Elections régionales : le temps des médiagogues ! (édito 03/2010)

mardi 2 mars 2010

La distinction traditionnelle entre hommes d’État et démagogues a perdu son sens : la préoccupation du long terme a disparu et le souci de prendre en compte les aspirations du peuple s’efface devant celui de plaire aux médias. L’heure est aux médiagogues : ces hommes (et femmes) politiques qui gèrent leur carrière en flattant les médias, en répondant à leurs exigences commerciales et en se soumettant à leur idéologie dominante.

Explications.

« Homoparentalité » et tramway : la crainte de la « ringardise »

A peine nommé chef de file de l’UMP pour Paris, Chantal Jouanno a pris fermement position pour « l’homoparentalité », c'est-à-dire pour le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Une lubie politiquement correcte sans rapport avec les attributions du Conseil régional, ni avec les préoccupations des Franciliens, ballotés dans des moyens de transports inadaptés à leurs besoins. Mais Chantal Jouanno envoyait ainsi un message clair : celui de sa grande soumission et de sa grande conformité à l’idéologie dominante.

Six ans plus tôt, ses prédécesseurs UMP en campagne pour l’Île-de-France avaient eu, sur un autre sujet plus régional, il est vrai, un comportement comparable. Tout en sachant parfaitement que le tramway des Maréchaux était un équipement inadapté (ce que les faits ont amplement confirmé), Jean-François Copé et André Santini s’étaient prononcés en sa faveur; avec la raison suivante : « les médias sont pour ; si nous étions contre, nous passerions pour ringards. »

  Pécresse au secours d’Ali Soumaré

Valérie Pécresse, candidate UMP 2010 à la présidence de la région capitale, a adopté le même comportement dans l’affaire Ali Soumaré. Cette tête de liste du PS dans le Val d’Oise a été qualifiée de « délinquant récidiviste chevronné » par Francis Delattre, maire UMP de Franconville. Ali Soumaré a effectivement eu maille à partir avec la justice dans quatre affaires : vol avec violence (« une erreur de jeunesse »), violences contre des femmes (contestées), rébellion contre la force publique (en appel), conduite sans permis (reconnue). Dans un premier temps, ces révélations ont mis le PS mal à l’aise et son porte parole, Benoit Hamon, fut hésitant dans ses répliques ; d’autant que la majorité des affaires évoquées étaient récentes (2008 et 2009). Mais du Figaro à Libération, les médias ont pris fait et cause pour Ali Soumaré, ce Malien d’origine, estampillé candidat de la « diversité » ; et les grandes consciences journalistiques ont dénoncé une campagne qui « pue ». Le PS s’est finalement enhardi dans la défense de son candidat et a demandé des excuses à l’UMP. N’ayant comme seule boussole politique que les médias, Valérie Pécresse s’est alors solidarisée d’Ali Soumaré. Elle a « condamné » l’initiative de l’UMP du Val d’Oise et regretté: « cette démarche qui ne correspond ni à sa conception de la politique, ni à ses valeurs ». M. Delattre lui-même a dû présenter des excuses partielles.

Médiagogie et déni de cohérence

Les médiagogues (*) vident la politique de sa cohérence car ils inscrivent leur parole dans l’hyper court terme : ce qui compte, c’est ce qui se dit dans l’instant et dans l’émotion. Dans l’affaire Soumaré, toute réflexion fut abandonnée : les beaux discours sur l’exemplarité des élus abandonnés ; la condamnation des violences, en particulier celles faites aux femmes laissée de côté ; et la conduite sans permis fut même présentée comme une peccadille alors qu’UMP et PS s’évertuent depuis 2003 à dénoncer la « délinquance routière ». Il est vrai que la « diversité » excuse tout ; ce qui a conduit l’essayiste, Malika Sorel, à en tirer la morale suivante : « mieux vaut donc à présent être estampillé « d’origine étrangère » avec casier et sans diplôme, qu’identifié comme Français sans casier judiciaire et avec diplômes. »

Médiagogie et déni de débat

La médiagogie tue aussi le débat politique. En effet ce sont les médias qui fixent les sujets qu’il est permis ou non d’aborder en campagne électorale ; ce sont eux aussi qui fixent les thèmes de discussion. Cela aboutit à une pasteurisation des oppositions, voire à leur négation pure et simple : en effet les principaux candidats en présence - en tout cas ceux qui sont invités à parler et ceux qu’on montre – doivent communier dans la même idéologie unique : cosmopolite et antiraciste, hostile aux traditions et à l’identité française, le tout avec un zeste d’écologie.

Médiagogie et abstention

La médiagogie considère les aspirations et les réactions du peuple comme secondaires sinon négligeables: il est donc naturel que le peuple se réfugie dans l’abstention ; en particulier là où il ne peut pas s’exprimer par référendum. Ce n’est sans doute pas un hasard si les instituts de sondage prévoient un record d’abstentions pour les prochaines élections régionales, en particulier en Ile de France. Reste bien sur la voie populiste mais elle demeure elle même tributaire des médias qui lui donnent ou non de la visibilité. La tyrannie médiatique est le despotisme des temps modernes !

Polémia

26/02/2010

(*) voir: Le dictionnaire de la réinformation – Cinq cents mots pour la dissidence

Image : Valérie Pécresse

 

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