Islam : la République aveugle

jeudi 17 avril 2003
« Ce livre n’a d’autre ambition que de nous dégriser d’un engouement exagéré pour l’Islam ».
Cette déclaration des auteurs Jeanne-Hélène Kaltenbach et Michèle Tribalat constitue l’idée directrice de l’ouvrage.
L’islam, deuxième religion de France en voie de devenir la première compte tenu de la déchristianisation de la population française, bénéficie en effet d’une certaine complaisance, ce qui relève d’un manque total de lucidité. D’où l’angélisme des médias : tel journaliste appelle à construire des mosquées « pour faciliter l’immigration », tel autre se félicite de l’initiative d’un lycée public de Roubaix qui « donne sa place à l’islam »…
Chez un bon nombre de nos compatriotes, la stupidité dépasse l’angélisme : les attentats du 11 septembre ? « Cela n’a rien à voir avec l’Islam » a-t-on pu entendre ça et là…

Cet aveuglement est le produit d’une lente et constante manipulation des esprits et que faire lorsque la plupart des décisions sont prises au niveau européen ? Ainsi l’ECRI (Commission européenne contre le racisme et l’intolérance) dans un rapport de 1999 regrette que la société française ne se reconnaisse pas encore pleinement comme multiculturelle et recommande de veiller à ce que les programmes scolaires, en histoire par exemple, soient conçus de façon à apprécier davantage la diversité culturelle !

Depuis l’effondrement du communisme, la morale humanitaire a envahi le vide politique.
L’anti-racisme reste le combat des nouveaux moralistes qui bénéficient du soutien actif de la Cour européenne des droits de l’homme. Alors on cultive en France le masochisme anti-national : il faut idéaliser le jeune immigré. Les forfaits commis dans les cités de banlieues dérangent les bonnes consciences qui minimisent les faits. Des féministes des années 70 ne veulent pas voir en face la condition de la femme dans la tradition musulmane. « Nous vivons à l’heure de la compassion sous la férule de la morale humanitaire teintée d’un tiers-mondisme patent qui sacrifie le statut de la femme aux particularismes ethniques ».

Paradoxe : les principes des droits de l’homme qui avaient pour vocation de souligner la commune nature humaine se sont transformés en instruments de promotion de particularisme et bien souvent de pratiques archaïques.

Le terme « assimilation » est devenu politiquement incorrect car il suppose que les populations musulmanes se fondent à terme dans la population française. En soulignant l’unité de la communauté nationale, il aurait même selon certains des connotations colonialistes ! Pour toutes ces raisons, il est discrédité au profit de la notion d’intégration et surtout d’insertion qui met l’accent sur le maintien des particularismes d’origine.
Il est en effet difficile d’envisager l’assimilation de certaines populations lorsque dès 1985, à Noyon, quelques fillettes arrivent voilées à l’école publique, se bouchent les oreilles en cours de sciences naturelles, refusent d’aller à la piscine. Il est encore difficile d’envisager l’assimilation lorsque juifs, musulmans, turcs et autres se regroupent à la cantine pour exiger des tables et des couverts séparés, lorsque certains refusent le théâtre, les cours d’histoire européenne, en littérature, Chateaubriand qui évoque l’Orient « de manière raciste », Voltaire à cause l’athéisme…
En ce qui concerne l’affaire du voile islamique, la plus grave parce que la première (1989) et la plus symbolique de toutes, les dirigeants socialistes se sont comportés en spectateurs indécis et inconstants.

On ne peut apprécier aujourd’hui l’exception française de la laïcité si l’on ignore les luttes qui l’ont engendrée.
Quelques dates :
- 1801 : le Condordat. Le Clergé fut démissionné en bloc, Bonaparte nomma les évêques, l’église fut renouvelée et prêta serment de fidélité au gouvernement.
- 1901 : proclamation de la liberté d’association. Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable.
- 1905 : loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Article 1 : La République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes. Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire comme chacun a le droit d’exercer le culte de son choix. Article 2 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Cet article 2 garantit l’effectivité de l’article 1. Conséquence : c’est la fin du concordat et de la situation dominante de l’Eglise catholique ravalée au même rang que les autres confessions. Les ministres du culte ne sont plus les salariés de l’Etat, le régime de laïcité est institué.

Or la loi de 1905 passe aujourd’hui pour un frein au développement normal du culte islamiste ; il conviendrait donc selon certains « d’adapter » cette loi aux besoins d’une nouvelle population arrivée dans notre pays à partir des années 50. Les conditions d’exercice du culte musulman sont alors dramatisées pour justifier une intervention publique de nature paternaliste : on nous fait pleurer sur les caves, les garages, les usines désaffectées servant de lieux de prières… Or l’interprétation de l’article 1, qui a tendance à l’emporter aujourd’hui, rend la République responsable de cette situation.
L’argument choc selon lequel l’Etat devrait construire des mosquées pour éviter la main mise de l’étranger est en réalité un argument fallacieux : ce n’est pas parce que l’Etat français en construira à ses frais que les flux saoudiens se tariront miraculeusement ! Ils pourront se recycler autrement, sur le terrain caritatif par exemple.
La loi de 1905 est censée garantir une égale liberté d’exercice, elle n’est pas censée garantir aux cultes une égalité de moyens. Cette nouvelle interprétation correspond à une dénaturation du texte ; elle trouve curieusement un appui auprès d’hommes politiques parmi les plus laïcs - Jean-Pierre Chevènement et Robert Hue par exemple - avec à chaque fois le même argument : les musulmans ont droit à des lieux de cultes comme les autres communautés religieuses.
Il s’agit en fait d’accorder une sorte de concordat provisoire avec une religion nouvelle en France et soit disant lésée par l’histoire. Cela reviendrait à introduire 2 régimes juridiques : un premier de stricte neutralité s’appliquant aux cultes anciens et un second d’accompagnement financier pour les nouvelles religions. Dans cette perspective, la laïcité ne correspondrait pas à un choix de société mais à une étape historique qu’il conviendrait de dépasser… pour s’adapter au paysage religieux et démographique de la France contemporaine.
La laïcité est même dénoncée par certaines « belles âmes » comme un concept extrémiste relevant d’une forme de fondamentalisme, ce qui revient in fine à réduire la laïcité à une croyance parmi d’autres.

Alors pourquoi ne pas étendre à d’autres religions ce que l’on consentirait à l’Islam ? Sur quelle base alors les pouvoirs publics pourraient-ils se fonder pour apprécier l’égalité de fait entre les divers cultes ? Et même si toutes les confessions s’entendaient entre elles pour obtenir des exigences communes, il faudrait encore le refuser ne serait-ce que pour sauver les droits des Français sans religion…

Or les demandes de réinterprétation ou de modification de la loi 1905 en faveur de l’Islam visent à légaliser des pratiques déjà en vigueur : à Montpellier, à Rennes, des mosquées ont été financées par la ville en habillant l’activité cultuelle en activité culturelle. L’Islam bénéficie ainsi d’aides illégales.

Le dernier chapitre du livre est consacré aux sites relatifs à l’Islam.
Les auteurs tirent de cette consultation 2 leçons :

1. Destinés à des jeunes issus de l’immigration qui souhaitent s’informer, ces différents sites présentent un islam à visage découvert sans fard, sans maquillage destiné à rassurer habituellement l’Européen, et il ressort de ses matériaux un fond idéologique commun :
- L’Islam est parfait, valable pour tous les peuples et pour chacun d’entre nous, il interdit donc toute démarche critique : la supériorité de l’islam est indéniable et rend inutile tout dialogue inter religieux.
- L’islam est plus qu’un culte, c’est un mode de vie. Il désigne non seulement les relations entre l’homme et Dieu mais les relations entre les hommes, il est par nature aussi politique : César et ce qui appartient à César appartiennent aussi à Dieu. La distinction entre Islam et islamisme n’est donc pas justifiée.

2. Il ressort de ces messages un rhétorique paranoïaque : complot des koufars (mécréants contre l’Islam), complot des juifs présents partout (« le roi Fahad d’Arabie saoudite est un juif, le roi du Maroc Hassan II est un juif comme le furent Tito, Lénine et l’Ayotollah Khomeiny, Jean-Paul II est aussi un juif !!! »).
- Interprétation délirante des attentats du 11 septembre : œuvre du Mossad ! Les Israéliens qui travaillaient au World Trade Center se sont absentés ce jour-là et les attentats se sont produits.
- Quant aux attentats du métro St Michel en 1995, comme ceux visant plus récemment les synagogues en France, ils auraient été commis par des juifs pour faire diversion !
- Des partis politiques en particulier le RPR paieraient même de jeunes musulmans pour brûler des voitures afin de faire campagne contre l’insécurité.

Internet permet donc aux islamistes de véhiculer impunément les rumeurs les plus folles…

Livre bien fait, livre dense qui, avec la caution d’une prestigieuse maison d’édition, a le mérite de dénoncer l’angélisme ambiant, de rappeler les bases de notre laïcité et de souligner les dangers d’un nouveau totalitarisme. Parions qu’il saura capter l’attention de lecteurs jusque-là hermétiques aux publications abusivement qualifiées d’extrême droite et qui avaient dénoncé, bien auparavant, les dangers de l’Islam pour la France et la république.


Isabelle Laraque
© POLEMIA
17/04/2003


Jeanne-Hélène Kaltenbach et Michèle Tribalat, La République et l’islam, entre crainte et aveuglement, Gallimard, août 2002, 338 p., 26,50 euros.
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