses prérogatives au bénéfice de l'Union européenne, de l'O.M.C. (Organisation mondiale du commerce, du F.M.I. (Fonds monétaire international) et autres organisations supra-nationales. Les décisions y sont prises à l'abri des regards du peuple.

Les européistes avaient tenté de nous faire croire naguère que la sagesse et la tempérance serait imposées à la légèreté des Français par les disciplines européennes. Le traité de Maëstricht ne fixait-il pas à 3 % le maximum du déficit, tandis que la dette ne devait pas dépasser 60 % du PIB ? On a vu ce qu'il en a été. Et il faut aujourd'hui, devant la gravité de la dette, après avoir compris quelles en étaient les causes profondes, proposer avec lucidité les réformes nécessaires pour sortir de l'impasse dans laquelle des dirigeants irresponsables nous ont mis.

III - Il faut remettre l'Etat au service de la nation

L'analyse que nous avons faite conduit à une conclusion limpide, qu'il est plus facile d'énoncer que de réaliser : il faut remettre l'Etat au service de la nation, ou, ce qui revient au même, il faut rendre la souveraineté au peuple. La dette publique monstrueuse qui nous écrase est le symptôme de cette aliénation de la souveraineté du peuple. Pour s'y attaquer sérieusement et durablement, si possible dès 2012, il faut de grands changements politiques et institutionnels.

1. Il faut, tout d'abord, intégrer la droite populiste à ce que les Italiens appellent l'"arc constitutionnel", ce qui signifie, en pratique, en France, pour tous, traiter le Front national avec les égards dus à son rang, et, pour la droite établie, envisager des alliances locales et nationales avec ce parti. Le regretté Michel Junot avait lancé : « Pas d'ennemis à droite ! » Le Club de l'Horloge, pour sa part, a depuis longtemps préconisé l'union de la droite, c'est-à-dire une coalition de gouvernement incluant le Front national. C'est une condition non suffisante, certes, mais absolument nécessaire à la solution de la crise politique et financière.

2. La France doit se doter, le plus tôt sera le mieux, de ce merveilleux instrument de démocratie authentique qu'est le référendum d'initiative populaire, que les Suisses pratiquent avec succès depuis plus d'un siècle.

3. La France doit sortir de l'euro pour recouvrer une monnaie nationale et remédier à l'asphyxie de son économie. Il est compliqué de créer une monnaie unique, comme on l'a vu en 1999, mais il est très simple d'en sortir : les Tchèques et les Slovaques ont scindé leur monnaie unique en 1993 et l'opération n'a pris que quatre jours (8). Bien entendu, la conversion de l'euro dans la nouvelle monnaie nationale devra se faire au taux de 1 pour 1 et ne soulèvera donc pas de difficultés pratiques. Philippe Herlin évoque cette hypothèse dans son scénario n° 7 de la crise de la dette, dans son livre France, la faillite ?, mais il n'y croit pas trop :

« Le "nouveau" franc ne sera pas destiné à être une monnaie aussi forte que l'euro. Au contraire, le gouvernement le laisserait perdre régulièrement de la valeur pour soutenir les exportations. Admettons qu'en trois ans le franc perde 50 % de sa valeur, cela signifie que la dette libellée en euros pèse deux fois plus lourd ! C'est la faillite assurée.

« Le gouvernement pourrait alors souverainement décider de convertir sa dette en francs, mais cela équivaudrait à un défaut partiel, un rééchelonnement. » (9)

Ce pessimisme est injustifié. Notre monnaie ne devrait pas se déprécier beaucoup si la sortie de l'euro était assortie d'un vaste plan d'économies budgétaires, surtout si l'on considère que l'euro pourra être tiré vers le bas par les difficultés de plusieurs des membres de la zone, dont la Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande. De surcroît, lorsque la Tchéquie et la Slovaquie ont séparé leurs monnaies, elles ont considéré chacune respectivement que les dettes contractées dans l'ancienne couronne tchécoslovaque étaient désormais définies en couronnes tchèque ou couronne tchécoslovaque. De la même manière, la France serait fondée à dire que les emprunts contractés en euros, qui étaient alors sa monnaie nationale, sont désormais définis dans ce qui est encore sa monnaie nationale, et non dans celle de l'Allemagne ou de l'Espagne.

4. Il ne suffit pas de sortir de l'euro, il faut aussi sortir de l'Union européenne. Le Club de l'Horloge avait lancé la formule de l'Europe des nations. Ce beau rêve est devenu un fantôme. Il faut en tirer les conséquences. Les bénéfices de l'Union européenne, s'il y en a, tiennent uniquement à la liberté des échanges, qu'il faut maintenir. Pour que le peuple français puisse décider souverainement de son avenir, il faut l'émanciper de toute espèce de supranationalité, donc la France doit quitter les institutions de l'Union européenne.

5. Redevenue indépendante sur le plan politique et monétaire, la France pourra enfin s'attaquer à la réforme de son système monétaire et financier. Sans cesser de coopérer avec ses partenaires étrangers, elle pourra remettre en cause les privilèges des banques. Il ne suffira pas de séparer la banque de dépôts de la banque d'affaires. Pour que les banques privées cessent de créer à leur profit une monnaie publique, il n'y a que deux solutions. La première est celle de la banque libre, dont les monnaies sont en concurrence entre elles et ne bénéficient plus de la garantie de l'Etat. C'est la formule proposée autrefois par Friedrich-August von Hayek et aujourd'hui par Pascal Salin. C'est probablement la meilleure en théorie, mais elle nous paraît politiquement utopique. L'autre solution, à l'inverse, réserve la création de monnaie à la banque de France : les banques commerciales sont tenues de couvrir leurs dépôts à 100 % par de la monnaie de la banque centrale. C'est la formule de Maurice Allais. C'est à notre avis la seule qui soit envisageable aujourd'hui.

Sauf accident, les prochaines élections présidentielle et législative auront lieu en 2012. Si la droite reste divisée, la victoire de la gauche est pratiquement certaine. On peut craindre, pourtant, que l'UMP n'ait pas encore compris dans moins de deux ans qu'elle doit tendre la main au Front national. Si c'est le cas, il faudra probablement attendre plusieurs années encore avant de pouvoir engager le redressement de notre patrie. Mais le poids écrasant de la dette aura peut-être le grand mérite de provoquer un sursaut. De ce mal peut sortir un bien. La France est une grande nation, qui vaut infiniment mieux que ses dirigeants actuels, et le peuple a des ressources que l'oligarchie sous-estime. Ne perdons pas confiance : au bord du gouffre, la France repartira. Vive la France !

Pierre Millan
secrétaire général du Club de l'Horloge

Notes :

  1.  Cité par Rémi Godeau, La France en faillite : la vérité sur l'explosion de la dette publique, Calmann-Lévy, 2006, p. 291.
  2. Op. cit., pp. 352-3.
  3. Cité par Rémi Godeau, op. cit., pp. 164-5.
  4. There are three kinds of lies : lie ; damned lie ; and statistics.
  5. Jean de Kervasdoué, Faute de réforme sérieuse, la faillite annoncée de l'assurance-maladie, Le Monde, 6 octobre 2010.
  6. Entretien à M6, cité dans Le Monde, 5 octobre 2010.
  7. Pascal Salin, Revenir au capitalisme pour éviter les crises, Odile Jacob, 2010.
  8. Voir Philippe de Villiers, Vous avez aimé les farines animales, vous adorerez l'euro, Albin Michel, 2001, pp. 157-161.
  9. Op. cit., p. 121.

Correspondance Polémia – 28/10/2010

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